La réforme de la Pac 2014- 2020 présentée par la Commission européenne le 12 octobre 2011 a déçu. Un an d'échanges et de débats publics balayé. À moins que ce ne soit au contraire le résultat d'une synthèse de positions inconciliables...
Les attentes étaient très fortes pour une réforme plus ambitieuse sur des thèmes liés au « bien public » et au « verdissement ». Beaucoup espéraient aussi un véritable coup d'arrêt au démantèlement des outils de gestion des marchés. Mais les quotas lait et sucre sont supprimés. Les autres dispositifs actuels sont reconduits sans que soient créés de nouveaux outils de régulation. De toute façon, l'argent de la Pac ne peut suffire à stabiliser les marchés. Les agriculteurs devront compter sur les dispositifs de gestion des risques. Bruxelles n'envisage pas de système unifié à l'échelon de l'UE, mais laisse la possibilité aux États membres qui le souhaitent de mettre en place des assurances contre les intempéries ou les variations de prix dans le cadre du deuxième pilier de la Pac (cofinancé à 50 % par les États).
Le régime d'aides aux revenus des agriculteurs est quant à lui remis à plat. La France devra accentuer le rééquilibrage des aides entre ses agriculteurs, douloureusement initié lors du bilan de santé de la Pac en 2009. Les références historiques devront être abandonnées.
DES AIDES OBLIGATOIRES
Dès 2014, les futurs paiements directs devront être constitués d'une aide de base, d'une composante verte (30 % de l'enveloppe nationale) et d'un complément pour les jeunes agriculteurs (maximum 2 % de l'enveloppe nationale).
Les États membres pourront « uniformiser » l'aide de base dès 2014 (à l'échelle nationale ou des régions) ou progressivement, sur cinq ans. Dans ce cas, l'aide sera composée en 2014 d'une part « uniformisée » et d'une part proportionnelle à la valeur historique qui diminuera progressivement jusqu'au 1er janvier 2019.
L'aide « verte » ne se substitue pas à la conditionnalité. Elle sera liée à la mise en oeuvre de trois pratiques permettant « une utilisation optimale des ressources naturelles » : le maintien des pâturages permanents, la diversification des cultures et la préservation de réservoirs écologiques sur au moins 7 % de la surface de l'exploitation. Les producteurs bio seront considérés comme respectant ces pratiques et percevront automatiquement les aides correspondantes.
Le « verdissement » des aides cristallise l'essentiel des critiques des États membres, des syndicats agricoles comme des associations environnementales. En France, le taux de 30 % est jugé trop important. En Allemagne ou dans les pays de l'Est, les critiques se concentrent sur les réserves écologiques. À l'échelle de l'UE, cela signifierait que cinq millions d'hectares ne pourraient pas être cultivés...
La Commission européenne crée un nouveau soutien à l'installation plafonné à la taille des exploitations et accessible aux agriculteurs de moins de 40 ans, pendant les cinq premières années de leur projet.
DES AIDES FACULTATIVES
Bruxelles laisse la possibilité aux États membres, comme lors de la précédente réforme, de mettre en place des soutiens couplés : maximum 5 % de l'enveloppe nationale pour les États membres déjà en dessous de ce taux et 10 % pour ceux qui « recouplent » déjà plus de 5 % des aides. La Commission accepte d'ores et déjà d'étudier un taux supérieur si l'État membre qui en fait la demande en justifie l'utilité. Paris pourrait ainsi continuer à verser la PMTVA (vaches allaitantes) ou les aides aux ovins et caprins.
La possibilité d'allouer une aide complémentaire pour les zones à handicaps naturels (maximum 5 % de l'enveloppe nationale) est également maintenue. Reste à savoir quel sera le nouveau périmètre de ces zones. Pour l'instant, la nouvelle définition envisagée par la Commission européenne aboutirait à une diminution de moitié des zones défavorisées simples et des aides qui leur seront apportées.
Modulation : les États membres qui le souhaitent pourront transférer jusqu'à 10 % des aides du premier pilier (soutiens au marché) vers le deuxième (développement rural).
Plafonnement : Bruxelles limite le montant des aides aux plus grosses exploitations. L'aide de base (à l'exclusion de sa composante verte) sera plafonnée au-delà de 300 000 euros par exploitation et par an. À partir de 150 000 €, elle diminuera progressivement (20 % entre 150 000 et 200 000 € ; 40 % entre 200 000 et 250 000 € ; 70 % au-delà). Avant d'appliquer ces plafonds, le nombre d'emplois créés par les exploitations sera pris en compte.
Ce n'est pas la première fois que la Commission européenne tente d'introduire un plafond. Jusqu'ici, elle a toujours reculé. Cette fois encore, les pressions sont fortes, en particulier de la part des Anglais, des Allemands, des Tchèques et des Slovaques.
Afin que les paiements directs bénéficient aux « vrais » agriculteurs et non plus aux princes Charles ou Albert, la Commission précise que les nouvelles aides de base iront aux agriculteurs « actifs » qui en font la demande. Elle renforce la définition de l'agriculteur actif (celui dont les recettes annuelles provenant de l'agriculture dépassent 5 % du total des recettes provenant de toutes ses activités économiques) et celle de l'activité agricole (maintien des surfaces agricoles dans un état qui permet le pâturage ou la culture).
UN ENJEU NATIONAL
Un compromis politique sur la future Pac devrait intervenir fin 2012. Mais les divergences profondes qui existent entre les Vingt-Sept promettent de retarder le calendrier des négociations. D'autant que la question budgétaire devra être réglée avant. Les deux prochaines présidences de l'UE – le Danemark et Chypre – l'ont bien compris. La Pac ne figure pas à l'ordre du jour de leurs priorités. Des échéances électorales majeures en France et en Allemagne pendant leur mandat pourraient aussi sensiblement changer la donne.
Pour la France, le moment crucial sera celui des choix franco-français en 2013. Personne ne souhaite voir à nouveau s'affronter les filières et les territoires. Or les écarts entre les productions sont parfois encore importants.