En élevage bio, encore plus qu'en conventionnel, recourir aux antibiotiques pour soigner les mammites pose un problème. La recherche explore des voies alternatives pour lesquelles on dispose rarement d'études expérimentales. Une enquête, réalisée en Bretagne en 2005, avait permis de recenser les expériences d'éleveurs bio ayant recours aux huiles essentielles (aromathérapie). Leurs observations induisaient l'idée qu'il s'agissait d'une technique potentiellement prometteuse, mais souvent utilisée empiriquement, faute de références. On sait cependant que les huiles essentielles ont des propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires. Il reste à savoir s'il est possible de les utiliser dans le cadre d'une lutte efficace contre les mammites.
C'est dans ce contexte que la Frab (Fédération régionale des agriculteurs biologiques de Bretagne) a démarré une étude. Son comité de pilotage inclut des vétérinaires et des techniciens issus du Gab 56 (Groupement des agriculteurs biologiques du Morbihan) et de l'ENV de Nantes (école nationale vétérinaire). Les chambres d'agriculture de Bretagne et l'Institut de l'élevage y participent également. La réglementation autorise l'utilisation de dix-neuf huiles essentielles sur des espèces animales productrices d'aliments destinés aux humains.
Un mélange de trois huiles
Sur la base des observations réalisées par les éleveurs et des connaissances acquises par ailleurs, un mélange de trois huiles essentielles a été composé. Il s'agit du laurier pour ses effets antalgiques et bactéricides, du thym, également bactéricide et immunostimulant, et du romarin aux propriétés bactéricides et cicatrisantes. L'analyse in vitro de leur action sur les souches de bactéries les plus impliquées dans les mammites a permis de vérifier leurs effets et de finaliser le dosage à utiliser. La sensibilité des germes est variable: élevée pour les staphylocoques dorés (Staphylococcus aureus), moyenne pour les streptocoques et faible pour E. coli. Les mammites aiguës avec des signes cliniques marqués ne peuvent donc pas être traitées ainsi. L'étude, lancée en 2006, vise à évaluer l'efficacité du mélange sur le terrain chez quinze éleveurs laitiers bretons. Un protocole définit les méthodes de détection et de traitement des mammites. L'étude doit se poursuivre quatre ans, mais les premiers résultats sont déjà connus.
Au cours de l'essai, les éleveurs ont été incités à ne soigner que les mammites légères par aromathérapie. Le traitement consiste en quatre injections du mélange d'huiles essentielles, toutes les douze heures pendant deux jours. Les vaches traitées l'ont très bien supporté. Il a permis de guérir vingt-trois mammites sur cinquante-cinq, soit un taux de 42% de réussite. Quatre rechutes ont été observées, dont trois plus d'un mois plus tard. L'analyse bactériologique montre que la moitié des infections dues à S. uberis ont guéri, tandis que le traitement restait inefficace sur S. aureus. Ces deux germes étaient les plus incriminés dans les mammites observées. Ces chiffres sont à analyser avec prudence, le faible nombre de résultats ne permettant pas de tirer des conclusions définitives. Soulignons toutefois que les antibiotiques agissent, eux aussi, plus difficilement sur S. aureus. Ce germe a la capacité de s'enkyster, ce qui le protège des produits de lutte.
Ce taux de guérison est inférieur aux espoirs nés des résultats observés in vitro. Mais l'expérimentation démontre aussi l'absence d'effets irritants sur la muqueuse, en particulier de l'huile de thym. Les analyses effectuées pour rechercher des résidus dans le lait sont actuellement en nombre trop limité pour qu'il soit possible de conclure. Toutefois, la tendance est plutôt rassurante. L'expérimentation confirme l'action potentiellement efficace des huiles essentielles sur certaines mammites. Elle se poursuit en 2007 avec une nouvelle formulation, plus concentrée en principes actifs, qui pourrait renforcer l'efficacité. L'espoir de pouvoir un jour soigner certaines mammites cliniques sans antibiotique reste d'actualité.