Le public jeune qui suit un parcours d'installation est des plus assidus en formation continue, avec un taux d'accès de 30% aux stages financés par Vivea (fonds d'assurance pour la formation des agriculteurs), comparé à un taux d'accès moyen de 12% pour l'ensemble des agriculteurs.

La mise en place du nouveau plan de professionnalisation personnalisé (PPP) devrait les motiver encore davantage: après le stage de 21 heures obligatoire et financé par le ministère de l'Agriculture (insuffisamment pour certains), les nouveaux installés pourront suivre des modules de formation de leur choix.

Ces étapes individuelles ne sont pas encore finalisées dans de nombreux départements: les jeunes suivront-ils des modules existants? Devra-t-on en construire à leur intention? Quel coût atteindront ces démarches plus individuelles? Les jeunes poursuivront-ils la formation engagée quand elle sera optionnelle?

Une chose est sûre: le taux d'accès des jeunes aux formations s'écroule à 8% pendant les cinq années qui suivent leur installation. Ils ont «la tête dans le guidon».

Une formation suivie d'une logique d'action

Philippe Desnos, de la Fédération régionale des groupes de développement de la Bretagne, constate: «La génération JAC (ndlr: jeunesse agricole chrétienne, années soixante) qui a imaginé le système actuel était engagée, mais souvent peu formée. Pour elle, construire son devenir, se former, c'était la définition même du développement. Pour la génération du BTS qui a pris le relais, les arguments changent. D'autant que, sur le terrain se sont mis en place des services qui proposent de résoudre les problèmes à peine sont-ils formulés.

Cet environnement-là peut isoler et éviter de se prendre en main. Développement et formation sont pourtant indissociables. La formation marche quand elle est suivie d'une logique d'action. C'est plus facile de se mobiliser sur des formations techniques avec un retour immédiat sur l'exploitation.»

Passé les cinq premières années, les jeunes reviennent davantage vers la formation continue: le taux d'accès atteint 29% entre 20 et 30 ans, puis 17% jusqu'à 40 ans, avant de retomber à 12% avant 50 ans et à 6% après 50 ans.

Importance de la dynamique locale

Selon Elisabeth Chevrier, responsable de la formation à la chambre d'agriculture de l'Ille-et-Vilaine, les formations fonctionnent quand elles ont été repérées sur le terrain par les groupes de développement, les techniciens, les filières.

«Pour que les jeunes n'abandonnent pas tout après leur installation, nous leur proposons un groupe de suivi d'installation, parfois départemental, parfois local, pour renforcer les réseaux de connaissance. Ensuite, pour les attirer, il faut un moteur local qui les relance. Ils viennent davantage sur les problématiques environnementales à cause du réglementaire. Pour les relations humaines, nous proposons des modules complémentaires après avoir attiré leur attention sur ces sujets lors du stage de 21 heures.»

Selon Jean-Jacques Loussouarn, directeur général de Vivea, le taux d'accès dépend de la dynamique locale de la profession, de l'organisation du territoire, de la filière de production. Tout en sachant que les hommes se forment deux fois plus que les femmes, les céréaliers et les éleveurs bovins six fois plus que les moutonniers.

A noter qu'un tiers des stages prévus sont annulés: «Soit parce que l'offre est artificielle, soit parce qu'ils sont innovants. Il faut du temps pour que la nouveauté s'installe. Pour les relations humaines par exemple, les formations sont nécessaires et le rôle de l'accompagnateur est capital», insiste Philippe Desnos.

De leur côté, la Fédération nationale des services de remplacement et Vivea ont lancé un nouveau DVD lors du Salon de l'agriculture pour encourager les agriculteurs qui se forment à avoir recours aux services de remplacement: ils ne sont que 2.500 à avoir fait appel à ces services en 2007, pour 8.500 journées, soit un chiffre divisé par deux en dix ans.

C'est toute l'offre de formation qui va être revue dans les années qui viennent. Sur le fond, les sujets qui émergent aujourd'hui manquent cruellement dans les catalogues proposés chaque année. En moyenne, 60% des propositions sont reconduites d'une année sur l'autre.

Selon Daniel Bled, délégué de Vivea Ouest, «deux types de formation attirent: les formations techniques de production et la gestion globale de l'exploitation. Les jeunes les plus formés sont séduits par les questions de stratégie. Mais face aux questions environnementales, il reste à inventer la façon de s'impliquer positivement, pas uniquement comme une contrainte mais comme une opportunité.

En termes de contenu, il y a un vrai travail à faire. Vivea engage des chantiers de réflexion sur la certification obligatoire pour l'achat et l'application des produits phytosanitaires en 2014, sur la certification des exploitations HVE (haute valeur environnementale), sur le développement de l'agriculture biologique. Les exploitants disent aussi ne pas trouver leur bonheur dans l'offre sur les relations humaines, en particulier sur les relations entre employeurs et employés.»

Selon Philippe Desnos, la formation sur la prospective devrait attirer les chefs d'entreprise: «Elle développe une compétence à faire de la veille, à lire son environnement. Cela procure de la sérénité, une meilleure qualité de décision et d'anticipation. Mais les personnes qui se forment ne doivent pas rester passives pour ne pas subir l'expertise de leur interlocuteur. Chez les adultes, la méthode est importante. On n'est plus à l'école, avec un savoir qui se déverse dans un cerveau réputé vide. C'est une logique d'autonomie.»

Développer l'ingénierie de formation

Quels que soient les sujets, les organismes de formation devront intégrer de nouvelles méthodes. Selon Jean-Jacques Loussouarn, «ils ne peuvent plus se contenter de présenter un power-point. L'expertise technique ou scientifique ne suffit plus.

Il faut travailler aussi sur l'appropriation des connaissances par les exploitants et leurs transferts sur l'exploitation: cela demande d'abord de faire le diagnostic de l'entreprise avec une approche personnalisée. L'acquisition des connaissances se poursuit ensuite en face à face ou grâce à la formation ouverte à distance. Enfin, il faudra l'intégrer sur l'exploitation, peut-être par un accompagnement d'une demi-journée. Tout cela exige que les organismes développent leur ingénierie de formation et adoptent une politique de qualité».

Vivea, qui finance une grande partie des formations, attend une pédagogie active qui prend en compte les attentes individuelles et l'expérience des participants. «La cotisation des contributeurs-agriculteurs va passer de 37 euros annuels à 65 euros. Le budget de Vivea va progresser de 25 à 40 millions d'euros. Il y aura davantage d'argent, mais en face il faudra davantage de qualité. Les formations peuvent être plus chères si elles sont plus efficaces et apportent sécurité et stabilité aux exploitations.»

Les jeunes seront sans doute plus motivés par ces formations utiles, utilisables et utilisées.

 

 

 

Voyage. En juin 2008, les agriculteurs qui ont suivi le stage «atouts jeunes» de la coopérative 110 Bourgogne ont découvert l'Ukraine.

Comprendre le contexte économique

- L'Ifocap, institut de formation pour les agriculteurs et responsables agricoles, forme depuis sa création les agriculteurs pour qu'ils deviennent acteurs du monde agricole et rural. Autrefois, ces stages duraient trois fois trois semaines. Désormais, ce sont six semaines, réparties entre novembre et février. Ils s'adressent à ceux qui ont pris ou vont prendre des responsabilités, souvent encouragés par leurs structures professionnelles. Ils ont de 22 à 48 ans et apprécient cette formation avec un axe sociologique fort qui brasse des agriculteurs de toutes les régions et de toutes les productions.

- La coopérative 110 Bourgogne investit elle aussi dans la formation de ses jeunes adhérents. Sur proposition de ses techniciens, elle invite un jeune dans chacun des dix-huit secteurs de la coopérative à suivre la formation «atouts jeunes». Au cours des sept rencontres, ils alternent des conférences d'experts, le décryptage de la presse, un voyage de quatre jours dans un pays européen, la visite de transformateurs. Le but de la coopérative: créer des liens, rompre l'isolement des jeunes, en faire des acteurs de la coopérative, dynamiser les assemblées. Initiés en 1993 puis abandonnés, ces rendez-vous ont repris en 2005.

- La chambre d'agriculture de la Haute-Garonne a proposé trois jours de formation pour apprendre à sécuriser les prix de vente des céréales. Sans succès. En revanche, la proposition de suivre une journée avec un expert sur la découverte des marchés a séduit soixante agriculteurs. Selon Olivia Chevallet, de la chambre d'agriculture, «les agriculteurs se demandent ce qui se passe depuis deux ans, si cela va durer. L'expert a expliqué le contexte international, la formation des prix. A partir d'un cas concret, ils ont vu combien il est difficile de prévoir mais aussi qu'ils ne sont pas obligés de subir. L'expert a expliqué comment s'arbitrer sur le marché à terme. Depuis, une coopérative propose un contrat indexé sur ce marché».