Une étude menée par l'Inra de Dijon et la Protection des végétaux (PV) a mis en évidence la spécialisation de la flore adventice du tournesol en France au cours des trente dernières années. Les techniques culturales semblent être en grande partie responsable des évolutions. «Le tournesol était intéressant à analyser car c'est une culture assez jeune sur notre territoire. Elle n'avait pas au départ de flore établie. Toutefois, nous avons effectué ce travail sur d'autres espèces (maïs, colza...) et observé les mêmes tendances», précise Xavier Reboud, de l'Inra de Dijon.
Espèces en progression moins sensibles aux herbicides
Classées selon des critères biologiques, agronomiques et écologiques, les adventices qui progressent appartiennent majoritairement au même groupe. Elles ont des similitudes biologiques avec le tournesol. «Sans avoir encore pu l'observer sur notre base de données, nous pensons par exemple que l'ambroisie à feuilles d'armoise, encore peu répandue, pourrait être amenée à se développer plus largement, en tirant profit de la culture du tournesol», suppose le chercheur de l'Inra.
L'étude montre que les mauvaises herbes les plus fréquentes sont plutôt de grande taille, qu'elles apprécient le soleil et les sols riches en composés azotés. Comparées aux autres adventices, ces plantes sont aussi moins sensibles à la plupart des herbicides autorisés car elles s'adaptent aux spécialités ou contournent la pression herbicide en levant plus tardivement.
Parmi les espèces en progression, deux catégories ont été cernées. La morelle noire, la mercuriale annuelle, la renouée persicaire ou le laiteron rude étaient déjà communes dans les années 1970. En revanche, le datura stramoine, l'amarante réfléchie, le séneçon vulgaire ou le chardon des champs étaient à l'époque plus inhabituelles.
Espèces en régression: moins de diversité
Les espèces ci-dessus ont pris le dessus sur la renouée liseron, la renouée des oiseaux, le mouron des champs ou la moutarde des champs, en régression mais toujours présentes. La pensée des champs, la stellaire intermédiaire, la ravenelle, le fumeterre officinal et le chiendent rampant sont devenus plus rares. Ces populations se trouvent en recul pour de multiples raisons: sensibilité aux herbicides, période de mise en culture peu propice à la germination ou plantes habituées à des milieux pauvres, des sols très acides ou très basiques... Cette spécialisation des adventices pourrait aussi avoir des conséquences sur la biodiversité des champs cultivés. «Les données de l'étude peuvent également être exploitées pour détecter les espèces susceptibles de prendre de l'importance dans un futur proche. Chaque changement de pratique, comme par exemple l'arrêt de la trifluraline, aura nécessairement des conséquences, sur la flore ainsi que la faune», observe Xavier Reboud.
Des données sur trente ansPour cette étude, la fréquence et l'abondance de 168 espèces au cours de deux campagnes (1973-1976 et 2002-2006) ont été comparées. La seconde période analysée est issue du réseau de « biovigilance flore ». Mis en place depuis 2002 par la PV, il comprend environ mille parcelles réparties sur l'ensemble du territoire et permet de suivre la flore adventice sur les grandes cultures. |
Faune: un risque pour la biodiversitéLa régression de certaines adventices telles que la renouée des oiseaux et la stellaire prive de nourriture certains animaux (oiseaux, insectes...). |