Si le réchauffement climatique est acté, reste à définir son ampleur, qui dépendra notamment de la capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Si l'objectif pour la France, tous secteurs confondus, est ambitieux (lire l'encadré ci-dessous), concernant l'agriculture, le but est d'atteindre une baisse de 50 % d'ici à 2050… Ce qui est déjà beaucoup !

Depuis 1990 pourtant, les émissions de l'agriculture ont déjà diminué de 11,6 % grâce notamment à une moindre utilisation d'engrais azotés et à une diminution du nombre d'animaux. Selon l'Ademe, plusieurs leviers peuvent être actionnés pour aller plus loin.

La consommation d'énergie directe (fioul, électricité, gaz) représente 9 % des émissions de GES. L'Ademe estime possible une économie de 10 à 20 % sans remettre en cause les systèmes de production notamment par l'usage des engins agricoles (conduite économe, banc d'essai moteur…), les bâtiments d'élevage, les serres... Sur le premier point, le passage en non-labour permettrait d'économiser jusqu'à 40 % de fioul (mais attention aux conséquences sur l'utilisation des phytos...) et une meilleure conduite environ 20 %. L'amélioration du rendement moteur est également en cours.

La fertilisation azotée représente 45 % des émissions de GES en agriculture. « Une tonne d'azote minéral utilisée est responsable en moyenne de l'émission de 10 à 12 t de CO2 sur l'ensemble du processus de production et d'épandage », rappelle l'Ademe. Le choix de la forme des engrais et les outils d'aide à la décision (pour ajuster les apports aux besoins) permettent de diminuer les émissions. Une autre solution est l'introduction de légumineuses dans la rotation qui se substituent aux apports d'engrais de synthèse

Le stockage du carbone dans les sols est en baisse en Bretagne, Franche-Comté et dans les sols cultivés des landes de Gascogne et du piémont pyrénéen. En cause : les changements d'usage et de pratiques depuis plusieurs décennies tels que le retournement de prairies. Pour lutter contre le réchauffement climatique, il faudrait stopper cette tendance baissière par l'apport de matière organique, la mise en place de cultures intermédiaires, l'allongement des rotations, la simplification du travail du sol… Pour le GIS Sol (le Groupement d'intérêt scientifique qui a rendu son premier bilan fin 2011 après dix ans de recherches), « les sols, qui abritent un stock considérable de carbone organique évalué à 3,2 milliards de tonnes dans les trente premiers centimètres, représentent un levier temporaire d'atténuation des émissions de GES. Mais ce stockage ne constitue pas une solution à long terme et sa durabilité est très incertaine. »

La part des déjections animales est de 19 % des émissions du secteur. Le traitement de ces effluents par la méthanisation permettrait de réduire d'environ 80 % les émissions de GES lors de leur stockage. D'autres pistes sont à l'étude telles que le traitement aérobie du lisier.

L'utilisation de la biomasse en énergie et bioproduits constitue aussi une voie de substitution des produits pétroliers. L'objectif français d'atteindre 20 % d'énergie renouvelable en 2020 s'appuie à 50 % sur la biomasse agricole et forestière. Mais pour développer la filière biomasse énergie, il reste à régler des problèmes de concurrence d'usage, de disponibilité et de pérennité de la ressource…

Pour réduire les émissions du secteur agricole, nous connaissons des solutions techniques, reste à voir comment elles peuvent être compatibles avec le maintien de la compétitivité, de la productivité de l'agriculture française et de la rentabilité économique, estime Jérôme Mousset, de l'Ademe. Une étude a justement été lancée avec l'Inra pour chiffrer le coût et les gains réalisables par ces pistes. Il faut aussi que les systèmes économes en GES soient compatibles avec les autres enjeux environnementaux : protection de la qualité de l'eau, du sol, de la biodiversité... »

Mais pour utiliser cette boîte à outils, les agriculteurs doivent prendre pleinement conscience de l'importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre. « Entre deux exploitations aux productions identiques, la différence d'efficience énergétique peut varier de 1 à 5 », illustre Christian Huygue, de l'Inra. La première chose à faire est donc de mesurer sa consommation énergétique et ses émissions afin de définir les marges de manoeuvre.