PRIORITÉS

En cas de victoire de votre parti, quelles sont les trois mesures que vous prendrez pour le secteur agricole ?

En premier lieu, il convient de mieux protéger les intérêts français dans les discussions à l'OMC. En particulier, le prochain président de la République devra s'opposer à tout accord qui prévoirait un abaissement significatif des droits de douane européens sur les produits agricoles importés ou qui mettrait fin aux appellations d'origine contrôlée.

La seconde mesure à prendre, mesure prioritaire qui dépasse le cadre de l'agriculture : il faudra rétablir des prix garantis, partout où cela sera jugé nécessaire, ce qui est le cas par exemple pour le lait. La LME (loi de modernisation de l'économie, ndlr.) a déséquilibré le rapport de force, déjà tendu, entre la grande distribution et les autres maillons de la filière agroalimentaire.

De manière plus globale, je propose de refonder notre politique agricole en favorisant l'installation des jeunes agriculteurs, les productions nouvelles (productions de proximité, protéines végétales, nouvelles races à viande d'élevage...), la mise en place d'un réseau coopératif de distribution des produits (circuit court) pour lutter contre les prix excessifs pratiqués dans la grande distribution, et l'émergence d'un nouveau modèle de coopérative agricole.

Enfin, le prochain président de la République devra continuer à porter au niveau du G20 la question de la lutte contre la spéculation sur les matières premières agricoles. Les variations enregistrées ces dernières années ont eu des conséquences dramatiques pour de nombreuses filières. La politique du prix garanti est le seul moyen d'y parvenir.

ENVIRONNEMENT

Faut-il encore verdir la politique agricole et si oui, de quelle façon ?

Le Grenelle de l'environnement a ajouté nombre de contraintes dans le secteur agricoles. Pour les extensions et créations d'élevage, le régime français des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) est plus draconien que la norme européenne !

Dans notre pays, un élevage est assimilé à une usine Seveso ! Il faut rester raisonnable. La France a consenti d'énormes efforts pour appliquer la directive nitrates, l'Etat et les agences de l'eau ont mis en oeuvre des plans de réductions des pollutions d'origine agricoles.

Il ne faut pas charger la barque ! Les agriculteurs ont déjà des difficultés à obtenir un revenu digne de ce nom, alors de grâce ne rajoutons pas des contraintes supplémentaires.

C'est parce que j'estime que les agriculteurs subissent des contraintes abusives limitant la compétitivité de leurs exploitations, que je refuse de les assimiler à de simples paysagistes.

SOUTIENS

Faut-il aider l'agriculture ? Par quels moyens et à quelles conditions ?

Nos agriculteurs ont fait d'énormes efforts en termes de qualité de leurs produits et traçabilité. Certains secteurs de l'élevage ont même dû consentir des sacrifices financiers pour respecter les normes européennes relatives au bien-être animal.

La mise aux normes des cages pour la filière de la volaille a représenté l'équivalent d'un an de chiffre d'affaires. La mise aux normes pour les truies gestantes représente un véritable fardeau pour les éleveurs de porcs.

Je pense donc clairement qu'il faut aider les agriculteurs soit dans le cadre de la Pac, soit dans les cadre national en préservant des outils efficaces comme les mesures fiscales relatives à la dotation pour investissements (DPI) et à la dotation pour amortissements (DPA) qui sont très précieuses pour les trésoreries de nos agriculteurs.

Au niveau européen, je refuse catégoriquement le démantèlement de la Pac et je suggère, encore une fois, de rétablir les prix de soutien minimaux (notamment du lait) et les divers systèmes de régulation et de soutien des prix agricoles permettant aux producteurs de ne pas vendre leur production à perte. Si la Pac ne devait pas servir à cela, quelle serait sa raison d'être ?Il est, en outre, urgent de restaurer les aides directes aux agriculteurs (dites aides « du premier pilier ») ainsi que la préférence communautaire, et d'instaurer une exception agricole sur le modèle de l'exception culturelle pour reconnaître le droit à l'autosuffisance alimentaire et le développement autocentré et équilibré des pays riches comme des pays pauvres.

COMPÉTITIVITÉ

La course à la compétitivité doit-elle être soutenue ? Quelles mesures serez-vous prêt à prendre dans ce sens ?

Nos agriculteurs, il ne faut pas avoir peur de le dire, sont victimes de véritables distorsions de concurrence intraeuropéennes.

Le coût horaire d'un salarié agroalimentaire français est de 25,70 € en France, contre 20,26 € en Allemagne ! Le coût salarial unitaire, c'est-à-dire rapporté à la production, a augmenté dans tous les pays européens, mais c'est en Allemagne qu'il a le moins crû, seulement +0,2 %. En France, il a augmenté de 1,6 %. La part des cotisations sociales des employeurs dans le coût salarial est aussi plus faible en Allemagne, avec 21 % contre 28 % en France.

Le prochain président de la République devra clairement mettre nos voisins européens en face de leurs responsabilités et les forcer à mettre fin à des pratiques sociales d'un autre âge. Il est anormal que les filières allemandes de l'élevage aient le droit d'employer de la main-d'oeuvre polonaise payée à des prix défiant toute concurrence.

De manière plus globale, je propose de rompre avec la logique du libre-échange intégral en créant un véritable protectionnisme intelligent, européen si possible, national s'il le faut.

RELOCALISATION

La sécurité alimentaire passe-t-elle par la relocalisation de la production agricole ? Jusqu'où doit-elle aller ?

La sécurité alimentaire doit être au coeur des préoccupations du prochain ministre de l'Agriculture. Le produire en France ne doit pas concerner la seule industrie. Nous devons en effet valoriser nos productions agricoles et nous mobiliser pour élargir leurs débouchés.

Les professionnels de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Bretagne ont su créer et faire vivre un label de qualité, le fameux « Produit en Bretagne », qui est aujourd'hui décliné à l'exportation.

Je crois qu'il serait utile de valoriser le produit en France, et de valoriser les logos relatifs à l'origine des produits comme les références « Viande bovine française » (VBF) ou « Viande porcine française » (VPF). Nous devrons également miser sur la qualité et éviter la multiplication de labels divers et variés, différents des AOC et AOP, qui ont pour effet de tromper le consommateur.

C'est pourquoi je propose d'instaurer un étiquetage précis des produits de grande consommation permettant aux consommateurs français de connaître la part de « Fait en France » de chaque bien. En outre, dans mon programme figure l'idée d'exiger que les produits importés soient soumis effectivement aux mêmes normes environnementales de production que les produits français et que les produits refusant de s'y soumettre, soient soumis à une taxe environnementale compensatoire.

FONCIER

L'usage des terres doit-il être réservé à la production alimentaire, ou faut-il en réserver une part pour les débouchés énergétiques et la préservation de la biodiversité ?

Le conflit d'usages est un véritable enjeu. Ils nous faut trouver un équilibre entre la production alimentaire, vocation première de l'agriculture, les productions à vocation énergétique (biomassse, biocarburants) et la biodiversité. Il ne faut pas oublier que pendant les siècles précédents, l'agriculture contribuait à des usages autres que le seul usage alimentaire, notamment par sa contribution au chauffage, mais aussi manufacturier.

La question centrale est celle du curseur entre les surfaces consacrées aux énergies alternatives et à l'alimentation. Les biocarburants de troisième génération, l'utilisation des sous-produits, et rémanents, de la forêt pour l'énergie bois, la méthanisation des effluents d'élevage sont autant de pistes qu'il convient d'exploiter.

En revanche, il convient d'éviter les dérives qui ont pu être constatées chez nos voisins allemands ou certaines cultures réservées à l'énergie verte, comme le maïs, ont supplanté des productions à vocation alimentaires.

Au-delà, la question qui se pose est celle du grignotage des terres agricoles par un urbanisme mal maîtrisé dans les territoires. C'est pourquoi je propose de freiner la spéculation sur les terrains agricoles et limiter leur conversion en terrains à bâtir. Le mitage périurbain doit être combattu.

Enfin, en ce qui concerne la biodiversité, la forêt française, qui couvre 30 % de notre territoire, est le lieu de sa préservation, et son exploitation durable comme son entretien raisonné permettront incontestablement de préserver la biodiversité.