Au fond de la cour d'Hélène et Antoine, le toit d'un vieux bâtiment mitoyen avec la propriété voisine menace de s'effondrer. Pour réparer le fronton, Antoine doit installer un échafaudage et, pour ce faire, n'a pas d'autre choix que de passer par le jardin de son voisin. Ce qui n'enchante guère ce dernier. La servitude de tour d'échelle (ou échelage) permet pourtant au propriétaire d'un bâtiment situé à la limite de son terrain de passer chez son voisin pour effectuer des travaux indispensables sur son bâtiment.
Un droit reconnu par la jurisprudence
Il s'agit bien évidemment de travaux de réparation, de réfection ou d'entretien qu'il ne peut faire de chez lui, comme la réfection d'un pignon, de la toiture ou d'un ravalement de la façade donnant sur la propriété voisine.
Il n'existe aucun texte du code civil autorisant ce droit de passage, reconnu par la jurisprudence. En clair, l'un doit demander l'autorisation à l'autre qui ne peut la refuser. Si les relations de voisinage sont tendues, un document écrit entre les deux parties pourra préciser la durée des réparations et le montant d'une éventuelle indemnité. A défaut d'accord et en cas de refus, le propriétaire du bâtiment à entretenir doit faire appel au tribunal d'instance pour expliquer pourquoi il doit se rendre sur la propriété voisine. Celui-ci lui accordera l'autorisation.
Des travaux limités dans le temps
Les tribunaux d'instance accordent le droit de passage chez le voisin lorsque les travaux ont un caractère indispensable. Ils ne peuvent en outre être réalisés qu'en passant chez le voisin. S'il existe entre la construction et la limite de propriété un espace suffisant pour effectuer les travaux, le bénéfice de la servitude peut être refusé. Ces travaux ne doivent par ailleurs pas provoquer une gêne excessive. La durée des travaux (nombre de jours, horaire de passage) et le lieu de passage doivent être limités. Une indemnité devra enfin être versée au profit du voisin en cas de trouble de jouissance ou en raison des dommages accidentels à la propriété du voisin (haies abîmées ou parterres piétinés, par exemple).
Attention aux refus non motivésSi les conditions sont réunies, les tribunaux considèrent que celui qui s'oppose au passage ou encore qui exige des précautions inutiles commet un abus de droit passible de dommages-intérêts au profit de son voisin, comme en témoigne un arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 novembre 1997. A la suite d'un éboulement, Gédéon doit colmater rapidement une fissure sur le mur d'un bâtiment contigu au terrain d'Hervé. Contacté, ce dernier accepte le principe d'une occupation de son jardin pendant quelques jours pour procéder au ravalement du mur. Mais les deux voisins ne réussissent pas à se mettre d'accord sur les modalités des travaux. Hervé demande au juge d'obliger Gédéon à utiliser une nacelle, mais refuse que l'appareil de levage de celle-ci soit stationné dans son jardin. Sa demande est rejetée. Le juge a en effet constaté que la configuration des lieux ne permettait pas de procéder de la façon exigée par Hervé. De son côté, Gédéon avait prévu les mesures nécessaires pour protéger le jardin. La cour a jugé abusives les nombreuses réticences d'Hervé et l'a condamné à payer 600 euros de dommages-intérêts à Gédéon. |
L'autorisation du juge nécessaire en cas de désaccordSi deux voisins ne parviennent pas à se mettre d'accord ou si le voisin chez qui donne le bâtiment refuse l'accès à son terrain, inutile de tenter le passage en force. Le propriétaire du bâtiment à entretenir doit alors faire appel au tribunal d'instance qui lui accordera l'autorisation de pénétrer chez son voisin. Il peut s'agir d'un jugement. Procédure qui ne requiert pas le recours obligatoire à un avocat. En cas de travaux urgents, l'ordonnance de référé permet d'obtenir plus rapidement une décision de justice provisoire. Cette dernière est applicable même lorsque la partie adverse fait appel. |