1. Plaisir de la taille. «Je taille seul. J'aime travailler sans tracteur, tirer les bois. Je prends une personne pour réparer les piquets et trois pour le relevage. La vendange est effectuée par une entreprise.»
2. Construction d'un chai. «L'ancien chai a été vendu avec la maison principale de l'exploitation. Pour reduire la facture, j'ai construit la plate-forme avec l'aide de la famille.»
3. Sa devise. «Nos brebis font les paysages que vous aimez.»
Thomas Bourrut-Lacouture arpente ses vignes à Montmoreau-Saint-Cybard, en Charente. Elles viennent d'échapper à un orage de grêle dévastateur. «Ce sont les risques du métier, mais c'est celui que j'ai choisi», commente-t-il. Après cinq ans à l'université, suivi d'une année de professorat, il décide à 25 ans de se tourner vers l'agriculture et de réintégrer sa campagne charentaise d'origine. Un projet devenu réalité après quatre années de dossiers montés et démontés.
En décembre dernier, Thomas s'est installé en tant que viticulteur et éleveur: «Ce fut le parcours du combattant: passer mon BPREA, découvrir l'élevage ovin puis la vigne, et surtout convaincre mes grands-parents paternels, gérants de sociétés agricoles, de la solidité de mes projets. Heureusement, ma compagne, juriste à la MSA, a tout de suite accepté mon choix de vie.»
Lors de sa formation au CFPPA du lycée de l'Oisellerie, il a effectué un stage de quatre mois en production ovine. «J'ai réalisé plusieurs études pour créer un élevage ovin. Mais ni mon banquier ni mes grands-parents étaient d'accord.» Il décide donc de se familiariser avec le travail de la vigne et devient salarié. «Ce que je préfère, c'est la taille, tirer les bois, travailler sans le bruit du tracteur.»
Le décès du salarié qui s'occupait des vignes de sa grand-mère le ramène au village familial. Ses grands-parents exploitent deux sites séparés de 10 km, qui se partagent entre vignes, céréales et prés. Après un an de salariat, il rachète les 13,5 ha de vignes de sa grand-mère. Ses grands-parents, qui habitent sur la deuxième exploitation, conservent les hectares de culture mais acceptent de lui louer 40 ha de prés, les bâtiments et une maison d'habitation. Ils revendent la maison principale du site de Montmoreau et le chai à un particulier.
«J'ai monté une petite troupe de 30 mères avec vente directe des agneaux que je compte développer», explique Thomas. Cet atelier sera financé par ses fonds propres. Mais le nerf de la guerre reste la vigne: «J'ai dû réaliser une trentaine d'études avec l'Adasea. Ma grand-mère a testé ma résistance. Cela n'a pas été toujours facile mais m'a obligé à affiner mon projet.»
Un banquier à l'écoute
Il a également fallu emporter l'adhésion des banquiers: «J'en ai consulté trois. Résultat: un refus, un accord sous conditions de tout traiter avec cette banque et enfin un conseiller qui connaît les chiffres de la production de Cognac. C'est lui que j'ai choisi. Il m'a dit: «Tes vignes sont notre garantie.»
Sans capital de départ, il achète les vignes 19.000 €/ha, soit 240.000 euros au total. Il emprunte la totalité auprès de la banque, soit 90.000 euros en prêt JA et 150.000 euros au taux de 5%: «Ce n'est pas donné mais ici il y a peu de vignes à vendre. A coté, 5 hectares viennent de partir à 35 000 €/ha.»
Chez lui, 11,72 ha sont en appellation Cognac et sous contrat avec Hennessy. «Mon arrière-grand-père, qui a exploité jusqu'à 92 ans, et mon grand-père, qui a aujourd'hui 76 ans, ont toujours travaillé avec cette maison. Hennessy a accepté de poursuivre mais à condition de tout livrer. Ils reprennent 50% de la récolte après trois mois de stockage et 50% deux ans plus tard.
Les deux premières années vont être difficiles. Mais avec ces contrats, les banques patientent. J'ai déjà modifié la taille cet hiver pour augmenter la production. Je ne produis que 6,5 hl d'alcool pur par hectare alors que notre quota est de 10,6. La crise devrait le faire baisser. Actuellement, la vente rapporte 750 €/hl d'alcool pur, soit 5.000 €/ha. Les charges directes de ma grand-mère s'élevaient à 900 €/ha. Dans le groupe de viticulture raisonnée auquel j'ai adhéré, le coût tourne autour de 650 euros.»
Pour travailler sa vigne, il compte sur le matériel que sa grand-mère lui a laissé en donation (8.000 euros): tracteur, épandeur d'engrais, faucilleuse, broyeur, sulfateuse. «J'ai bricolé un vibroculteur pour passer dans un rang de vigne sur deux et aérer le sol. Je demande souvent conseil à mon grand-père pour le travail d'atelier comme pour les vignes.»
Il a dû construire un nouveau chai: un investissement de 30 000 euros. «Pour limiter l'emprunt à 22.000 euros, j'ai eu recours à l'autoconstruction, avec l'aide de mon père et de mon beau-père. Mon revenu en période de croisière devrait atteindre 20.000 euros. Pour l'instant, je ne prélève rien. Ma compagne me donne volontiers un coup de main pour le troupeau et la basse-cour.»
La plantation de 72 ares de vignes vient de lui coûter 6.000 euros. «Je vais attendre un peu pour rénover les vieilles vignes.» La saga familiale des Bourrut-Lacouture dans le vignoble charentais va se poursuivre en sautant une génération.
Transmission: le verrou du foncierUne cinquantaine de jeunes se sont installés en Charente en 2008 avec une DJA. Selon l'Adasea de la Charente, l'investissement moyen atteint 242.514 euros, dont un tiers pour la reprise. Le financement s'élève à 195.000 euros, la moitié en prêts JA. Le montant emprunté augmente au rythme de 10 à 15% par an. Le revenu disponible s'établit à 26.000 euros, avec des variations de 12.000 à 61.000 euros. Exploitations individuelles et EARL se partagent 75% des installations. Les Gaec atteignent à peine 25%. Vigne, élevage d'ovins ou bovins allaitants et, pour une moindre part, élevage laitier se répartissent trois quarts des installations. Un jeune sur cinq est hors cadre. Selon les conseillers de l'Adasea, trop souvent, les exploitants en place tardent à organiser leur transmission. Or l'idéal serait d'entamer la réflexion à partir de 50 ans, dans l'intérêt des deux parties. L'Adasea mène depuis dix ans des actions pour repérer les exploitations qui vont se libérer et les jeunes porteurs de projet. Le foncier reste le noeud du problème: beaucoup de foncier libérable en location part à l'agrandissement. Le foncier disponible est mis à la vente. Dans les années à venir, l'anticipation devra être la règle car des entreprises de 700.000 à 1.200.000 euros seront à reprendre. |