• Quel équilibre voyez-vous entre filets de sécurité et rémunération des services rendus par les agriculteurs ?

L'utilisation des matières premières agricoles à des fins énergétiques a conduit à indexer les prix du sucre, des huiles végétales, des céréales... sur les cours du pétrole, par nature très fluctuants et impossibles à prévoir. Le problème est que la Pac ne peut pas lutter contre l'instabilité du prix du pétrole.

L'autre problème est que même les budgets de la Pac pèsent peu face aux institutions financières, capables de faire plier une banque centrale qui souhaiterait empêcher une monnaie de décrocher. Il ne faut donc pas trop se faire d'illusion sur la possibilité de stabiliser les cours.

Il faut davantage tenter de s'en accommoder, par l'utilisation d'instruments de couverture, par la possibilité de choisir sa date de vente grâce au stockage et l'établissement de relations contractuelles. Et tenter d'utiliser le marché non alimentaire comme un débouché contracyclique.

Les systèmes assuranciels sont à mon avis potentiellement coûteux. Un moyen de préserver des filets de sécurité reste l'intervention. Au début des années 2000, elle nous a permis de résister aux exportations de blé à prix ridicules pratiquées par l'Ukraine et la Russie. Il faut maintenir ce qui reste des prix d'intervention.

A l'heure actuelle, les paiements directs jouent aussi un rôle important de filet de sécurité sur les revenus et certaines années représentent même l'essentiel des revenus. Une suppression de l'ensemble des DPU paraît donc impossible. Mais il est nécessaire de mieux les justifier auprès de l'opinion publique et accepter leur évolution vers une contractualisation pour des services.

• Comment intégrer la notion de sécurité alimentaire dans la Pac ?

Il y a une forte ambiguïté, voire une escroquerie intellectuelle sur le terme de sécurité alimentaire. Certains s'abritent derrière ce mot vague pour vendre l'idée d'une Europe protectionniste, stabilisant ses cours intérieurs à des niveaux élevés, et entretenant l'idée – fausse – que cela serait bon pour les pays pauvres. Mais, si l'on se protège et que l'on stabilise nos cours intérieurs, c'est que l'on va reporter les fluctuations sur les autres pays.

A côté de cela, la question de stocks régulateurs mérite d'être posée. La question est difficile car, encore une fois, réguler un marché si indexé sur les marchés énergétiques n'est pas simple.

• Quelles seront les clefs d'attribution des DPU à l'avenir ?

Il y aura moins de dispersion des DPU par hectare en Europe. C'est une demande forte des nouveaux membres. Le bilan de santé avait donné à la France l'occasion de passer à un modèle régional (DPU/ha unique au sein d'une région).

Michel Barnier a choisi un autre moyen de réduire les disparités. Cela a contribué à la complexité d'un système d'aides qui est devenu illisible : on crée des primes ovines couplées au moment où l'on en découple d'autres. Il est probable qu'émerge un paiement unique par hectare assez basique avec une conditionnalité plus simple, et une grande possibilité laissée aux pays de réallouer ce paiement en fonction d'objectifs particuliers.

Une grande inconnue est bien sûr, outre la taille du budget, la part qui irait dans la première couche de paiements forfaitaire par hectare, et celle qui irait dans la seconde, soumise à un cahier des charges plus fin.