Le cadre financier pluriannuel (CFP) est l'acte budgétaire majeur de l'Union européenne (UE). Il fixe pour sept ans des plafonds de dépenses, en crédits d'engagement, par grandes rubriques et année par année. Pour la première fois, négociation budgétaire et réforme de la Pac coïncident. Tous deux doivent être définis pour la période 2014-2020. La crise de la dette et l'obsession des Etats membres à maîtriser leurs dépenses ont fait peser un grand danger sur la Pac. Le budget agricole, d'abord sabré, est aujourd'hui presque sauvé. En un an et demi, cinq propositions chiffrées se sont succédé, deux de la Commission, une de la présidence chypriote de l'UE et deux de la présidence du Conseil européen. Le CFP est tombé de 1 061 milliards d'euros (Mds€) à 983,6 Mds€. La dernière proposition sur la table d'Herman Van Rompuy, le président du Conseil, est très proche de ce que demandaient dès 2010 les contributeurs nets au budget que sont l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède : une stabilisation budgétaire sans correction de l'inflation. Soit un budget entre 1,03 % et 1,05 % du revenu national brut (RNB).
UN PLAFOND À 1 % DU RNB
Dès l'été 2012, les positions se sont durcies. Les égoïsmes nationaux se sont exacerbés. La France s'est détachée du « clan des sept ». Elle ne veut plus choisir entre la limitation du budget à 1 % du RNB, la préservation des budgets agricole et régional (fonds de cohésion) et le renforcement de la compétitivité, relais de croissance. Elle accuse – encore – le « chèque » britannique de faire obstacle à un accord. Une Arlésienne bien commode… Certes, la ligne rouge des Anglais est le gel du budget. Mais ils ne sont pas les seuls à être sur cette position inflexible. L'Autriche, les Pays-Bas et la Suède réclament des coupes d'au moins 100 milliards d'euros sur la proposition de la Commission, notamment dans la Pac (dont la France est l'un des premiers bénéficiaires) et dans les fonds de cohésion (dont profite d'abord la Pologne). L'Allemagne, la Finlande et le Danemark avancent eux aussi un chiffre précis : 1 % du RNB maximum, ce qui correspond à une baisse comparable du CFP.
ENCORE UNE MARGE DE NÉGOCIATION
Dans la proposition Van Rompuy du 13 novembre, qui représente 1,02 % du RNB, la Pac a perdu quelque 25 milliards d'euros, dont plus de 12 Mds pour le premier pilier (dépenses de marché et paiements directs) et 70 Mds pour les fonds de cohésion (lire infographie ci-dessous). La France, l'Irlande, la Grèce, l'Espagne, la Hongrie – le « camp des pro-Pac » – ont râlé et récupéré près de 8 Mds entre le 13 et le 22 novembre.
Les « amis de la cohésion », emmenés par la Pologne, ont eux aussi fait entendre leur voix et retrouvé quelque 10 Mds€ supplémentaires. C'est sur cette base que se retrouveront les chefs d'Etat et de gouvernement début 2013.
Ils arriveront alors sûrement encore à rogner un peu sur la compétitivité et l'administration pour satisfaire toutes les exigences nationales. Stéphane Le Foll et Stanislaw Kalemba, ministres de l'Agriculture français et polonais, ont déjà déclaré que les budgets de l'agriculture et des régions devaient encore progresser. Des annonces qui font bonne figure dans leurs pays respectifs, mais qui seront difficiles à concrétiser. De son côté, David Cameron, le Premier ministre britannique, a proposé des coupes dans le budget de fonctionnement de l'administration européenne, mais pour diminuer encore le budget global de l'UE, pas pour gonfler les enveloppes de la Pac et de la cohésion.
Quand les chefs d'Etat et de gouvernement auront trouvé un accord à l'unanimité, ce sera au Parlement européen de l'approuver. Puis nous serons tranquilles jusqu'en 2020. Quoique… Chaque année, le budget annuel fait aussi l'objet d'âpres négociations. Et puis, la crise a remis sur le devant de la scène le débat sur les ressources propres de l'UE. Encore faut-il que citoyens et responsables politiques se fassent à l'idée de mettre en place de nouveaux impôts.