C'est une aide pour sortir leurs trésoreries du rouge que les éleveurs attendaient du ministre de l'Agriculture. Ce dernier n'est certes pas venu les mains vides au Space, le 14 septembre, mais l'enveloppe allouée aux aides d'urgence n'est pas à la hauteur des attentes. Bruno Le Maire a préféré miser sur des plans de développement pour les filières bovine, porcine et laitière.
Les éleveurs n'auront donc pas d'année blanche sur leurs annuités d'emprunt. Les pouvoirs publics débloqueront 30 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du DACS (dispositif d'accompagnement spécifique) Agri.
« Distribution de sucrette »
« J'ai entendu ce matin sur RTL un éleveur disant que le ministre allait distribuer des Sucrette, relate Bruno Le Maire. Dans un contexte bud- gétaire tendu, ce ne sont pas des Sucrette mais un effort considérable de l'Etat. »
Est également prévue une avance, dès le 15 septembre, sur les ICHN et à compter du 16 octobre pour les autres aides Pac. Ce qui représente une somme de 3 milliards d'euros. « Les 30 millions du DACS Agri ne régleront pas les problèmes des éleveurs, estime Pierre Chevalier, le président de la Fédération nationale bovine (FNB). Quant aux avances d'aides, ce ne sera qu'une bouffée d'oxygène. »
Interprofessions au travail
Pour le ministre, l'avenir passe par la consolidation des filières. Et, pour cela, il mobilisera 300 millions d'euros sur trois ans. « C'est une somme considérable dans une période de réduction budgétaire comme celle que nous vivons actuellement », insiste-t-il. Ces 300 millions d'euros se répartiront à parts égales entre les trois secteurs, précise l'entourage du ministre.
Sur les 100 millions néces- saires chaque année, 60 millions sont des nouveaux crédits. Les 40 autres millions proviendront de la nouvelle taxe sur le changement de destination des terres agricoles.Pour la filière bovine, Bruno Le Maire affirme que « la solution, c'est d'avoir un meilleur prix pour le producteur. Ces centimes, nous irons les chercher un à un. » Et cette tâche, il la confie à la transformation et à la grande distribution dans le cadre de l'interprofession. « Nous attendons de voir comment l'Etat accompa- gnera ces discussions », tempère Pierre Chevalier.
Dans le secteur porcin aussi, le ministre charge la barque de l'interprofession. Il incite la filière à étendre la démarche VPF à tous ses produits. Reste à trouver la personne capable de convaincre les industriels de la charcuterie d'apposer l'origine de leur matière première sur leurs produits de façon systématique, et pas seulement lorsqu'il s'agit de viande française. « Sans revalorisation des prix, toutes ces mesures n'auront pas d'écho auprès des producteurs, assure Jean-Michel Serres, le président de la Fédération nationale porcine. Leur problème est de savoir s'ils passeront l'hiver. »
L'interprofession laitière n'est pas en reste. Bruno Le Maire lui laisse le soin de négocier les contrats. Mais sans résultats concrets en fin d'année, l'Etat reprendra la main afin que le dispositif soit fonctionnel pour la prochaine campagne laitière. Bref, les interprofessions ont du pain sur la planche !
Interview : EMMANUEL COMMAULT, représentant du Collectif contre le dumping social en Europe « Un sujet vital pour l'agroalimentaire et l'élevage français » Quels sont les objectifs de votre collectif ? Notre objectif est d'alerter l'opinion publique sur le dumping social qui frappe la filière viande française par rapport à l'Allemagne. Notre filière n'est pas la seule concernée. D'autres industries agroalimentaires pourraient nous rejoindre. Cela concerne aussi les éleveurs de manière indirecte. Les charges dans les abattoirs allemands, où la main-d'oeuvre est sous-payée, sont compensées en France par des prix à la production inférieurs. Quelles actions avez-vous conduites pour l'instant ? Pour l'instant, nous alertons le ministère et les consommateurs. C'est une démarche longue que nous engageons. Ces problèmes de distorsions ne se régleront pas en quelques semaines. Mais c'est vital pour l'agroalimentaire et l'élevage français. |