A l'heure des choix. Louis-Marie Le Roux devra adapter l'organisation de l'exploitation au départ de son père.

 

 

1. Collection. Une collection de pierres découvertes sur l'exploitation témoigne de la présence d''agriculteurs depuis 5.000 ans.

 

2. En famille. Louis-Marie (en présence de ses parents, de son épouse et de ses deux filles) veille à préserver un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.

 

Louis-Marie Le Roux est un Nostradamien. N'y voyez pas une disposition particulière à prévoir l'avenir, ni l'appartenance à un improbable cercle voué à la mémoire de Nostradamus. Il est simplement natif et résident de Mont-Notre-Dame, une commune de 600 âmes située dans l'Aisne, à cheval entre le Tardenois et le Soissonnais. Petit-fils d'agriculteur, fils d'agriculteur, il n'a jamais envisagé d'exercer un autre métier.

 

«Tout petit, je restais le nez collé à la fenêtre pour regarder passer les tracteurs», se souvient-il. Son grand-père, par le truchement de Jean de La Fontaine, lui a transmis les valeurs que la terre recèle en lui contant la fable du laboureur et ses enfants. «Cela m'a marqué, et chaque matin je suis heureux de me lever pour retourner mon trésor.»

Cet attachement à sa terre ne l'a pas empêché de quitter la quiétude rassurante de son environnement familial pour d'autres contrées, d'autres modes de vie. D'abord à Angers, où Louis-Marie prépare un BTS Acse pendant deux ans. Il y goûte l'insouciance d'une vie d'étudiant indépendant «où je n'avais à m'occuper que de moi-même».

Il sera toujours temps d'endosser des responsabilités. Ensuite, pour les besoins d'un stage en exploitation, il rejoindra l'Irlande, celle du Nord. C'était en 2001, en pleine réconciliation entre les deux communautés religieuses. Lui le catholique pratiquant est accueilli à bras ouverts par un couple d'éleveurs laitiers protestants.

Enfin, deux ans plus tard, il profite de son stage "jeune agriculteur" pour s'expratrier cinq mois en Pologne, sur une ferme de 1.000 ha, un ancien kolkhoze racheté par trois agriculteurs picards. «J'ai découvert un pays qui s'ouvrait à l'économie de marché. Un pays sans structures où le système de la débrouille tient lieu d'organisation», témoigne-t-il. Louis-Marie conservera de son périple le souvenir de la chaleur des gens du cru.

Passage de témoin

Installé depuis 2006, Louis-Marie Le Roux exploite dans le cadre d'une EARL avec son père. Un salarié complète la force active nécessaire au travail de 277 ha de terres hétérogènes, combinaison de parcelles sablonneuses en vallée, de plateaux argilo-calcaires et de profonds limons qui conviennent idéalement à une rotation blé-betteraves-pommes de terre.

Le passage de témoin entre les deux générations devrait intervenir dans un ou deux ans. Louis-Marie sait ce qu'il doit à son père de recevoir un outil de production viable et en bon état qui lui permet de rembourser ses emprunts et de faire vivre sa famille: «C'est une entreprise qui exige de gros capitaux. Sans l'aide de ma famille, je n'aurais pas pu m'installer», admet-il.

C'est désormais entre ses mains que la pérennité de l'exploitation se devra d'être assurée. Pour s'adapter au départ de son père, il devra faire des choix. Comment faire tourner l'entreprise avec un actif en moins? Les pistes ne manquent pas: recruter, travailler plus ou adopter un assolement moins gourmand en temps de travail.

Cette dernière solution l'amènerait à se séparer des pommes de terre, exigeantes en main-d'oeuvre. Ce serait pour lui un crève-coeur, tant il est attaché à cette production. «Nous avons le matériel, le savoir-faire. Et puis c'est une culture qui nous permet de répartir les risques», plaide-t-il.

En dépit des incertitudes qui pèsent sur le secteur agricole, Louis-Marie reste serein. «L'Europe est de plus en plus libérale. Nous nous attendons à une baisse importante du niveau de nos aides. Pour autant, je ne crains pas l'avenir. Je suis convaincu que le pays a besoin de nous. Les soutiens à l'agriculture resteront indispensables pour des raisons d'autonomie alimentaire et d'aménagement du territoire», fait-il remarquer, en présageant que le cadre de ses soutiens va profondément évoluer.

Louis-Marie résume en ces termes les deux défis majeurs qu'il s'apprête à relever: «Produire moins cher et plus propre.» Des exigences qui passent par un travail sur les charges entamé de longue date. Le matériel, généreusement dimensionné, est acheté d'occasion et soigneusement entretenu.

Quant aux engins spécifiques (pour les betteraves et les pommes de terre), ils sont détenus en copropriété avec un oncle. Mais c'est le défi technique qui motive le plus ce passionné d'agronomie. «Les contraintes qui vont découler du Grenelle de l'environnement sont l'occasion de perfectionner nos pratiques, de nous remettre en cause. J'ai bien l'intention d'anticiper le mouvement pour éviter de me retrouver contraint par l'évolution de la réglementation.»

 

Stages à l'étranger

«Pour le stage de six mois, partez à l'étranger, ouvrez-vous à d'autres mondes, à d'autres cultures. C'est le moment ou jamais. Ces voyages sont très formateurs, ils nous fournissent des repères différents, nous indiquent ce qu'il y a de bon à prendre chez autrui et, parfois même, ce qu'il faut éviter de faire. Une fois installé, surtout dans les premières années, le travail et les responsabilités laissent moins le loisir de s'enrichir de telles expériences.»