Bruno Le Maire a-t-il mis la charrue avant les boeufs en imposant la contractualisation sans donner aux éleveurs laitiers les outils juridiques pour s'organiser ? Et surtout pour peser face aux transformateurs. C'est un reproche que tous les syndicats lui ont fait cette année. Le ministre estimait certainement que les palabres bruxelloises pour assouplir le droit européen de la concurrence seraient brefs. Il espérait pouvoir publier un texte sur l'organisation des producteurs (OP) en septembre. Mais la négociation entre le parlement européen, la Commission et le Conseil n'a abouti que le 6 décembre. Cela n'a pas empêché les éleveurs d'avancer.

La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) a fait le choix des OP verticales. C'est-à-dire par entreprise. En fait, la FNPL a préféré partir de l'existant et organiser les éleveurs autour des groupements déjà en place. Surtout, elle a voulu faire reconnaître ces groupements comme les interlocuteurs des industriels dans la négociation des contrats. L'enjeu est de taille. Il ne s'agit pas seulement de savoir s'il y aura un contrat cadre et d'application (lire page 38). Il s'agit aussi de ne pas laisser les industriels mettre la main sur la gestion des volumes une fois le régime de quotas disparu.

En face, les organisations minoritaires misent sur des OP interentreprises. Et veulent soumettre privés et coopératives au même régime. C'est dans cet esprit que l'Association des producteurs de lait indépendants (Apli), la Confédération paysanne et l'Organisation des producteurs de lait (OPL) ont fondé France MilkBoard. Seulement, le mini-paquet lait vient leur mettre des bâtons dans les roues. Il limite la taille des OP à 33 % de la collecte nationale et à 3,5 % de celle de l'Union européenne. Ce second plafond empêcherait France Milk-Board de fédérer autant de producteurs qu'elle le souhaite.

Quant à Jeunes agriculteurs (JA), il veut se placer au-delà des clivages syndicaux. L'organisation syndicale a entamé une consultation de tous les intervenants de la filière. Une tournée achevée le 29 novembre par une journée nationale rassemblant tous les syndicats. JA parle d'OP rassemblant les éleveurs au niveau du bassin laitier. Ce à quoi la FNPL répond que l'OP verticale est adaptée à la négociation du prix du lait, et l'échelle régionale à la mobilité des quotas. Quant aux transformateurs, ils sont clairement en faveur d'OP structurées autour de leurs entreprises.