«Dès que les pluies reviennent à l'automne , l'herbe pousse, rappelle Benoît Portier, des chambres d'agriculture de Bretagne. Une dérobée implantée en juillet produira de la biomasse à l'arrière-saison. Contrairement aux idées reçues, les fourrages d'automne possèdent un vrai potentiel, avec de très bonnes valeurs alimentaires. C'est la voie la plus efficace pour réduire le coût alimentaire. »
En Bretagne, sourtout dans les zones côtières, les éleveurs peuvent sans grand risque intégrer ces surfaces dans leur bilan fourrager. C'est ce que fait Michel Castrec, à Pouldergat (Finistère). « J'implante 10 ha de ray-grass d'Italie (RGI) après une céréale, que j'inclus dans la rotation des paddocks. Les rendements sont stables d'une année sur l'autre, entre 1,5 et 2 t de matière sèche (MS)/ha. J'estime les apports à 5-6 kg de MS d'herbe/vache/jour. La ration distribuée en complément est de 10 kg de maïs ensilage et seulement 0,5 kg de correcteur azoté pour des vaches à 7 200 l. Un apport de céréales n'est pas justifié, le RGI apportant 1 UF/kg de MS. »
Néanmoins, cet apport n'est pas assuré chaque année. Des régions comme les Pays de la Loire sont moins favorisées. « Il s'agit davantage d'une opportunité à saisir. Certaines années, les couverts végétaux s'exploitent bien. Et parfois, les conditions climatiques ne s'y prêtent pas, avertit Jean-Philippe Rigaud, conseiller au Clasel (organisme de conseil en élevage de Sarthe et Mayenne). En particulier, les levées sont difficiles si l'été est sec. Cette année, les récoltes ont été tardives, donc les semis de dérobées aussi. Puis les mois d'août et septembre n'ont pas été assez arrosés, les couverts ont levé tardivement. Enfin, l'exploitation a été difficile en octobre car les pluies sont arrivées. »
BIEN CHOISIR LES ESPÈCES
Plusieurs critères entrent en ligne.
Date d'implantation. Un semis précoce après céréales ou colza (juillet à mi-août, voire en juin après une récolte de céréales immatures) permet une récolte d'automne. Un semis tardif (mi-août à septembre) entraîne plutôt une récolte de fin d'hiver avant un maïs, bien qu'une exploitation à l'automne soit parfois possible. Un ray-grass semé en interrang du maïs peut être exploité à l'automne, après l'ensilage.
Le climat joue également. « En Bretagne, il faut implanter le plus tôt possible, insiste Jean-Philippe Turlin, de la chambre d'agriculture du Finistère. Une semaine de décalage en août, c'est 1 t de MS/ha en moins à la récolte. Quant aux légumineuses, elles sont à semer avant le premier septembre. »
Période de récolte. A condition de bénéficier de quelques millimètres de pluie, le colza fourrager lève en août, tandis que les graminées sécurisent une pousse d'automne. Après une céréale, le RGI en semis précoce autorise plusieurs passages de pâturage, y compris en sortie d'hiver. Ce qui n'est pas le cas du colza. Pour un semis tardif, une avoine (brésilienne ou diploïde) à implantation rapide est mieux adaptée.
Les dérobées se raisonnent dans la rotation des cultures. « Il faut réfléchir aux assolements afin d'éviter l'émiettement et faciliter le pâturage, conseille Pascal Le Coeur, des chambres d'agriculture de Bretagne. On évitera également d'implanter une trop grande surface avec la même espèce, au risque de se retrouver débordé par la pousse et de ne pas tout valoriser au stade optimal. Semer plusieurs espèces à périodes de maturité échelonnées permet de les exploiter successivement dans le temps : un colza en premier, suivi par une avoine puis par un RGI, par exemple. Attention également à la culture suivante. Le colza n'est pas un bon précédent maïs, il s'implante plutôt avant une prairie. » En cas d'association, il faut veiller à marier les bonnes espèces. Ainsi, l'avoine sera associée à un trèfle à pousse rapide, comme le trèfle incarnat. Un colza fourrager peut être semé avec un RGI : le colza pousse en 45 jours, puis le RGI prend le relais. »
Mode d'exploitation. La plupart des espèces peuvent être fauchées et pâturées. Quelques-unes, tel le sorgho fourrager, sont réservées à la fauche. Le pâturage est le mode de récolte de loin le plus économe. Il dépend néanmoins de l'accessibilité des parcelles aux animaux : éloignement, présence de clôtures, chemins d'accès, portance des sols... Mais aussi de la préférence de l'éleveur, qui peut redouter un salissement des vaches, en particulier en élevage laitier.