«Marche devant, marche derrière, marche mal, marche bien, on finira bien par le rattraper, ce fichu canasson blanc...»

En cette fin d'après-midi ensoleillée d'automne, à l'étang de la Sablière, à Ouroux-sur-Saône, un public familial reprend les paroles incantatoires des Conteurs à gaz. Et se remet en marche. Le tour de l'ancienne gravière s'achève et les lecteurs de la bibliothèque municipale sont sous le charme des quatre conteurs amateurs. Une heure après le démarrage de la balade contée, l'imagination vagabonde.

Après avoir entendu les histoires, "Loups gris, noir et rouge" et "L'iguane énervé, enfants et adultes sont prêts à voir des poissons sur les peupliers, des pingouins dans la prairie, ou des girafes sur le sentier nature.

«Dehors, souligne Jean-Jacques Dazy, membre de l'association, on écoute différemment. L'ambiance est plus détendue. Les échanges sont plus simples et le public plus spontané.»

Tout en écoutant "Les aventures de la princesse sur son cheval et de sa fidèle servante sur son âne", les enfants ramassent ainsi de l'herbe séchée pendant qu'un papa sculpte un bout de bois avec son canif. Cette liberté associée à la découverte d'un joli coin de sa commune, explique l'engouement pour les promenades contées dans ce département bourguignon.

Pour sa seconde expérience, la bibliothèque d'Ouroux-sur-Saône a réuni plusieurs des conditions qui font le succès de la formule: un lieu calme à l'écart des routes, un parcours facile, ni trop long ni trop court, agrémenté de pauses, un répertoire adapté au public et au lieu, un ou plusieurs bons conteurs.

Créée en 1997 à la suite d'une formation dispensée dans le cadre du festival de la Saône-et-Loire, Les Contes givrés, la petite troupe des Conteurs à gaz réunit des amateurs qui aiment raconter des histoires. «Chacun de nous, expliquent-ils, propose et raconte ses histoires en se gardant le droit de la façonner à sa guise, pour que le plaisir de celui qui l'entend soit aussi grand que celui qui le dit. Ensemble nous travaillons à les relier.»

Facétieux et sympathique, le groupe dispose d'un vaste répertoire qui s'est étoffé au fil des ans au gré de l'imagination de ses membres: Josette (institutrice à la retraite), Madeleine (enseignante), Danièle (bibliothécaire), Jean-Jacques (responsable de l'animation de la ville de Saint-Vallier), et Dominique (sans profession, mais bénévole de plusieurs associations).

«Nos histoires, expliquent-ils, sont des légendes, des récits divers et variés, puisés dans le répertoire traditionnel, le patrimoine oral ou inventés. L'histoire "Les moustiques" est ainsi tirée d'un conte africain dont la chute a été modifiée. Angèle grippe-sous, a été inspirée par la mésaventure d'une dame du Clunisois, qui avait un rat dans son grenier. L'Afrique constitue une source inépuisable de contes, mais il faut faire attention à la symbolique. Sur ce continent en effet, l'animal malin n'est pas le renard comme en France, mais le lièvre.»

De retour au village d'Ouroux une heure plus tard, le public toujours aussi captivé écoute l'explication du bruit des «moustiques qui font zsss» depuis qu'ils ont été chassés du paradis des animaux vers le pays des hommes. Avant de se séparer de reprendre contact avec le quotidien, un goûter offert sous le préau de l'école permet un atterrissage en douceur.

Appuyés sur les cannes de marche sculptées par les conteurs, les auditeurs se laissent charmer par les histoires.