Au volant de ses camions, Yves Besson a parcouru des milliers de kilomètres pendant vingt-deux ans. « J'aimais conduire et le métier payait mieux que celui de plombier, pour lequel j'avais obtenu un CAP. » En 1994, à 31 ans, il rencontre sa femme, Nicole, et bifurque vers l'agriculture. Ses beaux-parents avaient une exploitation laitière (200 000 litres de lait sur 60 ha) à Nangy (Haute-Savoie) et arrivaient à la retraite. « J'ai saisi l'opportunité de m'impliquer dans un métier qui m'a toujours attiré », se souvient Yves. Petit-fils d'agriculteur, il passait ses vacances et son temps libre dans la ferme des voisins, à Cruseilles.
Personne toutefois ne l'a encouragé à franchir le pas. « Au contraire, on m'en a toujours dissuadé, prédisant que je n'y arriverais pas et qu'il fallait être passionné pour tenir. » De la passion et de la ténacité, Yves n'en manque pas. Des virées en moto avec les copains le week-end aux compétitions de haut niveau pendant quinze ans – trois fois vice-champion de France de vitesse, il a participé à six « Bol d'or », la course mythique d'endurance –, Yves a appris à « s'accrocher » pour avancer.
UNE QUESTION D'ORGANISATION
Quatorze ans après leur installation en 1998, d'abord avec les beaux-parents puis avec un associé hors-cadre, Yves et Nicole sont toujours là. Heureux d'être parvenus à concilier la gestion d'une exploitation productrice de lait à reblochon (460 000 litres de quota) avec une qualité de vie « indispensable pour durer dans le métier ».
L'équilibre d'aujourd'hui n'a pas toujours été une évidence. Les premières années, à la sortie du Centre d'élevage de Poisy où le couple s'est formé pendant un an, ont été très difficiles. « Le rythme de travail ne me convenait pas, raconte Yves. Je voulais faire du sport, profiter de mes deux enfants, des copains, avoir une vie comme tout le monde. » L'ancien routier avoue avoir failli jeter l'éponge à plusieurs reprises. Mais un associé et une autre organisation lui ont permis de tenir la distance. Le couple, qui s'est mis en Gaec en 2000 avec Henri, un ancien mécanicien agricole qui partage ce souci « d'avoir une vie après le travail », s'octroie deux semaines de vacances par an et un week-end sur deux. « Nous nous organisons pour que celui qui est de garde le samedi ait un week-end de travail allégé à partir de 9 heures. Pas question de déplacer les animaux ces jours-là. Ainsi, les vaches prêtes à vêler sont ramenées dans le bâtiment, au cas où. » Construit en 2001, ce dernier a été pensé pour simplifier le travail. Une personne seule peut traire les 80 vaches.
Pour Yves, le samedi est consacré au vélo. Avec une dizaine de copains, il peut parcourir 140 km dans la journée. Le soir, après la traite qui démarre à 17 heures quoi qu'il arrive, il n'est pas rare qu'il sorte faire un petit tour. « Je pars parfois grincheux et je reviens reposé. »
Lever le nez du guidon et communiquer de façon positive sur son activité, tel est le conseil qu'il délivre aux jeunes candidats à l'installation dont plus de la moitié en Haute-Savoie ne sont pas originaires du milieu agricole. « La météo et les animaux font certes la complexité du métier. Mais on n'est pas les seuls à subir les contraintes climatiques et à cumuler les heures de travail », relativise-t-il.