En 2010, à Saint-Cricq-du-Gave, dans les Landes, René Saphore a acheté pour presque 3.500 euros de paille de blé pour la litière de ses soixante-dix blondes d'Aquitaine, soit 57 tonnes à 61 €/t.

 

« Cette année, je ne veux pas dépasser ce budget », déclare-t-il. Seulement, comme dans beaucoup d'exploitations de la région, son assolement comprend essentiellement du maïs. La paille, qui provient d'Espagne, se négocie aujourd'hui 100 €/t.

C'est pourquoi, avec sa fille Magali, René envisage de récupérer le maximum des cannes de maïs qu'il produit. « Nous en récoltons depuis toujours, explique René. Nous les utilisons pour la litière en complément de la paille de céréales et des rafles récupérées auprès de la coopérative. »

Ces cannes proviennent surtout des 20 ha de maïs doux. Celui-ci est récolté tôt, au début d'août, soit quatre-vingt-dix jours après le semis. Les cannes sont gyrobroyées un mois plus tard. Après quelques jours de soleil, cette « paille » est andainée, puis bottelée.

 

« Il est essentiel de récolter un produit très sec, insiste Didier Lahitte, conseiller à la chambre d'agriculture des Landes. A la fin de septembre, le taux de matière sèche (MS) des cannes avoisine 70 %. Il faut éliminer de 15 à 20 % d'humidité pour atteindre 85 à 90 % de matière sèche, sinon le produit se conserve mal et perd de son pouvoir absorbant. »

 

Si la météo le permet, René et Magali récolteront aussi les cannes du maïs récolté en grain. « Nous attendons le mois de février, expliquent-ils. Le gel a commencé à décomposer la fibre, de sorte qu'il suffit d'andainer le produit après une fenêtre de beau temps pour le botteler. » Sans beau temps, il est impossible de récolter.

Le pressage est assuré par un entrepreneur. « Cela nous coûte 7,5 € par botte de 350 kg, c'est-à-dire environ 60 €/ha, sans compter l'andainage. Mais celui-ci représente peu de frais. »

Le gyrobroyage est, en revanche, une étape incontournable avant de semer la culture suivante, c'est pourquoi il n'est pas pris en compte dans le calcul du prix de revient.

Ramené à la tonne, le prix des cannes atteint 24 €/t de MS, soit quatre fois moins que la paille de céréales. Le rendement est constant chaque année : il s'établit entre 2 et 3 t de MS/ha.

Une sous-couche de 20 cm de rafles

Pendant l'hiver, la paille de cannes est utilisée comme celle de blé. L'originalité de l'organisation de Magali et René vient du fait qu'ils emploient aussi des rafles de maïs. Celles-ci proviennent du séchage de l'épi en crib. Elles sont utilisées en sous-couche de 20 cm à l'entrée des animaux en stabulation, à la fin de novembre.

 

« Elles sont très drainantes, expliquent-ils. Malheureusement, ce produit est de plus en plus rare et la disponibilité auprès de notre coopérative est limitée. » Les rafles trouvent de nombreuses autres utilisations, comme par exemple la litière pour chat ou comme combustible dans les chaudières. L'avantage, c'est que la coopérative est proche.

 

« Nous nous approvisionnons directement avec le tracteur et la benne de 15 m³ », précise René. Le déplacement représente le seul coût de revient du produit. Le paillage s'effectue ensuite tous les jours. Le plus souvent avec les cannes dans les cases des vaches, et de la paille de céréales dans celles des veaux.

Ainsi, 6 ou 7 kg par UGB sont nécessaires chaque jour pour maintenir les animaux propres. « Les cannes constituent une excellente litière, précise Didier Lahitte. Sur le plan sanitaire, elles peuvent toutefois présenter un risque d'infection pour le veau, soit des bronches, soit au niveau du cordon, car le produit est plus poussiéreux que la paille de blé. Mieux vaut donc réserver les cannes aux adultes. »

Les quantités utilisées restent modestes pour des aires paillées intégrales. Les surfaces par animal sont toutefois importantes, avec 13 m² par couple mère-veau : 10 m² pour les vaches et 3 m² pour les veaux. « Les vaches sont d'un grand gabarit, rappelle Didier. C'est pourquoi nous avons prévu large. »

L'ambiance et la ventilation sont également satisfaisantes. Le pan où sont disposées les aires de vie des animaux est ouvert. Lorsque le soleil sort, il assèche la litière. La ventilation maîtrisée du bâtiment permet aussi de limiter l'humidité.Le curage des cases s'effectue deux fois par an.

Le fumier est sorti en bout de champ, puis épandu avant le semis du maïs à raison de 25 t/ha. Ainsi, les cannes sont restituées sous forme d'effluents, ce qui permet à René de faire l'impasse sur les fertilisations en potasse et en phosphore.

Une fumière trop coûteuse

« Nous avions envisagé de construire un bâtiment avec un couloir d'alimentation central et une aire d'exercice raclé, explique René. Mais nous avons abandonné ce projet, car il revenait beaucoup trop cher. »

 

Il nécessitait la construction d'une fumière. René a donc opté pour deux stabulations avec des aires paillées intégrales. « Avec un prix de la paille à 50 €/t, et un programme d'aide qui avoisinait 40 % du montant de l'investissement, il aurait fallu une dizaine d'année pour amortir la construction de la fumière », calcule Didier Lahitte.

 

Pour la première fois, René va aussi utiliser du compost de déchets verts. Il vient d'être mis dans quelques cases à l'essai. « Le produit me semble très sec, ajoute le conseiller. Nous n'avons pas de recul sur ce produit. Il pourrait provoquer l'échauffement de la litière, c'est pourquoi il est déconseillé de l'utiliser pour les laitières. »

 

Réglementation

Du ray-grass après la récolte des cannes Après la récolte des cannes, René et Magali sèment de l'avoine ou du ray-grass italien, car la réglementation de la zone vulnérable exige de couvrir le sol pendant l'hiver. Ce couvert est soit pâturé au printemps, soit récolté en foin en mai, avant le semis du maïs.

« Les bonnes années, il représente un stock de 5 ou 6 t de MS/ha, explique René. L'irrigation de nos surfaces en maïs nous permet d'assurer un tel rythme entre les cultures. »

 

 

 

Expert : DIDIER LAHITTE,  conseiller à la chambre d'agriculture des Landes

 

« Les cannes reviennent au goût du jour »

« Cet hiver, les cannes de maïs seront utilisées beaucoup plus que les autres années, en raison de l'augmentation du coût de la paille. C'est une technique que les éleveurs de la région connaissent bien. Elle ne pose pas de problème d'un point de vue agronomique, dans la mesure où la matière organique est restituée sous forme de fumier.

Peu d'élevages utilisent de la sciure de bois, alors que la forêt représente une place importante. Cela concerne surtout des laitiers pour le confort des logettes. Le prix de ce produit connaît la même flambée que celui de la paille, il ne sera pas intéressant pour les éleveurs. D'autant que ces sciures sont issues de résineux et acidifient le sol.

Au Pays basque, il existe quelques petites exploitations qui récoltent des fougères pour la litière. L'opération demande beaucoup de main-d'oeuvre, car les surfaces sont peu mécanisables. »