Modification. « Désormais, nous désherbons nos blés à l'automne avec du chlortoluron, et les résultats sont très satisfaisants » indiquent les trois frères, Thierry, Denis et Christophe (de gauche à droite). (photo GFA)

« Il y a une dizaine d'années, personne ne parlait de résistance des adventices aux herbicides dans notre région, se remémore Thierry Vanhoutte, agriculteur dans la Seine-Maritime, à Saint-Vaast-du-Val. Pourtant, le Gaec composé de Thierry, Denis et Christophe a eu maille à partir avec ce type de problème sur vulpin et ray-grass. »

En 2007, les trois frères ont décidé de changer leur fusil d'épaule : ils ont abandonné l'application de sulfonylurées au printemps pour revenir au désherbage des céréales à l'automne.

Récemment, une expérimentation a été menée sur une des parcelles de l'exploitation afin d'enquêter sur la probable présence de résistances. « Grâce à cette opportunité, nous avons la certitude que nos vulpins sont en partie résistants à la famille des fops et que nos ray-grass le sont dans une moindre mesure aux sulfonylurées », ajoute Thierry.

 

 

Choix cohérent. L'orge, qui a rejoint l'assolement depuis peu, est elle aussi désherbée avec le même programme herbicide que le blé.

Au début des années 2000, les blés ont été désherbés à l'automne à l'aide de 1 000 g/ha d'isoproturon et de 0,6 l/ha de Célio. « Ça a fonctionné pendant tout au plus trois ans et, rapidement, nous avons eu du mal à détruire les vulpins », raconte l'exploitant.

Vu les circonstances, à l'arrivée d'Atlantis WG, les Vanhoutte n'ont pas hésité un instant, car cette spécialité innovante présentait de très bons résultats. Dès le printemps de 2003, Atlantis WG a été appliqué à 500 g/ha sur les blés pour presque tous les précédents, sauf après les betteraves, qui sont généralement des parcelles plus propres, où 300 g/ha ont été apportés. 0,5 l/ha de Paréo, un antidicotylédones, associé à 1 l/ha d'huile, ont été également ajoutés.

« Si au départ, le résultat était impeccable, nous avons de nouveau vu apparaître assez rapidement des problèmes d'efficacité, mais cette fois sur ray-grass. Ainsi, à 500 g/ha, nous commencions à ne plus du tout voir d'effet sur cette adventice, alors qu'avec 63 euros de l'hectare, le coût de cette association était pour le moins élevé », lance Thierry.

L'exploitant a pourtant respecté les conditions d'emploi des spécialités. « J'ai toujours évité les fortes amplitudes thermiques. J'intervenais sur des adventices à une ou deux feuilles et, surtout avec une hygrométrie idéale. »

Attention aux conditions d'emploi

Avant d'arriver « droit dans le mur », le choix s'est donc porté sur un désherbage à l'automne à base de chlortoluron, une matière active qui n'avait jamais été utilisée sur leur parcellaire.

En 2007, 1.200 g/ha de cet herbicide racinaire accompagné de 2 l/ha de Celtic, un antidicotylédones, ont été appliqués. Même si, compte tenu d'une plus faible efficacité, quelques pieds de folles avoines étaient encore présents, les résultats ont été plus qu'honnêtes. Dans ces conditions, les Vanhoutte n'ont pas eu besoin d'effectuer de rattrapage.

 

Pourtant, l'application n'a pu être réitérée pour la campagne 2008-2009, les conditions climatiques ne s'y prêtant pas. « La portance du terrain ne permettait pas de passer dans les parcelles. Nous sommes donc revenus, contraints et forcés, à une application de sulfonylurée », avoue l'exploitant.

 

L'intervention printanière a eu lieu dans de bonnes conditions et de bonne heure. Thierry a jugé le résultat parfait. « Toutefois, dans les parcelles où nous avions connu des soucis de résistance, le problème restait latent, puisque quelques ray-grass étaient encore visibles », ajoute-t-il.

Fort heureusement, il a été possible de réintervenir au cours de l'automne dernier avec une urée substituée. Le 19 novembre, alors que le blé était au stade des deux feuilles, une fenêtre climatique a permis de passer le pulvérisateur dans de bonnes conditions, sans trop de vent, avec une excellente portance.

De plus, il n'y a pas eu de gel les jours suivants. Et comme le marché du lin textile, présent dans de leur rotation, est saturé depuis deux ans, les frères Vanhoutte l'ont en partie remplacé par de l'orge. Ils y ont appliqué le même programme de désherbage qu'aux blés.

Pas de rattrapage

« Compte tenu du froid hivernal, le chlortoluron a un peu marqué le blé et l'orge. Malgré tout, le résultat est encore une fois satisfaisant, constatent-ils.

Heureusement, car il serait trop onéreux pour nous de devoir réaliser un rattrapage au printemps. En outre, il semble que dans ce cas, l'intervention devrait être faite avec des sulfonylurées, car la dose de chlortoluron est limitée à 1.800 g/ha/an. » Et sur orge, les solutions de rattrapage sont moins nombreuses.

Les exploitants mettent d'ailleurs en garde sur le choix variétal des blés. La première année d'utilisation du chlortoluron, ils n'ont en effet pas pris en compte leur sensibilité à cet herbicide.

« Le technicien de la coopérative Cap Seine a pris peur, mais en fin de compte, nous n'avons eu aucun souci. Pour la deuxième année avec ce racinaire, nous avons pris les devants, d'autant que la gamme variétale est assez fournie pour satisfaire nos besoins. »

En revanche, comme il y a eu des pénuries de semences, ils ont été contraints, à la dernière minute, de se tourner vers d'autres blés, notamment Parador. Graindor et Dialog, qui faisaient partie de leur choix initial, sont des variétés tolérantes. Parador, elle, est sensible. Mais, encore une fois, la variété semble avoir passé le cap.

« Nous n'avons pas encore beaucoup de recul sur le désherbage d'automne des céréales avec le chlortoluron. Toutefois, j'espère que cette fois, notre nouvelle stratégie sera durable », conclut Thierry Vanhoutte.

 

Gestion des adventices dans toute la rotation

 

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« Pendant plusieurs années, nous sommes intervenus avec du glyphosate sur les chaumes, mais ce n'est pas une solution pérenne, estime Thierry Vanhoutte.

 

Désormais, les déchaumages sont de nouveau réalisés après les récoltes. Cela permet entre autres de détruire une partie du stock semencier des adventices.

De plus, nous ne sommes pas certains que nous maîtriserions encore le désherbage si nous passions à un travail simplifié. Il faut aussi être plus vigilants avec les cultures de printemps et essayer d'avoir les parcelles les plus propres possibles.

Le choix des matières actives dans la rotation est donc essentiel. Par exemple, nous n'employons pas de sulfonylurées sur lin. »

 

 

Points forts

Points faibles

- Coût moins élévé du désherbage des blés.

- Plus de temps pour intervenir par rapport au printemps, où ont lieu semis, apports d'azote, préparation des lots des plants de pomme de terre.

- Conditions pédoclimatiques pour intervenir souvent difficiles.

- Choix des variétés en fonction de leur tolérance au chlortoluron.