La suppression de la pénalité de dépassement de quota, officialisée en octobre par le ministère de l'Agriculture, propulse un peu plus la filière laitière dans l'après-quota. Un monde où la régulation n'est plus de mise. Il incombe désormais aux producteurs et aux transformateurs de trouver un nouvel équilibre dans leurs relations. En particulier, qui déterminera le prix et le volume ?
Le mini-paquet lait, adopté le 28 février par le Conseil européen, ainsi que la contractualisation issue de la LMA de 2010 offrent quelques outils aux producteurs. Mais une nouvelle organisation tarde à se mettre en place, freinée par les divergences syndicales sur le terrain. Malgré leurs lacunes, les contrats se signent en ordre dispersé. D'ici à 2015, les producteurs doivent aussi construire des organisations de producteurs (OP). Ce couple contrat-OP suffira-t-il à rétablir un rapport de force plus favorable aux producteurs ? Rien n'est moins sûr.
RÉGULER LE VOLUME
Lors d'un colloque organisé par la Confédération paysanne le 29 novembre, les syndicats agricoles, toutes tendances confondues, se sont accordés à rappeler l'importance d'une interprofession forte – une fois ouverte aux minoritaires – où s'analyseraient les marchés et où se dérouleraient les négociations sur la régulation des volumes. Sans aborder le prix du lait, un sujet désormais tabou...
Pour les industriels, la cause est entendue. « C'est la demande des marchés qui orientera la production à l'avenir, pas les pouvoirs publics ou les producteurs », expliquait Daniel Chevreul (Bongrain), lors du colloque de la Confédération paysanne, rappelant que « la France est un pays exportateur ». Le marché mondial ne devrait plus se cantonner à un simple rôle de dégagement des surplus mais devenir un débouché à part entière. Reste aux industriels français à calibrer leurs outils et à développer leur force de frappe commerciale pour conquérir des parts de marché, face à des concurrents redoutables. Y compris au sein de l'Union européenne : les Pays-Bas affichent leur volonté de produire 30 % de plus à la fin des quotas, l'Irlande prétend à 50 % de hausse…
LIEN AU FONCIER
La cessibilité des contrats cristallise cette guerre pour la maîtrise des volumes. Des contrats qui, pour l'instant, ne semblent pas pouvoir être transmis sans l'autorisation de l'industriel. Dès lors, ce dernier pourra choisir le producteur avec lequel il souhaite contractualiser, au détriment d'exploitations moins « intéressantes » pour lui. Jusqu'en 2015, les références laitières seront liées au foncier. Après, ce lien sera rompu, ce qui laisse craindre une « végétalisation » des exploitations. Pour y remédier, plusieurs solutions sont à l'étude, notamment la mise en place d'un « fonds de commerce laitier » qui lierait la production à un cheptel, des bâtiments et surtout du foncier. Reste à connaître sa valeur et sa cessibilité.
Paradoxalement, la hausse de la demande mondiale ne va pas de pair avec un plus grand nombre d'éleveurs laitiers. En France, près d'un milliard de litres de lait ont un débouché incertain, comme l'illustrent les problèmes de Forez Fourme et Leche Pascual. Hors du « croissant laitier » (grand- Ouest, Nord, Est et Massif central), les régions périphériques ou difficiles d'accès devraient progressivement se voir boudées par les industriels si aucune politique volontariste n'inverse la tendance.