La crise de la filière laitière s'est amplifiée tout au long de l'année. Après les fortes hausses de 2007 et 2008, le prix du lait enregistre un recul historique.
Au premier trimestre 2009, la confusion domine malgré un accord interprofessionnel: certaines laiteries appliquent des baisses plus fortes, des grilles régionales sont réécrites et la situation d'Entremont ne fait que se dégrader (lire encadré ci-dessous).
Pour la paie d'avril, un laborieux accord entre la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) et les industriels entérine des reculs de 90 à 104 €/1.000 l, suscitant colère et incompréhension de la part des éleveurs.
Leur réaction ne se fait pas attendre. Tout au long du mois de mai, des blocages d'usines et de camions de collecte visent les transformateurs mais aussi les distributeurs.
L'accord du 3 juin signé entre la FNPL et les industriels, né aux forceps juste avant les élections européennes, ne satisfait pas davantage les éleveurs. Cette fois, les industriels le respectent, excepté Entremont. Le prix moyen sur l'année devrait être de 280 €/1.000 l hors flexibilité.
Le désarroi des éleveurs contribue à la montée en puissance de l'Association des producteurs de lait indépendants (Apli). Cette dernière organise, au cours du printemps et de l'été, des réunions qui rencontrent un franc succès. Elle réclame un prix du lait à 400 €/1.000 l et une régulation de la production au niveau européen.
Son idée d'une grève des livraisons de lait fait son chemin, relayée par l'Organisation des producteurs de lait (OPL, Coordination rurale). La protestation se fédère au niveau européen, soutenue par l'European Milk Board et Via Campesina.
Grève du lait déclenchée
En réponse, Bruno Le Maire parle de contractualisation, et l'Union européenne (UE) de gestion des marchés. Mais leurs concessions ne vont pas jusqu'à la remise en cause de la suppression des quotas laitiers en 2015, loin de là.
Insuffisant pour les protestataires. Des manifestations ont lieu au cours de l'été, jusqu'au mot d'ordre de grève du lait lancé par l'Apli et l'OPL le 10 septembre. Le mouvement, qui s'accompagne de dons de lait et d'épandages spectaculaires, est plébiscité par la population.
En revanche, la FNSEA affiche une franche hostilité envers ces actions, pourtant soutenues par une partie de ses troupes.
L'ampleur de la grève reste difficile à évaluer: les laiteries annoncent un recul de collecte de 10 à 12 %, l'Apli avance 30 à 50 % de grévistes. En revanche, le mouvement européen ne décolle pas, malgré quelques actions en Belgique et ailleurs.
La grève est suspendue le 24 septembre. Si le mouvement a relancé la critique de la libéralisation, rien de concret n'est obtenu.
Bruno Le Maire et sa consoeur allemande, Ilse Aigner, rassemblent dix-neuf États membres autour d'une proposition alternative au tout-libéral prôné par la Commission. Mais le Conseil des ministres de l'UE, divisé, n'aboutit qu'à la création d'un «groupe d'experts de haut niveau» chargé de réfléchir à l'organisation de la filière.
Pendant ce temps, en France, le prix du lait replonge après l'accalmie de l'été.
Les syndicats sont unanimes sur les causes de la crise. Elle est la conséquence de la libéralisation voulue par l'UE. Moins protégée, la filière laitière encaisse désormais de plein fouet les fluctuations d'un marché mondial dérégulé, accentuées par la crise économique mondiale.
En revanche, ils ne sont pas d'accord sur les remèdes. La FNPL mise sur un renforcement de l'interprofession, l'organisation des producteurs et la contractualisation. Les minoritaires réclament une gestion des volumes par les pouvoirs publics. Ils restent très méfiants vis-à-vis de la contractualisation, synonyme d'intégration.
Le ministère de l'Agriculture souhaitant une solution pour 2010, ce dossier devrait s'éclaircir bientôt.
Outre le malaise profond des éleveurs confrontés à la libéralisation, la grève du lait a aussi révélé l'affaiblissement des syndicats traditionnels face à un mouvement officiellement sans étiquette. Les minoritaires ont couru après l'Apli. Quant à la FNSEA, elle a été sévèrement remise en cause par ses propres adhérents.
Rendez-vous en 2010Premier trimestre: la contractualisation doit s'inscrire dans la loi de modernisation agricole. Premier semestre: les eurodéputés comptent organiser un débat sur la régulation. Juin: le groupe d'experts européens de haut niveau rend ses conclusions sur la filière laitière. |
Entremont dans l'attente d'un repreneur Qui, de Sodiaal ou Lactalis, reprendra Entremont alliance ? Les producteurs sont impatients de le savoir. Le ministère aussi, qui souhaite boucler le dossier avant la fin de l'année. L'entreprise, particulièrement touchée par la chute des prix des produits industriels et concurrencée sur l'emmental par l'Allemagne et les Pays-Bas, n'a pas respecté l'accord sur le prix du lait pour 2009. Détenu par la CNP d'Albert Frère et Unicopa via Eolys, Entremont cumule 360 millions d'euros (M€) de pertes. Il a été placé sous tutelle des pouvoirs publics afin de trouver une solution de reprise. Pas question de laisser sombrer le fromager, un acteur majeur de l'économie bretonne: il collecte le tiers du lait de la région, soit 1,7 milliard de litres, auprès de 5.500 producteurs, sans compter ses 4.000 salariés. De leur côté, les producteurs se sont constitués en Association des éleveurs de Bretagne apporteurs de lait à Entremont alliance (AEBEA) pour défendre leurs intérêts. La créance qui leur est due est estimée à plus de 4 M€, compte tenu des nombreux décrochages pratiqués sur les paies de lait. Sous l'égide du ministère, Sodiaal a obtenu un accord d'exclusivité pour négocier avec Albert Frère, qui a pris fin le 30 novembre. Mais les producteurs n'adhèrent pas au projet, qui leur demande de participer à la restructuration d'Entremont à hauteur de 3,8 €/1.000 l pendant sept ans. Depuis, l'offre de Lactalis se fait attendre. |