La flore d'une prairie évolue sous l'effet conjugué de nombreux facteurs. Ainsi, deux prairies séparées par un simple barbelé peuvent avoir une composition totalement différente l'une de l'autre. Des vides et/ou des adventices apparaissent. La productivité diminue. Pourquoi ? Quels éléments sont à l'origine de ces écarts ? Bruno Osson, du Groupement national interprofessionnel des semences (Gnis), nous donne des pistes pour établir un diagnostic.

Sol : humide ou pas

La nature du terrain est déterminante pour la circulation de l'eau dans le sol. Les parcelles sont-elles très humides en hiver ou saines et sans excès d'eau ? Et en été, les terres sont-elles sèches ou séchantes ? Voici les deux questions principales à se poser. Il en découle une plus ou moins grande facilité à exploiter le sol. Mais les solutions pour remédier à cet état restent limitées au drainage.

Climat : gel et sécheresse

Impossible d'aller à l'encontre des accidents climatiques comme les fortes gelées ou la canicule. Ils laissent des espaces vides qui sont colonisés par des espèces comme le pissenlit. Son excès n'est peut-être pas souhaité compte tenu de son potentiel de production mais cette plante bénéficie d'un bon pouvoir lactogène.

Le pH: vérifier l'acidité

Certaines plantes sont plus ou moins sensibles à l'acidité. Les graminées sont dans l'ensemble relativement tolérantes. Le pH idéal est toutefois supérieur à 6, sachant que 5,5 est le seuil critique en dessous duquel il n'est pas souhaitable de descendre. D'autant que le niveau de pH joue sur la disponibilité des éléments fertilisants.

Niveau de fertilité : quatre cas de figure

- Lorsque le sol est bien pourvu en phosphore et potasse et qu'il bénéficie d'apports réguliers d'azote, les graminées intéressantes comme le ray-grass anglais ou le dactyle peuvent se développer.

- En l'absence de fertilisation azotée sur une parcelle pourtant bien pourvue en phosphore et en potasse, les légumineuses comme les trèfles blancs vont dominer.

- Si le sol est correctement fertilisé en azote mais présente des carences en phosphate et potasse, des espèces nitrophiles comme l'ortie, l'houlque laineuse ou le rumex surgissent.

- Enfin, en sol pauvre, aussi bien en phosphate qu'en azote ou en potasse, l'agrostide stolonifère ou la fétuque rouge apparaissent. Leur présence est plus ou moins bien tolérée et varie en fonction des objectifs de l'exploitant.

Mode d'exploitation : entre fauche et pâturage

La fauche répétée est favorable à l'apparition de certaines espèces comme le fromental, la flouve odorante ou le dactyle. Le pâturage est, quant à lui, propice au ray-grass anglais, à la crételle ou au trèfle blanc, par exemple. Ces différentes espèces sont plus ou moins désirables en fonction des objectifs. Le pâturage précoce ou le déprimage est propice au tallage des graminées, plus intéressantes que le adventices. La fenaison peut aussi favoriser le ressemis des espèces plus indésirables. L'idéal est d'alterner fauche et pâture.

Erreurs d'exploitation

Le sous-pâturage

L'apparition de grosses touffes, comme le montre la photo 3, est caractéristique du sous-pâturage. Ce couvert devient moins appétent. Certaines parties de la plante pourrissent. Cela peut provoquer la mort du couvert.

Le surpâturage

L'hiver, la plante rentre en dormance. Les glucides qui servent pour le redémarrage au printemps sont stockés à la base des tiges. En situation de surpâturage, la végétation repartira lentement. Le surpâturage peut provoquer la nanification de certaines espèces comme le ray-grass anglais.

La plante perd alors son potentiel de production. Parmi les espèces caractéristiques de cette pratique figurent des plantes comme la pâquerette ou l'agrostide.

Le piétinement

Le piétinement provoque la mort de certaines plantes. Des espèces à faible valeur alimentaire comme le pâturin annuel, l'agrostide stolonifère ou le plantain lancéolé apparaissent. Deux solutions existent pour éviter d'en arriver là:

- donner la priorité de pâturage aux parcelles les plus portantes en période humide ;

- sacrifier une parcelle pour y concentrer les animaux.

L'absence de déprimage

Le déprimage consiste à couper les feuilles en cours de cycle. La lumière parvient mieux au pied de la graminée, ce qui favorise son tallage, referme mieux le sol et « barre la route » aux adventices moins désirables. C'est un bon moyen de lutter contre le salissement.

Pour bien le gérer, il suffit de sortir tôt les animaux avant la montée de l'épi et d'adopter un chargement adapté. C'est d'autant plus intéressant pour les parcelles à faucher car les repousses de tiges seront plus nombreuses au mètre carré.

La phyto-écologie

Sol, climat, mode d'exploitation... constituent la phyto-écologie. A chaque plante correspond une phyto-écologie. Certaines plantes ont une phyto-écologie proche et se retrouvent ensemble.

Par exemple, la phyto-écologie du ray-gras anglais et du trèfle blanc est favorisée par un sol fertile, non séchant et pas trop humide, sous un climat océanique et par une exploitation en pâturage.

 

 

1. Nanification. Le surpâturage peut provoquer la nanification de certaines espèces.

2. Espèces indésirables. La prolifération de l'agrostide stolonifère est une indication de la dégradation de la flore.

3. Couvert cespiteux. Les touffes qui apparaissent quand le couvert est sous-pâturé sont peu appétentes.

 

Trois facteurs pour un fourrage de qualité

Bruno Osson indique que trois facteurs interviennent dans la qualité du fourrage. Ce sont l'appétence, les teneurs en UF et en protéines et la valeur d'encombrement. Ces valeurs varient selon de nombreux critères. Parmi les principaux figurent le stade physiologique et le rapport feuille/tige. Les feuilles sont les plus riches en énergie et protéines et sont les moins encombrantes. Mais ce rapport dépend des parties de la plante. La part de feuilles est plus importante en haut de la plante. Le pâturage tournant favorise donc la consommation de la partie la plus riche du fourrage. D'autres paramètres entrent en ligne de compte, comme la présence de maladies qui jouent un rôle sur l'appétence ou la valeur du fourrage.

 

 

Fixer ses objectifs avant l'implantation

Le niveau d'exigence d'une parcelle à une autre ou d'une exploitation à une autre n'est pas forcément le même. Il est par exemple difficile de faire pâturer une parcelle éloignée des bâtiments de l'exploitation. L'alternance fauche-pâture est donc compliquée à mettre en oeuvre. Aussi les espèces présentes doivent correspondre à l'objectif de fauche. Tous les animaux n'ont pas le même niveau d'exigence non plus (vaches laitières, allaitantes...). D'autres sont aussi sensibles à l'herbe trop riche. L'abondance de glucides peut par exemple être à l'origine de fourbure chez certains poneys. Enfin, à quelle période a-t-on besoin d'herbe ? Tôt au printemps ou en été ? C'est une question à élucider pour mettre en oeuvre les moyens d'amélioration.

 

Pour l'implantation de nouvelles espèces, mieux vaut repérer celles présentes naturellement. Elles ont la même phyto-écologie que les espèces sélectionnées, qui sont cependant plus productives, plus appétentes et présentent une meilleure valeur alimentaire.