La mise en place de la Pac 2013, l'augmentation du coût de l'eau (hypothèse de +15 % en trois ans), la réforme des volumes prélevables et la récurrence des années sèches sont des éléments qui pèsent sur les stratégies d'irrigation.

Dans le cadre du projet Casdar eau Midi-Pyrénées (1), dont les résultats ont été dévoilés en mai dernier, des simulations (2) ont permis d'évaluer l'impact des différents scénarios sur les marges brutes par hectare assolé.

L'augmentation du coût de l'eau provoque par exemple une baisse de marge de 5 à 30 €/ha. L'impact des hypothèses de réduction des volumes autorisés est variable selon le niveau de baisse de ressources, la part des surfaces irriguées dans l'assolement et la capacité d'irrigation initiale.

« Cette baisse de marge brute, de 20 à 40 €/ha, peut atteindre 60 €/ha en année sèche », soulignent les responsables du projet.

Sécuriser le maïs

Pour amortir l'impact et mieux gérer les risques, la diversification de l'assolement est une piste intéressante, même si cela ne permet pas toujours de compenser les pertes.

Selon les conclusions du projet Casdar eau, la diversification de 20 à 25 % de la sole irrigable avec des cultures comme le soja, le tournesol ou les blés irrigués offre une meilleure gestion des aléas.

En effet, les conduites d'irrigation de ces espèces peuvent être légèrement restrictives sans trop pénaliser le rendement.

Cela permet de sécuriser la ressource pour les maïs, avec une conduite légèrement limitante en années sèches.

Même chose avec le sorgho, une culture réputée tolérante à la sécheresse, comme le tournesol. « Majoritairement cultivé en sec, le sorgho a l'avantage de très bien valoriser l'irrigation avec des apports d'eau limités, détaille Jean-Luc Verdier, d'Arvalis. Si un agriculteur veut alléger ses temps de travaux ou qu'il a des contraintes en termes de matériel, le sorgho permet de répartir différemment la sole irriguée dans les systèmes de vallée en Haute-Garonne ou sur les coteaux dans le Lot-et-Garonne. »

Le sorgho parfois compétitif

En situation non limitante en eau, le maïs reste toutefois plus intéressant économiquement. Le maïs irrigué fournit une marge évidemment bien supérieure, de 572 €/ha hors aides en moyenne (2005-2010), contre 222 €/ha pour le sorgho en sec et 330 €/ha pour le tournesol en sec, selon les derniers chiffres de CER France Haute-Garonne. Mais lorsque la contrainte hydrique se renforce, l'intérêt du sorgho va croissant et il peut se révéler plus compétitif.

Dans le Poitou-Charentes, des études réalisées en 2006 par Arvalis montrent que la substitution du maïs par le sorgho, le tournesol ou les céréales à paille dans le cas d'une réduction de 15 à 30 % du volume d'irrigation n'est intéressante que pour les exploitations ayant un faible quota initial.

Cependant, des pertes de revenu par rapport à la situation initiale subsistent. Si le quota initial est élevé, c'est le maïs en conduite restrictive qui conserve une place importante.

Lorsque les restrictions estivales deviennent plus fréquentes, la part des cultures irriguées au printemps doit augmenter dans l'assolement.

En l'absence totale d'irrigation, le choix des espèces de l'assolement est à adapter à la réserve utile du sol.

« Dans les petites terres à cailloux, seules les cultures d'hiver (colza, blé ou orge) sont envisageables. En sols moyennement profonds, l'introduction de cultures d'été tolérantes à la sécheresse comme le tournesol ou le sorgho permet de diversifier la rotation et d'atténuer notamment les risques climatiques. En sols de vallées profonds, la diversification est maximale », détaille Philippe Debaeke, de l'Inra de Toulouse.

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* Casdar : compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».

(1) Le projet associe trois collectifs du Midi-Pyrénées, l'Asa de la Baysole (Gers), l'Asa de la Saudrune (Haute-Garonne) et l'Asa de Sauveterre (Hautes-Pyrénées).

(2) Les simulations ont été réalisées avec Lora (logiciel d'optimisation et de recherche d'assolement) d'Arvalis-Inra.

Etaler le calendrier d'irrigation

L'irrigation maximale n'est pas toujours la plus rentable si l'on tient compte du temps de travail et du coût complet de l'eau. « On peut avoir intérêt à irriguer peu un grand nombre de productions réputées tolérantes à la sécheresse comme le sorgho et le tournesol, jouer sur l'étalement du calendrier d'irrigation par l'introduction de cultures semées tôt au printemps ou en hiver (pois, céréales) et pouvant valoriser au mois de mai une eau peu utilisée par ailleurs », explique Philippe Debaeke, de l'Inra de Toulouse.

Il donne l'exemple du Poitou-charentes, où l'irrigation des céréales à paille (ou de pois) avec un objectif de rendement élevé est une alternative à la diminution de la surface en cultures d'été irriguées...

Limiter les pertes

Outre le choix des cultures, d'autres techniques existent pour économiser l'eau : le stockage de l'eau au semis, via un travail du sol superficiel et mulch de résidus, limite l'évaporation et facilite l'infiltration. en maïs, des semis anticipés et des variétés précoces permettent d'esquiver la sécheresse en avançant les stades les plus sensibles de la culture.

Enfin, les stratégies de rationnement en eau via la densité de peuplement et la fertilisation réduit les besoins en eau des cultures en limitant la surface foliaire.

Améliorer l'efficience de l'eau est une autre piste : à l'échelle de la culture, les pertes par évaporation directe ou par dérive sont en effet responsables de la perte de 20 % d'eau.

Les conditions météorologiques (notamment la vitesse du vent) et la taille des gouttes produites par l'arroseur sont des facteurs aggravants. les canons enrouleurs, les pivots (sauf la première travée) et les rampes ont souvent une bonne efficience d'application, en revanche en couverture intégrale, les résultats sont plus mauvais.