Dans le climat actuel, les agriculteurs doivent changer leurs habitudes et comprendre que leur matériel, même ancien, a de la valeur en l'état ou sur le marché de la ferraille », affirme sans détour ce gendarme de Moselle, qui est régulièrement appelé pour constater des vols sur les exploitations. « Les agriculteurs ont l'habitude de laisser les engins ouverts la nuit, avec les clés sur le contact. Dans le meilleur des cas, la clé est "cachée" dans le cendrier. Dans ces conditions, même un amateur peut dérober l'automoteur. Et comme nous avons affaire à des bandes organisées dans 90 % des cas, l'engin disparaît en moins de 5 minutes. » Si le risque zéro n'existe pas, forces de l'ordre et assureurs s'inquiètent de la facilité déconcertante avec laquelle les malfaiteurs opèrent sur les fermes. Pourtant, quelques gestes de bon sens et des adaptations sur les bâtiments peuvent prévenir bon nombre de larcins.

Tout mettre sous clé

 

« La solution idéale est de remiser chaque soir tous les matériels sous un hangar fermé à clé, en ayant soin de ne pas cacher cette dernière dans le pot de fleurs le plus proche, précisent les gendarmes. Et si l'accès au hangar est lui-même protégé par un portail de cour de ferme, c'est encore mieux. » Malheureusement, peu d'exploitations agricoles sont équipées de ce type de bâtiment ou en mesure de l'utiliser toute l'année lorsqu'il faut stocker du grain. Dans ce cas, plusieurs solutions existent pour protéger les engins sans trop investir, l'essentiel étant, selon les gendarmes, « de multiplier les obstacles pour décourager les malfaiteurs et les inciter à trouver une autre cible ».

 

• Des filets pour cacher les hangars

 

À défaut de fermer le hangar avec des portes, il est intéressant de protéger son contenu des regards extérieurs. Un simple filet brise-vent de type Fouquet suffit pour masquer le parc matériel. Il faudra compter autour de 120 euros pour une bande de 10 x 2 mètres. Cela reste la solution la plus économique pour fermer le hangar et la pose ne nécessite pas de maçonnerie.

 

 

Sur le même principe, de grandes bâches peuvent être utilisées pour couvrir les surfaces plus petites. C'est une solution fréquemment employée en Irlande et en Grande-Bretagne. Cette technique est toutefois sans effet contre les bandes qui travaillent sur commande car ils auront repéré le tracteur au préalable.

 

• Utiliser les bâtiments d'élevage

C'est une solution simple et gratuite pour les éleveurs qui viennent d'investir dans un nouveau tracteur d'une marque très prisée par les réseaux (Fendt, New Holland, John Deere...) ou possèdent des modèles plus anciens très courus. Le tracteur, le quad ou le chargeur télescopique sont rentrés dans la stabulation pour la nuit. Une manoeuvre qui ralentira les voleurs, obligés d'ouvrir les lourdes portes du bâtiment, et évitera les vols d'opportunité.

• Un ordre de rangement

 

C'est une technique utilisée par certains ETA qui se généralise en Grande-Bretagne, où le vol de matériel est un fléau. Elle consiste à placer les matériels les plus sensibles au fond du hangar et ceux qui ont le moins de valeur devant. En période de pointe de travaux, les farmers britanniques ont pris l'habitude de placer un chariot porte-coupe de grande largeur muni de sa coupe devant les outils. Manoeuvrer en marche arrière avec un tel attelage n'étant pas à la portée du premier malfrat venu, les engins garés derrière la coupe seront protégés.

 

• Protéger les accès et les engins au champ

 

C'est la dernière tendance en Angleterre et en Allemagne : des agriculteurs ont eu l'idée de récupérer des containers souples utilisés par les armées en Afghanistan. Remplis de sable ou de graviers, ces derniers forment un rempart infranchissable de deux mètres. Il faut moins de 30 minutes à un agriculteur équipé d'un chargeur télescopique pour dresser un mur de 6 mètres de largeur. Ces blocs peuvent s'utiliser pour bloquer certains accès à l'exploitation ou protéger du matériel restant au champ durant la nuit pendant la récolte.

 

• Verrouiller les locaux sensibles

 

Les gros matériels de culture et d'élevage ne sont pas les seuls convoités par les voleurs. Les produits phytosanitaires et surtout le contenu des armoires en traitements vétérinaires attisent les convoitises. Plus récemment, des vols de matériels de transformation et de cuisine ont été dérobés sur des fermes pratiquant la vente directe. Tous ces matériels et produits sensibles doivent être stockés dans des locaux fermant à clé. C'est d'ailleurs une obligation dans le cas des produits phytos. Il va s'en dire que les clés doivent être conservées au siège de l'exploitation et non à proximité de la porte. S'il est assez grand, le local phytosanitaire peut être utilisé pour stocker tout le matériel mobile comme les boîtiers de commande, les balises GPS ou encore la caisse à outils.

 

Assurances : Groupama s'implique dans la télésurveillance

L'assureur propose une extension vandalisme et malveillance dans ses contrats agricoles. Cette dernière est automatique.} L'assureur propose une intervention d'un de ses ingénieurs « prévention » pour aider l'agriculteur à identifier les points sensibles sur son exploitation et mettre en place les mesures adéquates.} Groupama propose aussi les services d'Activeille, sa filiale de télésurveillance, qui peut établir un devis gratuit.

Ne jouez pas les héros

La plupart des agriculteurs sont équipés d'un ou plusieurs fusils de chasse et il est tentant, surtout après avoir subi plusieurs vols, de s'en servir pour protéger ses biens. « C'est la dernière chose à faire, insistent les gendarmes de Moselle. En premier lieu, c'est totalement illégal car le permis de chasser n'est pas un permis de port d'arme. Ensuite, l'agriculteur qui blesse, voire tue un malfaiteur est en tort et fera l'objet de poursuites judiciaires, avec une peine de prison à la clé. Enfin, braquer une arme sur un voleur est la meilleure façon de se faire tuer si lui aussi est armé. » Or cette dernière hypothèse n'est pas à écarter, certains exploitants agricoles et gérants de sociétés de transport rapportant des vols de carburant par des bandes armées de fusils d'assaut AK 47. Les techniques moins létales, consistant à employer des flash-ball ou des lanceurs de paint-ball, ne sont pas légales non plus et peuvent provoquer de graves blessures dont vous seriez responsables.