La santé des veaux se joue bien avant leur naissance. Pour Régis Rupert, vétérinaire (*), la préparation des vaches avant le vêlage est l'une des clés de la baisse de la mortalité des nouveau-nés. Veiller à ce que les besoins des vaches soient couverts dans le dernier mois de gestation est donc une priorité.

Reconcentrer la ration. Lors du neuvième mois de gestation, les besoins d'une vache de 700 kg sont de 9 UF et 850 g de PDI par jour. Les fourrages seuls ne parviennent pas à les combler. D'autant que la capacité d'ingestion diminue fortement. La solution passe donc par l'apport de concentrés, ce qui n'est pas toujours facile à mettre en place au pré. Si la conjoncture actuelle est peu propice, avec des prix qui flambent, le jeu en vaut la chandelle. Si les apports ne collent pas parfaitement aux besoins, les complications apparaissent. Et même si la vache est en état, « il ne faut pas qu'elle puise dans ses réserves », insiste Régis Rupert. Un contrôle sanguin de la glycémie donne une idée de la couverture de la ration.

Comparer les apports avec les besoins, analyses de fourrages à l'appui, permet de dresser un bilan précis. Reste qu'il n'est pas toujours facile de s'adapter aux stocks et aux conditions climatiques. Les solutions passent par des compromis, comme chez Guy Bonnot (lire l'encadré ci-contre). « Quand les vêlages commencent en décembre, au moment où les animaux entrent en stabulation, et si l'on n'a pas pu mettre en place de complémentation avant, l'apport de concentrés limite les problèmes sur les vaches qui vêlent plus tard », indique Régis Rupert.

La distribution de fourrages comme l'ensilage de maïs et/ou d'herbe est aussi un moyen de reconcentrer la ration. 10 kg de MS de foin apportent 6 UF, tandis que l'ensilage d'herbe en apporte 7 et l'ensilage de maïs 9. Lorsque les besoins énergétiques notamment ne sont pas couverts, les sanctions tombent. La mortinatalité augmente. « Une étude a montré qu'à 5,5 UF, elle atteint 14 %, à 6,5, elle varie entre 5 et 13 %, tandis qu'à 8 UF, elle est inférieure à 5 %.

LES DÉFICITS ET LEURS EFFETS DÉVASTATEURS

Une porte ouverte aux pathologies. « Les conséquences d'une mauvaise conduite alimentaire dans le dernier mois de gestation, c'est d'abord un terme qui est repoussé et des veaux qui naissent plus gros », prévient Régis Rupert. C'est aussi la porte ouverte à de multiples pathologies. Car, en état de sous-nutrition, des germes se développent, puis passent directement dans le sang. Lorsque l'on analyse les urines de l'animal, les colibacilles sont détectés en grand nombre. Ces germes circulent aussi dans le sang du veau. Résultat, à sa naissance, celui-ci est déjà malade. « Parfois, il est tellement malade qu'il est déjà mort », ironise le vétérinaire.

L'issue n'est pas toujours fatale mais elle peut se traduire par l'apparition de gros nombrils ou de pneumonies précoces. « Dans le cas du gros nombril, si le cordon est humide après 48 heures, ce n'est pas normal, insiste-t-il. Au bout de 14 heures, il doit être sec ! » C'est le signe de la multiplication de germes qui empêchent son assèchement correct. Ces germes peuvent par ailleurs remonter les canaux urinaires, contaminer d'autres organes et provoquer de nouvelles pathologies. Si l'hygiène reste une cause classique de la présence de gros nombrils, la mauvaise nutrition est aussi un facteur à mettre en cause.

Contractions inefficaces. L'hypocalcémie au moment du vêlage engendre des complications. L'utérus n'est alors pas capable de se contracter normalement. Il reste « languissant ». Le veau stagne au fond de l'utérus et n'est pas remonté normalement. Dans les cas extrêmes, on constate un renversement ou une torsion de matrice. « Si ces problèmes sont observés en "série", la sous-nutrition est à suspecter », signale Régis Rupert.

L'hypocalcémie au moment du vêlage engendre aussi de mauvaises délivrances. Elle découle en particulier d'un pH sanguin basique lié à la balance anion/cation (BACA) élevée de la ration, et notamment à un excès de potassium. Or l'herbe fait partie des aliments les plus fortement pourvus. « L'un des artifices consiste à apporter du chlorure de magnésium dans les six derniers jours avant le vêlage, à raison de 100 g par jour pendant une semaine », indique-t-il.

Attention aux carences en oligo-éléments. L'hormone thyroïdienne T4 est primordiale pour le veau, car c'est grâce à elle qu'il s'adapte à la vie extérieure. Or il n'est pas capable d'en fabriquer dans les premières 24 heures de sa vie. D'où l'importance de l'apport de cette hormone par sa mère. La T4 permet au nouveau-né de réguler sa température et de se diriger instinctivement vers le pis de sa mère. Si celle-ci est carencée en iode et en sélénium en particulier, elle ne pourra pas lui transmettre l'hormone nécessaire. Conséquence, le veau sèche moins bien à la naissance. « Il ne peut mettre en route son chauffage central », constate Régis Rupert. Il a du mal à évacuer le liquide de ses poumons et c'est le début d'une spirale infernale. Il peut aller jusqu'en détresse respiratoire.

En tout cas, il n'est pas dans de bonnes conditions pour téter alors que le temps lui est compté. Ses réserves corporelles à la naissance ne lui offrent que 2 heures d'autonomie. De plus, la qualité du colostrum baisse très rapidement. Encore faut-il qu'il soit de bonne qualité au départ.

Une bonne teneur en anticorps. La teneur en anticorps est l'un des éléments essentiels. Celle-ci doit s'afficher au-dessus de 80 g/l. Parasitisme, mauvaise alimentation ou non-respect des procédures vaccina les ont une influence négative. Une vache parasitée par la douve, par exemple, va produire des anticorps pour se défendre contre cet hôte indésirable. Pendant ce temps, elle n'en fabriquera pas suffisamment pour le colostrum de son veau. D'où l'importance des traitements antiparasitaires avant le vêlage. « Et si une vache avorte après le traitement, celui-ci n'est pas responsable », indique le vétérinaire.

L'alimentation avant le vêlage joue aussi un rôle sur la composition du colostrum. Un déficit énergétique conduit à une carence en anticorps. Là aussi, il est possible de vérifier la couverture énergétique en réalisant une mesure de la glycémie. Quant à la teneur en corps cétoniques, elle révèle si la vache mobilise ses graisses corporelles. Il existe sur le marché un appareil semblable à celui utilisé par les diabétiques agréé pour les bovins. Il coûte 70 environ. En testant cinq vaches dans les jours qui précèdent le vêlage, on a une idée représentative de l'état du troupeau. Enfin, lorsque le colostrum est correct, il faut s'assurer que le transfert s'effectue dans de bonnes conditions (lire l'encadré ci-dessous).

(*) Régis Rupert, vétérinaire de la société 5m-Vet, est intervenu dans le cadre de la journée portes ouvertes de la ferme expérimentale de Jalogny (Saône-et-Loire) avec le Groupement de défense sanitaire de Saône-et-Loire avec lequel il a assuré des formations dédiées aux éleveurs dans les cantons du département.