André Fleury, agronome, travaille sur l'agriculture périurbaine depuis 20 ans. Il a fondé en 2002, avec Pierre Donadieu, son collègue géographe de l'Ecole nationale supérieure du paysage et des chercheurs de l'Inra, le groupe de recherche sur l'agriculture urbaine, le Grau.
«La planification du développement de la ville des années 1960 cherchait à mettre de l'ordre dans le développement des réseaux de transport et des villes nouvelles. L'espace agricole périurbain était au mieux une zone blanche en attente d'urbanisation. Les agriculteurs du périurbain avaient intégré que régulièrement la ville les chasserait un peu plus loin.
A partir de 1975, les urbanistes ont voulu arrêter d'éloigner le citadin de la campagne. Ils pensaient avant tout aux forêts, aux parcs. Mais progressivement ils ont redécouvert que l'agriculture produit aussi du paysage.»
Le coût d'entretien d'un hectare de parc les a aidés à réfléchir: il s'élevait, il y a 5 ans, à 15.000 € par an et celui d'un hectare de forêt à 3.000 € par an. «L'idée qu'une ceinture verte empêche l'étalement de la ville, a commencé à faire son chemin auprès des associations, des collectivités locales et de l'Etat.»
En 1995, sur le plateau de Saday, l'agence des espaces verts a acheté à la demande des collectivités 300 ha à un prix de 12.195 € par hectare avec l'aide de la Safer. Elle les loue ensuite à des agriculteurs.
«La ville verte rassure»
«L'espace agricole y compris céréalier a enfin pris valeur de paysage pour les citadins. La ville verte rassure, l'agriculture urbaine redevient garante de la cohérence des lieux habités. Certains élus sont tentés d'imposer leur vision à l'agriculture. Le "bio" leur plaît souvent. Mais les exploitants veulent garder l'initiative.
Pour l'instant les surcoûts de production liée au contexte périurbain sont à la seule charge des agriculteurs. Ceux qui cultivent 300 ha sur les terrains de l'aéroport d'Orly, évitent à ce dernier une dépense d'entretien de 1.000 euros par an au moins. Pourquoi ne pas étudier un partage de ce profit?
L'agriculture urbaine n'existera que si elle a un projet direct. Elle s'intégrera dans les projets locaux par sa dimension économique, paysagère et culturelle. »
«Terres en ville» réunit élus et exploitantsL'association «Terres en ville» est née en 2000 autour de six agglomérations dont Le Mans, Grenoble, Rennes, Nantes. Ces territoires voulaient échanger sur leurs expériences et promouvoir le rôle de l'agriculture périurbaine. Aujourd'hui, l'association réunit onze adhérents qui associent un élu de collectivité locale et un responsable agricole. Jean-Pierre Clouet suit ce dossier au titre de la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique, en binôme avec la communauté urbaine de Nantes. «Le développement de la ville se fera inéluctablement mais elle ne consommera pas tous les espaces délaissés. Qui les entretiendra? La communauté urbaine de Nantes a des réserves foncières pour huit ans. L'agriculture a sa place dans l'entretien du paysage. A Aubagne, l'existence des maraîchers et de la charte de qualité "les jardins d'Aubagne" donnent des arguments aux élus qui veulent contenir la pression urbaine. Près de Perpignan, la présence d'un berger dans un vieux fort a permis d'éloigner des trafics douteux. Dans les discussions avec les élus, nous utilisons l'entrée de l'environnement et des paysages tout en sachant que l'agriculture n'existera que si elle est viable. Les lois récentes qui poussent à la densification des zones urbaine existantes, nous conviennent. Le zonage des plans locaux d'urbanisation discutés actuellement doit donner un message fort aux propriétaires qui seraient tentés de laisser leurs terres en friche.» Terres en ville prépare sa contribution à la prochaine loi rurale qui abordera l'agriculture périurbaine. |
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