En 2001, Florent Mercier a obtenu son certificat de spécialisation en machinisme après son BTS. La ferme biologique de ses parents, à Bouchemaine (Maine-et-Loire), est son avenir.
Mais il veut savoir jusqu'où est ancrée son envie d'être paysan. «Partir me semblait le meilleur moyen de m'éveiller à ma vie d'adulte. Sans prendre l'avion. Il y a, tout à côté, des modes de vie aussi exotiques que les ethnies du bout du monde.»
Depuis l'âge de 10 ans, Florent marche trois semaines, de préférence en montagne, entre les foins et la moisson, avec l'un de ses parents. «L'autre assurait la continuité: traite des 20 vaches brunes des Alpes, fabrication et vente du fromage. Nous prenions le train avec notre sac à dos, pour ensuite être en autonomie.»
L'un de ses amis, François Aubineau, musicien et qui n'a jamais marché, quitte son travail et le suit. «Nous sommes partis en juin 2001, avec une tente et un sac à dos, pour dix-huit mois et 12.000 kilomètres.»
Ils en feront 9.100, marchant entre 17 et 25 kilomètres par jour. Avec des règles: marcher tous le jours, jamais de voiture, chaque soir frapper à une nouvelle porte pour demander l'hospitalité. «Nous étions hébergés un soir sur deux dans une étable, une grange ou une chambre. Sinon, nous plantions notre tente», précise Florent.
Il raconte ces soirs où, morts de fatigue, ils puisaient dans le récit de leurs hôtes la force de rester éveillés. Ils ont traversé les montagnes suisses hébergés par des éleveurs de vaches brunes originales, avant de marcher en Autriche et en Slovénie.
En décembre, ils sont revenus en Italie, puis ont pris le train vers la péninsule ibérique. Ils rejoindront en «bateau-stop» l'Irlande, en février, puis la Scandinavie et l'Allemagne.
Un lien avec ses terres
En novembre 2002, ils sont de retour. «Il nous tardait de construire quelque chose. J'étais retombé amoureux de notre ferme, de nos vaches. Je suis lié à nos terres difficiles. Je me suis installé avec mes parents. Nous n'avons pas modifié le système mais gardé du temps pour nos engagements dans le bio. Au bout de six mois, l'envie de partir m'a repris. Nous pensions revenir plus solides après ce voyage, mais cela nous a aussi déstabilisé.»
Il repart chaque été. Depuis 2003, Florent cultive des blés Paysans d'Anjou mais aussi d'Espagne, du Tibet... au sein du Groupement des agriculteurs bio d'Anjou (1). «Pour la première fois en 2007, j'ai pris l'avion pour rencontrer un sélectionneur en Syrie. Mais je reste adepte des voyages de proximité non polluants.» A portée de chaussures plutôt que de kérosène.
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(1) Il a participé au livre «Voyage autour des blés paysans» du réseau Semences paysannes.
Un accueil imprévisibleChemin faisant, Florent et François ont publié leur carnet de route sur le site internet Transboréal. Ils y racontent les débuts douloureux de la marche, le conseil d'un kinésithérapeute, ami du Massif Central: «Lâcher prise, vivre au jour le jour, cesser de se projeter.» Ils parlent de l'accueil imprévisible des habitants, d'abord réservés, souvent chaleureux, parfois hostiles: «Les gens étaient stupéfaits de nous voir débarquer à pied, au milieu de nulle part. Pour nous lier, nous expliquions notre tour d'Europe, parlions agriculture ou musique. Parfois, on nous adressait à d'autres étrangers comme ces Hollandais qui retapaient une maison en Espagne», se souvient Florent. Les Italiens les renverront facilement vers leur curé, les Espagnols vers le maire. Un éleveur irlandais vérifiera en salle de traite leur savoir-faire. En Suède, ce sera nuit dans le foin, lait au matin. En Allemagne passé le premier contact, ils recevront un bon accueil. |
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