« Si, pour des cultures comme le colza ou le maïs, le désherbage mécanique peut être envisagé sans trop de difficultés, avec les céréales d'hiver, son efficacité est variable et les jours disponibles pour intervenir sont limités, explique Ludovic Bodin, spécialiste du désherbage à Arvalis.

D'après les essais mis en place par l'institut technique, l'efficacité moyenne d'un passage de herse-étrille ou de houe rotative n'est que de 36 %, avec des variations de 0 à 70 %.

 

La herse-étrille nécessite un peu de temps pour être bien réglée. Il faut trouver le bon compromis entre agressivité des dents et pertes de pieds.

 

Quatre jours sans pluie

« La réussite du désherbage mécanique est fortement dépendante des conditions d'intervention, indique-t-il. Pour que la technique fonctionne, le sol doit être suffisamment ressuyé, les mauvaises herbes jeunes ou en cours de germination, et l'intervention suivie de quatre jours sans pluie, deux s'il fait chaud. »

Arvalis a calculé que le nombre de jours favorables pour que ces conditions soient réunies n'est, à l'automne, que de six jours dans le Sud-Ouest à deux jours en Normandie.

Au printemps, la fenêtre est un peu plus large, de sept à dix jours selon les régions, mais les adventices sont plus développées.

« Le désherbage mécanique n'est pas une solution de substitution au désherbage chimique, c'est un outil que nous redécouvrons et qui doit s'intégrer dans un ensemble, estime Pierre Mischler, d'Agrotransfert Picardie. Dans les rotations à cultures d'hiver, type colza-blé-orge d'hiver avec présence de vulpins et de gaillets, il va être très difficile d'avoir recours à un désherbage mécanique pour les céréales. En revanche, dans des systèmes où l'on joue sur le labour, les faux semis, le décalage des dates de semis, etc., il peut être envisagé. »

 

La houe rotative est adaptéeaux sols limoneux battants.

 

Deux passages à « rebrousse-poil »

Houe rotative ou herse-étrille, pour quel type de matériel opter ? « Il existe peu de différences entre les deux techniques, souligne Ludovic Bonin, la houe est cependant mieux adaptée aux sols limoneux battants, et la herse-étrille aux terres franches non battantes. De même, en présence de résidus importants, la houe se débrouillera mieux. »

Pour Jean-Pierre Poletz (lire l'encadré), qui utilise une herse-étrille depuis plusieurs années, l'idéal est de passer une fois dans un sens, une fois dans l'autre à « rebrousse-poil » pour finir de déraciner les mauvaises herbes qui n'étaient qu'à moitié délogées par le premier passage.

Lors des passages, des pieds de céréales peuvent aussi disparaître. Pour compenser ces pertes de pieds, Arvalis recommande d'augmenter la densité de semis, de l'ordre de 15 %.

L'institut technique s'est également intéressé au binage des céréales.

« Nous avons comparé des écarts de semis de 12,5, 25 et 37,5 cm pour le blé, souligne Elodie Galiardi, de la zone nord à Arvalis. Mais là, le frein est la perte de rendement occasionnée par une mauvaise exploitation du sol par le blé à partir de 25 cm. Elle peut atteindre 15 %, à 37,5 cm. »

« La possibilité de recourir au désherbage mécanique dépend aussi des mauvaises herbes présentes, précise Pierre Mischler. Au stade deux feuilles des dicots, on peut déraciner aisément une matricaire mais beaucoup moins facilement une crucifère car son pivot sera déjà bien développé. »

 

 

Si l'objectif du désherbage mécanique est de réduire l'utilisation de produits phytosanitaires, il ne présente pas d'intérêt financier. « En comptant le coût du passage, son introduction dans la rotation revient au minimum à 10 euros de plus qu'une stratégie « tout chimique » en conditions favorables, ajoute Ludovic Bonin, pour un temps passé à l'hectare au moins trois fois plus élevé (voir le tableau ci-dessus).

Arvalis va maintenant regarder si, en avançant la date de semis, il est possible d'accroître le nombre de jours disponibles pour intervenir.

« En protection intégrée, nous conseillons de décaler les dates de semis mais nous pouvons quand même les démarrer au 10 octobre, remarque Pierre Mischler, et bénéficier de conditions favorables pour intervenir vers le 10 novembre. »