Le gouvernement, par voie de décret, a rendu obligatoire la conclusion de contrats écrits dans le secteur du lait et celui des fruits et légumes. La contractualisation sera progressivement élargie aux autres productions. Ce sera tout prochainement le cas pour le secteur ovin, indique le ministère de l'Agriculture.
Avant parution au Journal officiel, les deux textes ont été soumis à l'avis de l'Autorité de la concurrence. Malgré les mises en garde, le ministère n'a pas modifié ses décrets.
Peut-être espère-t-il toujours qu'un accord interprofessionnel dans chacune de ces branches prendra le relais, avant l'entrée en vigueur des textes, au 1er mars pour les fruits et légumes, et au 1er avril pour le lait de vache cru.
Les conditions du succès ne sont pas réunies
Sur le principe, l'Autorité est « très favorable » à la contractualisation et à ses vertus pour lutter contre la volatilité des prix. Mais, elle estime qu'on n'en tirera pas les bénéfices pour la campagne 2011-2012.
La démarche nécessite une pleine adhésion des acteurs des filières, absente aujourd'hui. « La contractualisation étant imposée pour des livraisons réalisées sur le territoire français, il n'est pas exclu que les acheteurs soient tentés d'échapper à cette nouvelle contrainte en recourant à des importations ou, dans le secteur laitier, en délocalisant des usines », s'inquiète l'Autorité de la concurrence.
La durée des contrats est jugée trop longue (trois ans pour les fruits et légumes et cinq ans pour le lait). « Il conviendrait de conserver une certaine souplesse, notamment par le moyen de clauses de rendez-vous », suggère l'instance nationale.
L'idée est de s'engager sur des clauses adaptées aux caractéristiques des marchés concernés, notamment à l'ampleur des investissements imposés au producteur, sans pour autant verrouiller les marchés.
La contractualisation est aussi prématurée en ce qui concerne les clauses de prix et la faculté des producteurs à négocier. L'Autorité de la concurrence conseille la diffusion d'indicateurs objectifs et la constitution préalable d'organisations de producteurs.
Atteinte au droit de la concurrenceLes recommandations de prix émises par l'interprofession laitière présentent un risque juridique réel au regard des règles de concurrence, rappelle l'Autorité de la concurrence. Bruxelles prévoit une exemption concernant la négociation commune de prix par des producteurs, mais elle la restreint aux regroupements représentant moins de 3,5 % de la production européenne. Or, la production française représente plus de 17 %. L'instance nationale incite donc à la constitution d'organisations de producteurs, avec transfert de propriété. Elle met en garde contre les OP agissant comme des mandataires (sans transfert de propriété) et les associations d'OP « de gouvernance » (qui ne commercialisent pas les produits), dont « le rôle ne peut consister à favoriser la coordination des prix entre les offreurs ». |