Les toits des stabulations représentent de vastes surfaces. La tentation est donc grande pour les éleveurs d'en profiter pour récupérer les eaux de pluie, afin de réduire leur facture d'eau. D'autant que son montant évolue sans cesse à la hausse. Et que c'est une ressource précieuse qu'il convient de ne pas gaspiller.

L'utiliser peut être considéré comme un geste écologique. Et cela contribue à une bonne image de marque de l'agriculture. Il existe dans certains cas des solutions pour réduire sa facture d'eau, comme la remise en service d'un puits ou l'aménagement d'un forage (voir l'article « Le forage a un coût d'entretien »), qui peuvent être plus facilement réalisables sur l'exploitation concernée.

 

Il reste que l'installation n'est pas si facile à mettre en place et pas toujours rentable. « Dans tous les cas, il convient de faire une analyse de la situation pour vérifier que le projet est intéressant », insistent Loïc Fulbert, du groupement de défense sanitaire (GDS) de la Mayenne, et Jean-Marc Pilet, de la chambre d'agriculture locale.

 

Si la récupération de l'eau de pluie est envisagée, elle doit répondre à certaines règles que les deux experts ont récapitulées après avoir dressé un état des lieux, c'est-à-dire un bilan de la pluviométrie et de l'utilisation souhaitée.

Etat des lieux

• Une eau de qualité

Même si une étude de l'Ecole nationale de la santé publique, réalisée en 2003, fait apparaître des résultats très variables sur la composition chimique de l'eau de pluie, celle-ci est toujours très en deçà des seuils de risques de toxicité pour les animaux. Encore faut-il conserver cette qualité tout au long du circuit de récupération et de redistribution, ainsi que dans la cuve de stockage.

• Calcul du volume des eaux récupérables

Le calcul du volume d'eau récupérable prend en compte la pluviométrie, la surface de la toiture et les pertes dues à l'évaporation, l'absorption ou les projections. Loïc Fulbert et Jean-Marc Pilet l'estiment à 20 %. La partie de l'eau évacuée après filtration représente 10 % du volume.

Avec une pluviométrie annuelle de 714 mm, par exemple, le volume récupérable pour une stabulation de 1.300 m² s'élève à 670 m³, avec des disparités importantes en fonction des mois. Il est inférieur aux besoins des soixante vaches laitières au minimum logées parfois dans ce type de stabulation.

• Bilan des besoins

Pour une vache allaitante, il faut compter 60 litres d'eau par jour.

Vache laitière : 80 l/jour (+ 20 l pour les élèves) + 4 l/m² de lavage du quai et du parc d'attente.

Par exemple, un troupeau de 60 vaches laitières consomme (60 x 80 l = 4.800 l (ou 4,8 m³) x 365 jours = 1.752 m³ d'eau d'abreuvement, plus 292 m³ pour les surfaces à laver du bloc de traite.

La consommation d'eau pour les traitements phyto est à côté dérisoire. Pour 15 ha de céréales et 15 ha d'ensilage, la chambre d'agriculture l'évalue à environ 22,5 m³.

L'installation

« La surface de la toiture est souvent insuffisante pour couvrir tous les besoins », déduit Loïc Fulbert. Le réseau public doit être conservé, d'autant que l'eau potable reste nécessaire pour le lavage du matériel de traite.

L'installation à prévoir, totalement déconnectée du réseau public, comprend une cuve précédée d'un filtre gravitaire et un regard séparateur. Ces derniers sont indispensables pour stocker de l'eau propre.

• La cuve

Sa capacité doit être optimisée dans la mesure où elle représente de 50 à 70 % du montant de l'investissement. L'analyse de la pluviométrie par décade déterminera son volume. Rien ne sert de prévoir une cuve de 50 m³ qui restera à moitié vide.

Mieux vaut qu'elle soit enterrée, car elle sera moins soumise aux variations de température et par conséquent au développement des bactéries. « Il faut avoir la possibilité de l'installer sur une zone drainée et non soumise à compression. »

Le stockage aérien est une solution plus exposée au risque de pollution. Les algues s'y développent plus facilement. Avec un petit surcoût (voir ci-après), il est possible de prévoir un stockage fermé de type citerne souple. Elle est toutefois plus encombrante et demande à être protégée du soleil.

• Regard séparateur de dégrillage

Celui-ci est conçu pour diriger les premières eaux vers les égouts car elles sont chargées des particules déposées. Les suivantes sont orientées vers un tamis en pente qui éliminera les déchets grossiers (les feuilles par exemple).

• Filtre vertical gravitaire

Le filtre à graviers élimine les particules en suspension qui restent dans l'eau. Loïc Fulbert préconise deux couches de graviers (de 4 à 6 mm de diamètre) de 30 cm entre une couche de sable (0,5 à 1,5 mm).

La première couche retient des particules de 400 microns et évite un colmatage en surface. Le sable retient les petites particules supérieures à 50 microns. « Un nettoyage de l'ensemble est indispensable une fois par an pour le bon fonctionnement du système », préconise-t-il.

Coût

• Stockage

De 0,06 €/l à 0,10 €/l d'eau stockée selon que l'on opte pour un stockage aérien en béton ou une fosse à géomembrane. Une cuve aérienne coûte de 0,28 €/l à 0,42 €/l.

La solution enterrée revient à 0,38 €/l pour une fosse préfabriquée en béton circulaire de 3 m de diamètre et de 0,36 à 0,45 €/l pour une cuve en PEHD (polyéthylène de haute densité).

• Pompage

Suivant la pompe et la distance de raccordement, le prix oscille entre 2.000 et 4.000 euros.

• Exemple d'investissement

Il faut compter 17.500 euros pour une installation avec une cuve en PEHD, des filres autoconstruits, un pompage de reprise et un système de traitement permanent par chloration.

« Cette solution, amortie sur dix ans, coûte 2,92 €/m³ récupéré et doit être comparée au prix de l'eau du réseau, qui est souvent en dessous de ce tarif dans la Mayenne », conclut Loïc Fulbert.

• Traitement

Pour corriger un défaut ou maintenir une désinfection jusqu'à l'abreuvoir, une chloration est à prévoir dans certains cas. C'est la solution la moins coûteuse.

Limiter lesgaspillages

« Utilise-t-on l'eau de manière rationnelle ? C'est la première question à se poser », insistent Loïc Fulbert et Jean-Marc Pilet. Les abreuvoirs doivent être conçus de manière à ce que les animaux posent correctement leur mufle, sans que l'eau déborde. Ils seront placés de manière à ne pas être exposés aux déjections. En élevage laitier, les surfaces à laver sont parfois surdimensionnées. Réfléchir à leur conception conduit à réaliser des économies importantes.

La loi fixe les usages

Les eaux pluviales appartiennent, selon le code civil, au propriétaire du terrain sur lequel elles tombent. Un arrêté du 21 août 2008 réglemente la récupération des eaux de pluie à l'extérieur et à l'intérieur des bâtiments. A l'intérieur, son usage est réservé à l'évacuation des excrétions et le lavage des sols (à l'exclusion des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux).

L'arrêté ne pose aucune limite pour les autres usages professionnels et industriels de l'eau de pluie, si ce n'est une interdiction pour les usages nécessitant une qualité potable (pour le lavage des éléments en contact avec le lait, par exemple).

A l'extérieur des bâtiments, la seule contrainte concerne l'arrosage des espaces verts, qui doit se faire en dehors des périodes de fréquentation du public.