Ouverture. Le troupeau de montbéliardes produit du lait pour l'AOC comté. Lætitia va bientôt organiser des découvertes pédagogiques de son exploitation.

 

 

 

1. Temps de travail. Olivier commence sa journée de travail à 5h30. Lætitia le rejoint après avoir conduit ses aînés à l'école.

2. Loisirs. Le gîte de Lætitia accueille régulièrement des skieurs (www.gite-du-jura.com ). Olivier profite aussi de temps en temps de la piste de ski de fond.

 

«Finalement, le plus difficile pour moi c'est de me lever le matin», plaisante Lætitia Bouhellier, en faisant le bilan de ses cinq années d'installation. Olivier Baverel, son compagnon, n'a pas cette hésitation. Dès 5h30, il est dans la salle de traite. Moins d'une heure plus tard, Lætitia commence sa journée: d'abord les trois enfants qu'il faut lever, préparer et accompagner au village de Bugny. «Les aînés, qui ont 7 et 5 ans, vont à l'école. Le petit dernier n'a que 2 ans. Je le dépose au moins deux jours par semaine chez sa nounou.»

 

Ensuite, le troupeau: Lætitia et Olivier ont créé une EARL en 2003. Ils disposent d'un quota de 280.000 litres de lait et livrent à une petite coopérative de huit éleveurs qui fabrique du comté AOC.

Lætitia a découvert presque par hasard le lycée agricole de Dannemarie et le métier d'agricultrice: «J'ai intégré le lycée après une première scientifique. J'y suis venue pour la biologie. Je ne m'attendais pas à parler de vaches. Tout de suite, l'ambiance m'a plu.» Celle du lycée, mais aussi celle de sa première exploitation de stage: «Tout m'enchantait: les chèvres, les touristes reçus à la table d'hôtes, la vie de famille avec plusieurs générations autour d'une même table.» Même si elle décèle vite que tout n'est pas aussi rose qu'elle le perçoit.

Douze années plus tard, elle remercie encore le hasard qui l'a conduite chez ces patrons de stage, qui lui ont fait découvrir «qu'être agriculteur, c'est une philosophie de vie».

Elle poursuit un BTS en production animale tout en convainquant ses parents, qui habitent dans un village du Doubs, de racheter quelques terres autour de leur corps de ferme. «J'avais déjà un pied dans mon projet: élever des chèvres, faire du fromage et accueillir des touristes.»

La rencontre avec Olivier à Dannemarie l'amène à revoir ses plans: «Olivier s'est installé tout de suite après le BTS sur la ferme de son père avec un quota de 110.000 litres de lait.»

Lætitia poursuit ses études en biologie, hésitant entre enseignement et agriculture: «En 2001, alors que j'attendais mon premier enfant, le fermier qui travaillait d'autres terres de mon beau-père a donné son congé.»

Le jeune couple n'hésite pas longtemps avant de reprendre cette vieille ferme comtoise qui n'a pas connu de rénovation depuis au moins trente ans. «Cette ferme à la lisière des bois, c'était notre rêve. Je me suis installée en 2002 en EARL avec Olivier.» Elle rêvait de chèvres, la voici avec des vaches. «Dans une production de qualité, le comté , précise-t-elle non sans fierté. En réunissant les deux exploitations, nous avions un quota de 237.000 litres. Nous avons construit une étable pour nous mettre aux normes et créer de bonnes conditions de travail. Chacun peut traire seul.»

Ensemble, ils ont retapé dans l'ancienne étable un gîte de six personnes que Lætitia gère: «Nous aimons l'isolement mais pas la solitude.» Régulièrement, les touristes venus l'hiver pour le ski de fond et l'été pour les randonnées assistent à la traite.

«Ne pas perdre de vue son projet»

Olivier s'était inscrit lors de son installation aux Jeunes Agriculteurs. Lætitia a opté pour la Confédération paysanne. «Je suis contre le syndicat unique.» Convaincue par l'agriculture paysanne, elle relève les contradictions auxquelles elle doit faire face: «Notre quota pourrait paraître important mais, sans lui, nous n'aurions pas fait face à nos remboursements. Le bâtiment a coûté 330.000 euros. Notre petite coopérative a dû investir. Elle ne pouvait jusqu'à cette année nous verser un prix élevé.»

Elle milite pour que le parcours à l'installation respecte davantage le droit des femmes: «Je suis agricultrice à titre principal. Mais, pour mes aides, tout a été réduit car je m'installais en couple. Si j'avais élevé des chèvres seule ici et Olivier des vaches à dix kilomètres, cela serait passé. Est-ce que dans les autres métiers on dit aux femmes: "Je te donne la moitié de ton salaire parce que ton homme travaille"?

Pour compenser ce manque à gagner, j'ai donné des cours. Cette année, j'ai pu ne pas travailler en dehors parce que le prix du lait a remonté. L'an passé, nous prélevions à peine 800 euros, et pas tous les mois. Nous prélevons aujourd'hui 1.500 euros.»

Olivier travaille à plein temps, de 5h30 à 19h30. L'hiver, il s'accorde souvent du temps pour emprunter les pistes de ski de fond qui traversent l'exploitation.

Lætitia estime réaliser un mi-temps: «Je concilie vie de famille et métier. Je tiens à aller au bout de mes projets professionnels. Mais, au côté d'Olivier, j'ai appris que je ne suis pas obligée de tout faire tout de suite. Actuellement, je restaure ma maison. Au printemps, j'organiserai un circuit de découverte pédagogique. Les chèvres, ce sera dans cinq ans, quand les enfants seront plus grands. C'est cette possibilité de choix qui rend notre métier vivable», conclut Lætitia.

 

« Le cycle des générations»

«Etre agriculteur, c'est entrer dans le cycle des générations qui nous ont précédés et ensuite transmettre. Dans quelques années, cinq peut-être, quand les enfants auront grandi, je reviendrai à mon projet de chèvres. J'ai compris grâce à Olivier que l'on n'est pas obligé de toujours se presser dans notre métier. Nous pourrions nous associer avec un couple qui partagerait nos valeurs pour que ce projet soit vivable et pour favoriser l'installation d'autres jeunes. Je voudrais que les gens qui habiteront à la ferme des Sapins dans cinquante ans puissent encore vivre de leur métier.» Un hommage prémonitoire rendu au père d'Olivier, disparu au lendemain de cet entretien.