PRIORITÉS

En cas de victoire de votre parti, quelles sont les trois mesures que vous prendrez pour le secteur agricole ?

1° Faire en sorte que soit maintenu l'enveloppe de la Pac (c'est le grand débat).

2° Exiger une concurrence non faussée au sein de l'UE : fixer des objectifs de convergence vers le haut pour éviter les distorsions, notamment en termes environnemental et social. On ne peut pas mettre en place une politique agricole commune et avoir en même temps un tel niveau de distorsions ! Exemple : interdire les produits qui ont droit à des traitements phyto interdits chez nous.

3° Mettre en lumière et assurer la transparence des marges tout au long de la filière : une mise en lumière.

ENVIRONNEMENT

Faut-il encore verdir la politique agricole et si oui, de quelle façon ?

- L'objectif d'amélioration des pratiques en vue de la protection de l'environnement est constant. La Pac a déjà un arsenal de règles pour renforcer cette protection. Est-ce suffisant ? Oui. N'oublions pas qu'il s'agit de faire évoluer cinquante ans de pratiques agricoles ! Il faut du temps. Il est normal que l'Europe donne l'exemple.

- Entre une politique nationale ou européenne, nous avons une préférence pour l'échelon européen, afin d'éviter les distorsions de concurrence entre les Etats. Le risque d'une réglementation uniquement nationale serait de soumettre les agriculteurs aux distorsions politiques. Autre danger : la surproduction de normes qui viennent s'ajouter aux règles européennes. Faisons confiance à l'Europe.

- Subtilement, il faut arriver à jouer de la réglementation, mais aussi de l'incitation. Nous croyons plus aux démarches volontaires ; il n'y a rien qui marche mieux que l'engagement volontaire.

SOUTIENS

Faut-il aider l'agriculture ? Par quels moyens et à quelles conditions ?

- Sur le principe des aides : la vérité est qu'aujourd'hui, sans les aides, il n'y aurait pas d'agriculture. On y est obligé car on est dans une économie qui n'est pas stabilisée, mais c'est faute de mieux. L'agriculture est la seule profession qui n'est pas rémunérée par ses prix. Nous avons fait le choix dans notre pays d'une alimentation qui ne pèse pas trop lourd dans le panier de la ménagère, de la qualité et de la quantité, sans s'assurer de la rémunération aux producteurs. Les agriculteurs demandent des prix ! La logique du Modem est de s'orienter vers une politique basée sur les prix plutôt que sur les primes. Il faut comprendre que les primes peuvent être contraires à l'intérêt des agriculteurs, car si on leur donne des sous, on leur demande aussi des comptes. Or nous estimons que c'est à la société de rendre des comptes aux agriculteurs, non l'inverse.

- Sur la conditionnalité des aides : la conditionnalité comme élément d'attribution des aides est un bon principe dès lors qu'il ne s'agit pas d'un postulat idéologique. Nous ne sommes pas fermés sur la question du plafonnement. Nous souhaiterions intégrer la question de l'emploi, avec des critères sociaux. Encore faut-il qu'il s'agisse d'un débat européen et pas seulement français. L'objectif est, une fois encore, d'éviter les distorsions de concurrence qui existent dans ce domaine au sein de l'Union européenne.

COMPÉTITIVITÉ

La course à la compétitivité doit-elle être soutenue ? Quelles mesures serez-vous prêt à prendre dans ce sens ?

Notons que ce sont les autres pays qui mènent cette course et qui cherchent à rattraper la France. Nous en sommes victimes. Doit-on rentrer dans cette course ? Nous n'avons pas à rougir de la compétitivité de la « ferme France », mais attention à ne pas nous lancer dans une course folle qui entraînerait une régression en matière sociale et environnementale. Restons lucides. Sachons rester compétitifs pour ne pas mettre notre agriculture en danger, dans une logique de concurrence libre et non faussée.

Pistes d'amélioration de la compétitivité : Nous pouvons bien sûr regarder ce que nous pouvons faire pour améliorer notre compétitivité, mais aussi regarder les mécanismes qui faussent la concurrence et commencer par travailler dessus.

- Arrêter avec notre tendance à augmenter les normes et mettre de la complexité là où on ne nous le demande pas (cf. projets de méthanisation : quatre ans en France contre six mois en Allemagne !).

- Revoir le fonctionnement de l'Autorité de la concurrence : cesser les arbitrages et les interprétations parfois extrêmement coercitives. Elle vient faire griefs à des producteurs qui doivent faire face à des groupes très organisés... Il faut donner la capacité aux producteurs de s'organiser entre eux : creuser la contractualisation, évidemment. Et qu'il ne s'agisse pas d'une contractualisation contrainte, mais le produit d'un vrai partenariat de long terme.

- Revenir aux fondamentaux de l'outil coopératif, c'est-à-dire être avant tout là pour servir les coopérateurs.

RELOCALISATION

La sécurité alimentaire passe-t-elle par la relocalisation de la production agricole ? Jusqu'où doit-elle aller ? 

La relocalisation est un enjeu pour la France et l'agriculture. C'est une tradition et une réalité française. Produire en France des produits dès lors que nous sommes dans la capacité de le faire : un des éléments forts du Modem. Cela ne veut pas dire fermer les échanges ! N'oublions pas qu'une partie du développement des pays pauvres, notamment en Afrique, passe par ces échanges. Oui aux échanges internationaux, mais mettons-y un peu de logique. Il y a des choses que l'on peut produire tout seul. Il y a déjà beaucoup de choses à importer pour ne pas importer ce que nous pouvons produire. C'est une question de bon sens ! Cf. la reconquête en termes de protéines au niveau français et européen.

Produire de tout, partout en France, Oui, ce serait mieux. Il faut bien sûr tenir compte des spécificités territoriales, des aspects historiques et des réalités géologiques. Ne croyons pas que la seule relocalisation résoudra tous les problèmes des agriculteurs. Mais il y a un enjeu réel de bon sens et un vrai intérêt pour les agriculteurs et ceux qui s'alimentent. Intérêt social, environnemental et sans doute économique. Il y a trois enjeux derrière : maintenir l'activité dans les territoires, nourrir le lien entre producteurs et consommateurs (ou collectivités) dans un contexte de baisse de la démographie agricole et limiter les transports inutiles (aspect environnemental).

La relocalisation et cette proximité entre producteur et consommateur permet en plus de justifier le système d'aides à l'agriculture.

Faire prendre conscience au consommateur que derrière le « cadi », il y a des gens qui travaillent, avec des contraintes productives. Redonner de la valeur aux produits.

Il ne s'agit pas de renoncer à nos quelques vocations à l'exportation, mais plutôt d'être dans une logique conquérante vers le marché intérieur tout en gardant notre capacité à exporter (Cf. population mondiale qui passe à 9 milliards).

Augmentation des prix ? Les filières de proximité permettent de justifier des pratiques de prix plus élevés. Il faut savoir ce que l'on veut. Se poser la question de la rémunération juste. Et la question du prix doit prendre en compte le coût et l'intérêt pour la société sur le long terme.

FONCIER

L'usage des terres doit-il être réservé à la production alimentaire, ou faut-il en réserver une part pour les débouchés énergétiques et la préservation de la biodiversité ?

Il s'agit là d'une question éthique, de morale et de bon sens : la production alimentaire ne peut pas être moins prioritaire que la production énergétique.

N'oublions pas l'impact sur les marchés qu'a eu la mise en culture de céréales à des fins énergétiques sur le continent américain.

Mettre du blé en grain dans une chaudière est moralement gênant. Cela peut toutefois être un outil de régulation des marchés intéressant pour éviter les fluctuations à la baisse en cas de surproduction, mais que cela ne soit pas la finalité.

L'agriculture peut apporter sa contribution aux énergies renouvelables sur la biomasse, sous réserve que cela n'entre pas en concurrence avec l'alimentation. Il existe des pistes de diversification : éoliennes, géothermie, production forestière... Photovoltaïque ? Il faut privilégier le bâti agricole. Si sur les terres, doit être réversible.

Pour nous, la principale piste à travailler, ce sont les économies d'énergies ! Biodiversité ? Il faut essayer de trouver un équilibre. De manière générale, il faut éviter de sortir des terres de l'activité de production. Soyons économes en sols.

Questions subsidiaires de Marc Fesneau

OGM ?

Nous avons une position prudente. Principe de précaution. Le moratoire nous semble une bonne position. Il ne faut pas non plus être obtus sur la recherche, car on a besoin de recul.

La question des OGM appelle celle de l'indépendance des agriculteurs : il ne faut pas que ça soit l'occasion pour les grandes firmes de les mettre en situation de dépendance totale.

Contrat de travail unique (proposition du Modem pour remplacer le CDD et le CDI) ?

L'idée est de rompre avec la distinction CDI/CDD, de rendre lisible et plus simple l'application du droit du travail dans les PME. Un point à creuser : regarder s'il est possible de tenir compte de la saisonnalité.