«La herse à étrille, financée par un CTE, permet désormais de désherber toutes les cultures présentes dans ma rotation», commente Jean-Bernard Lozier.

«Dès mon installation en 1990, j'ai souhaité limiter l'utilisation des produits phytosanitaires et raisonner au mieux les intrants sur mon exploitation», indique Jean-Bernard Lozier, agriculteur à Coudres, dans l'Eure. Il a abandonné le labour à partir de 1997, par souci d'économie d'énergie, de gain de temps, mais aussi pour améliorer la vie biologique du sol. Jean-Bernard a en parallèle adopté les techniques culturales simplifiées, jusqu'en 2000.»

Toutefois, à cette période, l'exploitant a vu apparaître des problèmes de désherbage, liés en grande partie à la présence de vulpins. «J'avais des suspicions de résistance, car il n'était pas aisé de venir à bout des adventices, raconte-t-il. Ce poste devenait de plus en plus coûteux.»

Les mauvaises herbes étaient un problème récurrent et l'utilisation trop importante des produits phytosanitaires ne le satisfaisait pas: «Je me devais de réagir avant de me retrouver dans le mur.»

Jean-Bernard a, en premier lieu, souscrit un contrat territorial d'exploitation (CTE) comprenant l'allongement de sa rotation et la réduction des phytosanitaires. Une aide a financé l'achat d'une herse-étrille, qui a servi dès 2001. «A la même période, j'ai eu l'opportunité de participer au projet "agriculture intégréee" de mon département», raconte-t-il (lire l'encadré).

Beaucoup de mesures prises par Jean-Bernard ont permis de gérer autrement le désherbage sur l'exploitation. Auparavant, la rotation était constituée d'un colza suivi de deux blés et d'un escourgeon.

Elle est désormais raisonnée sur sept années (colza, blé, lin textile de printemps, blé, pois ou féverole de printemps, blé et orge de printemps). «Rien n'est figé, mais le principe est d'alterner les cultures d'hiver avec celles de printemps, afin de ne pas revenir trop souvent avec les mêmes cultures, précise l'exploitant. Cela permet de rompre le cycle des mauvaises herbes.»

Semis retardés

 

Déchaumeur à pattes-d'oie. Deux ou trois faux-semis sont réalisés avant l'implantation des cultures avec cet outil muni d'une barre niveleuse.

 

Les faux-semis font partie intégrante de la stratégie de désherbage de Jean-Bernard. Quelle que soit la culture, il travaille superficiellement le sol à l'aide d'un outil de déchaumage, à disques ou à pattes-d'oie. En moyenne, l'agriculteur réalise deux à trois faux-semis. Ensuite, la destruction des adventices levées est effectuée mécaniquement.

Pour le colza, il n'y a pas de faux-semis car la date d'implantation est avancée de près de dix jours, au 15-20 août. «J'essaie de semer juste après la moisson, dans une terre encore fraîche pour faciliter la levée du colza, mais aussi pour que la culture devance les adventices», ajoute Jean-Bernard.

Pour l'année prochaine, il envisage même de tenter un mélange colza-nyger, afin de mieux couvrir le sol. La culture intermédiaire sera dès les premiers gels détruite et laissera place au colza.

Mais ce dernier reste un cas à part, car pour les autres cultures il est nécessaire de se freiner pour ne pas semer trop tôt. «Ce n'est pas toujours facile à vivre, avoue l'agriculteur. Les voisins démarrent leurs semis et, les premières années, on a des doutes.» Ce décalage de dates permet pourtant à Jean-Bernard de semer à des périodes moins favorables à la levée des mauvaises herbes. Sur blé par exemple, il ne commence pas avant le 20 octobre, pour avoir le moins de vulpins possible. Le choix variétal est également important dans la gestion des mauvaises herbes, car des variétés de blé comme Attlass ou Cézanne sont plus couvrantes.

Quelles que soient les cultures présentes dans la rotation, Jean-Bernard utilise en priorité sa herse de 12 mètres et intervient éventuellement avec un herbicide en complément. «Cela demande plus de vigilance et d'observation, mais c'est aussi notre métier!», remarque-t-il.

Sur blé, le passage à l'aveugle, avant que la culture ne sorte de terre, n'est quasi jamais possible. Bien souvent, seuls deux passages croisés sont réalisés au printemps. Puis, si c'est nécessaire, l'agriculteur intervient en fonction de la flore, avec une sulfonylurée en présence de vulpins, ou avec Starane pour lutter contre le gaillet...

Autre exemple, alors que sur pois, il réalise parfois des rattrapages chimiques avec de très petites doses (Challange, Basagran ou Prowl), l'année dernière la féverole n'a pas nécessité de passage d'herbicides.

 

 

Seuil de nuisibilité

Jean-Bernard Lozier reste persuadé qu'il faut savoir accepter la présence de mauvaises herbes dans ses champs: «Comme pour les maladies ou les ravageurs, il devrait y avoir plus de données qui permettraient de connaître les seuils de nuisibilité des adventices dans les cultures.»

Grâce au groupe «agriculture intégrée», il teste aussi d'autres outils. Le binage ne l'a toujours pas convaincu. L'espace laissé pour le passage de l'outil est favorable à la levée des adventices et oblige à travailler le sol alors qu'avec la herse, il n'intervient que si c'est nécessaire.

Quant au choix des herbicides, l'agriculteur explique que, fatalement, avec une rotation assez longue, il a accès à plus de familles de produits et peut alterner les modes d'action, donc lutter contre l'apparition de résistance. Lors de la campagne précédente, sur un IFT (1) total de 1,9, les herbicides représentaient 1,2 sur l'exploitation. Le poste herbicide demeure pour Jean-Bernard encore difficile à gérer. Il souhaiterait, à terme, baisser sensiblement cet indice.

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(1) Indice de fréquence de traitement.

 

 

Un groupe agriculture intégrée très actif

 

Jean-Bernard Lozier fait partie du groupe «agriculture intégrée» de l'Eure depuis sa création en 2001. «Nous sommes tous intéressés par cette démarche et avons besoin d'informations pour confronter nos expériences et échanger nos idées, déclare-t-il.

Après avoir effectué des simulations sur nos systèmes de production, ce qui nous a permis de voir que nos marges moyennes sont identiques à celles des exploitations conventionnelles, nous avons travaillé sur différents thèmes techniques.

Le désherbage est au premier rang de nos préoccupations. Le conseil général et l'agence de l'eau ont financé la location d'une bineuse (la photo) et d'une houe rotative, pour nous permettre de réaliser des essais et nous faire une idée sur ces outils de désherbage mécanique.»