Les dernières campagnes ont bousculé les repères des producteurs de blé dur. « Nous avons investi dans des cellules de stockage neuves après la flambée des prix de 2007. Mais depuis deux ans, elles nous coûtent de l'argent sans nous en rapporter », constate David Coll.

Installés sur 270 hectares dans l'Aude, David, son cousin, son père et son oncle cultivent 100 ha de blé dur. La récolte est vendue à la coopérative Arterris.

« Nous nous renseignons régulièrement sur les marchés au travers d'un club de commercialisation. Puis, nous contactons la coopérative pour savoir à quel prix elle achète », précise-t-il. Quand les prix augmentent au fil des mois, le stockage permet aux agriculteurs d'obtenir une rémunération légèrement supérieure au prix moyen de campagne.

Mais en 2009, avec des cours en baisse, les décisions n'ont pas été faciles à prendre. « En décembre, nous avons vendu la moitié de nos blés durs à 150  €/t. Il nous en reste encore la moitié, mais pour l'instant il n'y a plus de transactions », constate David.

Les exploitants se demandent quelle stratégie adapter pour 2010. « Nous ne sommes pas prêts à livrer à la récolte sans aucun engagement de prix. Mais nous ne tenons pas non plus à jouer au poker tous les jours. Nous cherchons simplement à couvrir nos frais. Avec un rendement moyen de 40 à 50 q/ha, nous devons vendre à 200 €/t », ajoute-t-il.

Retour au prix de campagne 

Installé sur 240 ha en Eure-et-Loir, Olivier Gernez est lui adhérent d'Axéréal (lire encadré ci-dessous). En 2009, il a vendu une moitié de ses blés durs en prix ferme, entre 150 et 160 €/t, et l'autre en contrat trimestriel. Pour 2010, avec 120 ha de blé dur, l'agriculteur a décidé de revenir pour partie au prix moyen de campagne, pour partager les risques.

« En m'engageant dès avril sur la moitié de la récolte, je bénéficierai d'une prime de 10 €/t, qui ne sera pas négligeable si les prix s'établissaient à 120 ou 130 €/t », estime-t-il.

Olivier a également engagé 200 t dans un contrat blé dur, adossé aux contrats blé tendre sur le marché à terme, une formule qui lui garantit un différentiel de 20 €/t. Il compte vendre le reste en prix ferme et en contrat trimestriel.

« Avec ce contrat, je ne connais le prix qu'à la fin des trois mois, mais je n'ai pas à prendre de décision chaque semaine, et je suis plus serein. Tout vendre au plus haut n'est pas évident ! », souligne-t-il.

En 2009, avec un rendement de 80 q/ha et un prix de 150 €/t, l'exploitant a couvert ses frais. En sortie d'hiver, sa priorité est de tout faire pour favoriser une bonne reprise des blés durs.

S'informer sur les marchés 

Installé en Haute-Garonne, Dominique Rougeau cultive 300 ha de blé dur. Il a choisi de tout commercialiser lui-même. « Je suis passionné par l'analyse des marchés, et j'y consacre deux heures par jour », affirme-t-il.

Pour décider du moment de la vente, Dominique s'appuie sur des informations partagées en réseau au sein de l'union de Ceta Agro d'Oc, dont il est président. Il consulte les mercuriales et les journaux, glane des informations sur le net ou au téléphone, suit de près la météo dans les grandes zones de production, et se rend chaque année au Canada début septembre.

« Je monte sur les moissonneuses-batteuses, je discute avec des agriculteurs et je vais voir les terminaux de chargement, explique-t-il. Je regarde le grain mais je cherche aussi à sentir l'état d'esprit des opérateurs. »

Ce voyage représente un investissement que Dominique juge bien rentabilisé : «J'évalue les volumes et les qualités récoltées deux à trois mois avant la publication des chiffres officiels. En 2007, en rentrant du Canada, j'ai décidé d'attendre janvier-février 2008 pour vendre, et j'ai obtenu 500 €/t. En 2009, à l'inverse, j'ai tout vendu en septembre et octobre, entre 175 et 180 €/t. Pour couvrir les frais, j'ai besoin de 200 €/t. Mais il n'y avait rien de mieux à espérer sur cette campagne. »

 

Sud céréales propose le contrat ProDurable

Sud céréales rémunère ses adhérents avec un acompte à la récolte, annoncé en juin, et quatre compléments trimestriels qui reflètent l'évolution du marché. Pour 2010, la coopérative a élaboré, en partenariat avec Panzani, le contrat ProDurable. Les producteurs qui s'engageront dès le printemps bénéficieront d'une prime de 5 €/t. Ils doivent choisir des variétés tolérantes aux maladies, suivre l'azote dans le sol et s'appuyer sur les bulletins du végétal pour traiter.

« Pour une fois, ce n'est pas une réglementation qui nous est imposée de l'extérieur sans contrepartie. Cela représente un supplément de 25€/ha pour un rendement de 50 q/ha, soit l'équivalent de la prime qualité », relève Emmanuel Boy, le directeur de cette coopérative du Sud-Est, qui commercialise 150 000 t de blé dur par an.

 

 

Une prime à l'engagement précoce chez Axéréal

« Pour 2010, nous proposons à nos adhérents une prime allant jusqu'à 10 €/t s'ils s'engagent avant le 30 avril sur au moins 50 % de leur récolte à venir, en précisant dès maintenant la mise en marché, en prix de campagne ou en prix trimestriel », explique Pierre Toussaint, directeur collecte et qualité d'Axéréal.

Cette union de coopératives du Centre a collecté 340 000 t de blé dur en 2009. Elle a aussi reconduit la formule du contrat trimestriel après moisson, qui permet à l'adhérent de déléguer au dernier moment sa vente, s'il ne s'est pas engagé plus tôt. Le prix est alors calculé sur la moyenne des transactions des trois mois. Axéréal teste également un contrat blé dur adossé à des contrats blé tendre à échéance novembre sur Euronext.

« Nous garantissons ainsi un différentiel de prix avec le blé tendre », précise Pierre Toussaint . Le marché du blé dur reste très fluctuant et peu transparent. « Sur cinq ans, la moyenne des ventes en prix ferme est inférieure au prix de campagne. Cela veut dire que certains adhérents gagnent à choisir leur moment de vente et d'autres non. Pour partager les risques, nous leur conseillons de diversifier leurs modes de commercialisation tout en favorisant la vente en prix campagne. »