Autonomie, liberté d'action et de décision, lien avec la nature, travail sur le vivant... telles sont les motivations les plus couramment avancées par les jeunes agriculteurs pour expliquer le choix de leur métier. Une liberté qui ne va pas sans une certaine prise de risque, comme le résume un jeune agriculteur picard: «On est son propre patron mais, si on se trompe, la sanction tombe.»

Ce que les candidats à l'installation retiennent des exigences de leur future profession tient à la maîtrise technique et à la gestion de l'exploitation: agronome, biologiste, zootechnicien, gestionnaire, commercial... dix métiers en un seul que ces entrepreneurs en devenir s'apprêtent à exercer.

Une profession qui s'adapte à son environnement. Dans une étude sur les transformations du métier d'agriculteur, Anne-Charlotte Dockès, de l'Institut de l'élevage, pointe cette évolution: «Poursuite d'une professionnalisation engagée depuis plusieurs décennies... Compétences d'organisation, de gestion économique et humaine de l'entreprise qui prennent une importance croissante. Intégration dans les pratiques d'exigences qui viennent de l'extérieur... Prise en compte d'enjeux environnementaux, de qualité des produits, de bien-être des animaux... Incorporation des valeurs et normes du reste de la société (séparation du professionnel et du familial, aspiration au temps libre, aux vacances...).»

Les jeunes agriculteurs participent à ce mouvement. La fonction nourricière, qui reste le fondement, s'accompagne d'autres défis: produire des énergies renouvelables, participer au développement des campagnes en entretenant le territoire, en y créant des emplois.

Portrait robot

Un examen attentif des statistiques les concernant éclaire le propos. Chaque année, ils sont quelque 10.000 candidats à se lancer dans l'aventure, dont 6.000 avec les aides à l'installation. S'ils démarrent de plus en plus tard dans la profession (28 ans), ils sont aussi mieux formés, titulaires à plus de 90% d'un diplôme professionnel de niveau 4 et plus (au minimum le bac pro).

Entre-temps, ils ont, pour 40% d'entre eux, exercé une profession non agricole avant leur installation, signe de la diversité de leur parcours. La surface moyenne exploitée pour les projets individuels dépasse 56 ha.

Leurs projets professionnels sont viables puisque, dix ans après leur installation, ils sont encore plus de 90% à continuer d'exercer parmi les jeunes installés aidés (la proportion tombe à 70% pour ceux qui n'ont pas bénéficié des aides JA). Quant aux capitaux nécessaires, une étude officieuse du Crédit agricole estime le coût moyen d'une reprise, hors foncier, à 275.000 euros.

 

Expert: JACQUES MARTHÉ, chargé de la veille économique au Centre national des centres d'économie rurale (CNCER)

« C'est le métier de l'avenir »

 

«Il n'y a jamais eu autant d'opportunités pour les jeunes agriculteurs. La production agricole est passée de l'abondance à une relative rareté. Parallèlement, la demande du consommateur est plus diversifiée et offre aux candidats à l'installation une plus grande personnalisation des projets. Les politiques publiques qui encadraient la production se libéralisent. Jusqu'à présent, le projet des jeunes était formaté par les conditions administratives. Ce n'était pas leur projet. Et cela favorisait celui qui était en place face à celui qui voulait entrer dans le métier. Aujourd'hui s'ouvre un espace de liberté. Les hors-cadre n'ont jamais été aussi nombreux. Il ne s'est jamais libéré autant de terres. Agriculteur, c'est un des métiers qui ont le plus d'avenir.»

 

Projets plus aboutis

«Pourtant, les jeunes peinent à s'installer, arrêtés par le coût d'accès au foncier en particulier, mais aussi en raison du poids du capital d'exploitation. Du côté de ceux qui reprennent, la main-d'oeuvre devient un facteur limitant. Les repreneurs font des arbitrages: certains suppriment l'atelier laitier pour ne garder que les cultures. Les allaitants qui avaient développé l'engraissement redeviennent naisseurs faute de bras. Cela nuit à la diversité et à la richesse produite sur les territoires. Moins d'animaux engraissés, c'est moins d'abattage et de transformation... Or la demande existe: en bio, en AOC mais aussi en volume.»

«Les candidats à la reprise existent pourtant. Dans les formations de BTS et d'ingénieurs, la part de jeunes qui souhaitent s'installer progresse de nouveau. Leurs projets, en particulier pour ceux qui veulent choisir l'élevage, sont très fouillés. Ils savent tous que la technique ne suffira pas, qu'il faudra des projets très réfléchis, des connaissances liées à l'environnement, à l'agronomie. Ils sont à la fois très impliqués dans leur projet mais aussi plus distanciés. Ils vont souvent à l'essentiel: «Je n'ai plus le temps de recevoir trois techniciens, m'expliquait l'un d'entre eux. Et ils veulent une vie après le travail.»

Installer, c'est aménager

«D'un côté, donc, il y a de la demande, de l'autre des jeunes prêts à se lancer à la suite de leurs parents ou en hors-cadre. Au centre, il y a le poids du capital. Regardons ailleurs: aux Etats-Unis, dans la péninsule de Long Island, là où la terre est hors de prix, un prélèvement de 3 à 6% sur toutes les transactions immobilières est opéré. Cela alimente la caisse du comté, qui est ensuite utilisée pour racheter des terres agricoles. Et vous voyez encore des vaches non loin de villas hors de prix. Les politiques d'installation, c'est aussi un choix d'aménagement rural, un équilibre que l'on veut préserver entre activités agricoles, rurales et urbaines. Cela ne se limite pas aux dotations aux jeunes agriculteurs et aux prêts JA.»