Alors que les mycotoxines T2 et HT2 n'avaient jamais été détectées sur orge de brasserie avant 2003, 100% des échantillons d'orges de printemps se sont révélés positifs en 2007, et ce chiffre devrait être identique pour 2008. «Il s'agit bien d'une nouvelle contamination et nous n'avons aucune explication sur l'origine de cette modification, avance Patrick Boivin, directeur général de l'IFBM (1). Il y avait bien un peu de T2-HT2 en Europe du Nord, mais on ne les trouvait qu'à des niveaux très faibles en France.»

L'avoine est la culture la plus sensible à l'accumulation de T2 et HT2. Près d'un tiers des avoines dépasserait le seuil jusqu'à présent retenu de 500 microgrammes par kilogramme (µg/kg), selon Bruno Barrier-Guillot, chez Arvalis (lire l'encadré). Plus inquiétant encore au vu des surfaces concernées, l'orge de printemps est fortement touchée: le taux de 100 µg/kg évincerait de 11 à 24% de la récolte. Le maïs se révèle moins sensible: le seuil serait dépassé dans 6 à 19% des cas. Enfin, moins de 1% des orges d'hiver, du blé dur et du blé tendre excéderait 100 µg/kg.

Contamination stabilisée

En 2006, le taux moyen de contamination des orges de printemps françaises a atteint 75 µg/kg, avec un maximum de 708 µg/kg. «On se demandait jusqu'où cela pouvait monter, mais il semble que la contamination moyenne se stabilise», rassure Patrick Boivin. En 2007, le taux moyen de contamination a été de 59 µg/kg. Il devrait être proche de 50 µg/kg pour 2008. Les enquêtes parcellaires montrent une opposition entre les teneurs en T2-HT2 et en Don (déoxynivalénol). «Sur céréales à paille, les espèces peu sensibles au Don, comme l'orge de printemps, semblent plus sensibles aux espèces de fusarium à l'origine des T2-HT2, observe Bruno Barrier-Guillot. Il peut s'agir d'un phénomène de compétition entre les espèces de fusarium productrices de ces mycotoxines, de conditions optimales de développement différentes ou d'une libération de spores plus tardive pour les espèces productrices de T2-HT2 et plus en phase avec la période de sensibilité des orges de printemps.» Cette opposition est également vraie au niveau des précédents. Les orges de printemps semées après une céréale à paille montrent des taux de T2-HT2 supérieurs à celles semées derrière maïs. Les orges derrière maïs révèlent en revanche des taux de Don plus importants. Il faudra donc veiller à ce que les conseils prodigués pour limiter la contamination en Don ne favorisent pas celle en T2-HT2. L'influence du travail du sol semble moins évidente que pour le Don. La sensibilité variétale, les dates de floraison et de récolte et la protection fongicide sont autant de pistes qui restent à explorer.

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(1) Institut français des boissons, de la brasserie et de la malterie.

 

Identifié récemment: Fusarium langsethiae

Les T2 et HT2 de la famille des trichothécènes de type A sont produites, pour la plupart, par "Fusarium langsethiae", identifié en 2004, ainsi que par "F. poae" et "F. sporotrichoides". Seuls les résultats des essais de l'année 2007 sont disponibles à ce jour. Avec une seule année de recul, il reste encore beaucoup d'inconnues dans le comportement de ces fusariotoxines.

 

 

Une réglementation pour 2009 ou 2010

L'échéance réglementaire approche. Annoncées initialement pour le 1er juillet 2008, les teneurs maximales de T2 et HT2 dans l'alimentation humaine ne seront pas fixées avant le forum de discussion sur les mycotoxines que Bruxelles organise chaque année en janvier. «La Commission souhaite que la réglementation soit en place pour la récolte de 2009, avertit Bruno Barrier-Guillot, d'Arvalis. Cependant, le processus étant assez long, il paraît plus probable que les seuils ne s'appliquent qu'à compter de la récolte de 2010.» Alors que de nombreuses lacunes persistent en termes de connaissance des espèces de fusarium et de bonnes pratiques à mettre en oeuvre, la fixation de seuils réalistes est un enjeu majeur. En 2003, un premier projet réglementaire avait proposé comme teneurs maximales 500 µg/kg pour les avoines et 100 µg/kg pour les autres céréales. Selon les informations plus récentes, le taux de de 200 µg/kg pour les autres céréales est à l'étude.