1. Pâturage. Le crédit-bail permet à Laurent Moreau (à gauche), Séverine et Thierry Reuler de disposer de 27 hectares de terres pour leurs 150 chèvres.
2. Transformation. Le Gaec des Cabrioles transforme 77.000 litres de lait en fromage pouligny-saint-pierre et 17.000 litres en tomme de chèvre.
3. Bâtiments. Thierry Reuler a acquis 1 hectare en propriété pour construire ses bâtiments : un tunnel pour les chèvres, un hangar pour stocker le fourrage et l'atelier pour transformer le lait.
Acheter des terres reste financièrement difficile pour un jeune agriculteur. C'est pourtant le seul moyen de s'installer lorsqu'aucune location ni reprise d'exploitation n'est envisageable.
Thierry Reuler, trente-deux ans, s'est trouvé confronté à cette situation au moment de son installation. «Je souhaitais reprendre une exploitation caprine avec ma femme pour faire de la transformation de lait, mais aucune n'était disponible», se souvient-il. En 2004, il a eu connaissance d'une vente de terres agricoles à Fontgombault, dans l'Indre. Les parcelles se situaient sur la zone AOC Pouligny-Saint-Pierre, petite appellation fromagère au coeur du parc naturel de la Brenne. C'était l'opportunité qu'il attendait. Mais ce cas de figure l'obligeait à créer de toute pièce sa ferme. S'endetter pour acquérir le foncier, après avoir investi dans les bâtiments, le cheptel et le matériel s'avérait irréalisable pour le jeune agriculteur. «Sans compter la construction de la maison, car il n'y avait rien sur place», précise-t-il.
Devenir propriétaire
C'est auprès des élus locaux que Thierry a trouvé la solution. «Je savais que la communauté de communes de Brenne-Val de Creuse utilisait la technique du crédit-bail pour des fonds de commerce. Nous avons décidé de faire la même chose sur le foncier agricole.» Le crédit-bail est un contrat de location avec, à l'échéance, une option d'achat pour une somme tenant compte des versements effectués à titre de loyers. Autrement dit, il s'agissait pour la collectivité d'acheter les terres et de les rétrocéder progressivement à Thierry, le transfert de propriété devenant effectif en fin de contrat. «C'était la première fois que nous avions à monter un tel projet », confie Serge Denys, vice-président de la communauté de communes.
Le crédit-bail de Thierry porte sur 27 hectares destinés au pâturage des chèvres. Il est conclu sur quinze ans. Son loyer annuel s'élève à 6.743 euros. «Cette somme correspond aux annuités de l'emprunt réalisé par la collectivité afin d'acquérir les terres, explique Serge Denys. Nous avons reçu des subventions de la région pour cette opération, que nous avons répercutées sur le montant des annuités. Si Thierry avait directement souscrit un emprunt auprès d'une banque, il n'aurait pas profité de cet avantage.» A l'échéance du contrat, en 2019, le transfert de propriété se fera par le versement de quelques euros symboliques. «La communauté de communes ne prend aucun risque. C'est elle la propriétaire tant que le dernier euro n'a pas été versé, et c'est nous qui payons tout», souligne Thierry. Les rapports qui unissent l'agriculteur et la collectivité sont les mêmes qu'entre preneur et bailleur dans le cadre d'un bail rural classique.
En plus des 27 hectares en crédit-bail, Thierry a pris en location trois autres hectares, eux aussi destinés au pâturage des chèvres. Une fois le foncier acquis, il restait à construire les bâtiments: le tunnel pour accueillir les chèvres, le hangar pour stocker le fourrage, l'atelier pour transformer le lait. En tout, 300.000 euros d'investissements. «Par sécurité, nous avons acheté un hectare pour construire les bâtiments», indique Thierry.
Trois installations en trois ans
La première traite des chèvres a eu lieu en octobre 2004. L'année suivante, Séverine, l'épouse de Thierry, a rejoint son mari sur l'exploitation. En 2007, après une année passée en stage parrainage auprès du couple, Laurent Moreau se joint à eux. Ils créent ensemble le Gaec La Ferme des cabrioles. «Trois installations en trois ans sur trente hectares, c'est une bonne performance», se félicite Thierry.
Aujourd'hui, l'exploitation a atteint sa vitesse de croisière. Sur les 94.000 litres produits chaque année, 77.000 litres sont transformés en pouligny-saint-pierre et 17.000 litres servent à fabriquer de la tomme de chèvre. Les débouchés se partagent entre la vente directe (35%), les supérettes locales (15%), des grossistes (25%) et un groupement d'intérêt économique de dix-huit producteurs (25%).
«En 2008, nous avons dégagé pour la première fois un Smic chacun, se réjouit Thierry. Sans le système du crédit-bail qui nous a épargné un surplus d'endettement, nous n'aurions pas pu nous installer ici, ni arriver à ce résultat.» La communauté de communes partage sa satisfaction. «Le crédit-bail est une bonne formule pour encourager les installations sur un territoire, confirme Serge Denys. Ce dossier est le seul que nous ayons eu a traiter jusqu'à présent, mais nous sommes prêts à recommencer.»
S'allier à un investisseur pour limiter les coûtsPour faciliter l'accès à la terre des jeunes agriculteurs, des outils de portage du foncier se développent. En Poitou-Charentes, en Auvergne ou encore en Rhône-Alpes, des conventions entre conseils régionaux et Safer permettent à ces dernières de constituer des réserves foncières destinées à faciliter l'installation. «Lorsqu'un jeune agriculteur brigue des terres mises en vente mais n'est pas en mesure de s'installer immédiatement, la Safer les acquiert et les lui réserve le temps nécessaire», explique Elisabeth Bailly, directrice de la Safer Poitou-Charentes. Les frais financiers et de gestion du stockage sont supportés par la région. Ils ne sont pas répercutés au repreneur lors de la rétrocession. Par ailleurs, des solutions collectives de portage telles que le groupement foncier agricole (GFA) «investisseur» permettent à un jeune d'acquérir des terres sans altérer ses capacités de financement. Cet outil consiste à réunir un groupe de partenaires pour acheter la terre et la mettre durablement à la disposition d'un agriculteur. L'investisseur qui souscrit des parts de GFA bénéficie d'un régime fiscal de faveur. De son côté, le fermier peut racheter des parts du groupement chaque année. |