L'Inra a proposé une « démarche collective de construction et d'évaluation de scénarios » pour simuler de nouvelles pratiques afin de protéger la qualité des eaux, et notamment des aires d'alimentation des captages (AAC) Grenelle. « Nous testons cette démarche sur trois bassins versants, à Evreux, dans l'Eure, à Châteaudun, en Eure-et-Loir, et à Berk, dans le Pas-de-Calais, précise Laurence Guichard, de l'Inra.
Afin d'obtenir un « état zéro », nous avons d'abord noté les pratiques actuelles avant de réaliser un diagnostic de vulnérabilité sur l'AAC. » Dans un deuxième temps, les acteurs locaux (conseillers de chambres d'agriculture, Ceta, coopératives, Groupement des agriculteurs biologiques, instituts…) listent les moyens techniques possibles afin d'établir des itinéraires virtuels, différents selon la diminution plus ou moins importante des phytos et nitrates. Mais si réduire les fongicides, insecticides et régulateurs en céréales serait faisable, en revanche, réduire les herbicides, s'avère plus difficile.
Des indicateurs de performances techniques, économiques, environnementales et sociales permettent d'affiner les scénarios. Autant de pistes pour établir ensuite le plan d'action nécessaire d'ici à la fin 2012 pour protéger les 507 captages les plus menacés par les pollutions diffuses.
ACCOMPAGNER LE CHANGEMENT
Dans l'Eure, si les participants à ces travaux sont satisfaits des résultats, notamment parce que les pratiques sont étudiées à l'échelle du système, voire du territoire, il reste des problèmes difficiles à surmonter. Comment passer de la théorie à la pratique ? Comment accéder à des agriculteurs ouverts pour tester de nouvelles pratiques et ceci, sans qu'ils soient marginalisés ?
« Le problème, c'est que beaucoup d'agriculteurs sont encore dans une logique productiviste, notamment avec les prix du blé à la hausse, alors que les marges en production intégrée sont équivalentes, estime Jean- Bernard Lozier, agriculteur dans l'Eure. En intégrée depuis dix ans, je suis déjà sensibilisé à la réduction d'usage des phytos et à la gestion de l'engrais azoté. Je peux ainsi étudier avec objectivité si telle ou telle réduction est possible techniquement tout en maintenant mes marges. Mais je comprends très bien que le changement puisse faire peur alors que le système conventionnel fonctionne. Il faut se former à l'agronomie et se faire accompagner dans le changement avec des aides adaptées. Nous devons répondre aux attentes de la société, avec l'aide des chercheurs et des conseillers techniques, et proposer des solutions. De leur côté, les politiques doivent légiférer avec des compensations financières adaptées, pour limiter la perte de valeur foncière notamment. La protection de l'eau, c'est un grand chantier qui s'ouvre ! »
D'ABORD LES POLLUTIONS PONCTUELLES
L'association eaux27.eaux76, créée en janvier 2012, a justement choisi d'entreprendre ce chantier par le bout des pollutions ponctuelles.
« L'Agence de l'eau se concentre sur les pollutions diffuses sur les captages Grenelle alors que plus de 50 % des pollutions sont ponctuelles, rappelle Christian Verdier, président de l'association, qui compte une centaine d'adhérents. Nous souhaitons sensibiliser les agriculteurs à ces problèmes et les encourager à réaliser le diagnostic Aquasite (1) pour avoir un point zéro. Selon les résultats, les pratiques seront alors modifiées pour aller vers du désherbage mécanique, des semis tardifs ou des apports d'azote décalés… Il s'agit d'une démarche de progrès, volontaire, afin de créer un mouvement en visant d'abord les pollutions ponctuelles, puis plus tard les diffuses. L'objectif est d'éviter que les mesures deviennent obligatoires. »
(1) Diagnostic proposé par Arvalis, permet d'évaluer les risques de pollutions ponctuelles par les produits phytos sur l'exploitation.