MINISOMMAIRE

- «Coopérateur à 100%», Olivier Gernez panache ses ventes entre prix fermes et prix moyens.

- Quand Patrick Guignier vend sa production à un organisme stockeur, son prix réel est déjà calé sur le marché à terme.

- Face à des adhérents tentés par les prix fermes, les coopératives rénovent le prix moyen et étoffent leur formule «au cours du jour».

 

 

«Je diversifie mes ventes»

«Coopérateur à 100%», Olivier Gernez panache ses ventes entre prix fermes et prix moyens.

 

C'est sur la commune de Châteaudun, dans l'Eure-et-Loir, qu'Olivier Gernez cultive 230 ha de grandes cultures, principalement du blé dur, du blé tendre, de l'orge d'hiver et de printemps. Très investi dans la coopérative Agralys, il profite des nouvelles possibilités de mise sur le marché des céréales que son organisme stockeur a développé depuis trois ans. Ayant déjà l'habitude de vendre environ 40% de sa production en prix fermes, cette forme de mise sur le marché est passée à 60% depuis 2007.

 

Saisir les opportunités

Selon Olivier Gernez, la volatilité des marchés a changé les relations commerciales entre les agriculteurs et les coopératives: «Autrefois, si quelqu'un vendait en direct, il pouvait espérer quelques euros de plus. Aujourd'hui, l'important n'est plus tant de savoir à qui l'on vend, mais de savoir quand on vend.» Selon lui, la coopérative n'est plus responsable du revenu, elle en est devenu un précieux intermédiaire, «qui nous apporte à la fois le service et la sécurité de paiement».

Pour l'exploitant, «vendre au bon moment» ne signifie pas pour autant miser toute sa production dès qu'il pense être au sommet de la vague. Ainsi, Olivier Gernez gère ses ventes en fonction des opportunités qui se présentent à lui: «Si à un instant donné, les prix proposés me semblent rémunérateurs, alors je m'engage. Cette année, au moment des semis d'orge de printemps, la coopérative proposait 200 €/t, c'est un prix qui me convenait et sur lequel je me suis décidé pour une quantité déterminée.» Cette option est sécurisante pour l'agriculteur, qui s'assure un prix dès le semis. Pour autant, le prix fixé dans le contrat reflète les cours du jour où il est signé, ce qui oblige l'agriculteur à se tenir informé des cours pour souscrire au moment opportun.

Ensuite, pour les volumes qui ne sont pas engagés au semis, toutes les options sont encore possibles pour fixer des prix. Olivier Gernez met ainsi une partie de ses produits en prix «moyenne campagne», mais il se positionne aussi dans un système de bourse aux grains qu'a mis en place Agralys: «Tous les jours, sur internet, j'ai la possibilité de poser des prix fermes à une échéance donnée», explique-t-il. Les quantités sont néanmoins limitées au volume que la coopérative a vendu à ses clients. «Quand il n'y a pas assez de tonnages proposés par ce système et que les prix du marché sont intéressants, il m'arrive parfois de vendre des lots indexés sur les marchés à terme par l'intermédiaire de la coopérative, c'est alors elle qui réalise le dépôt de garantie», ajoute Olivier Gernez.

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SON EXPLOITATION - Lieu: Eure-et-Loir. - Surface: 230 ha. - Cultures: blé dur, blé tendre, orge d'hiver, orge de printemps. - Stockage: uniquement pour la production de semences certifiées. - Mise sur le marché: 100% à sa coopérative.

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Rentabiliser l'assolement

«En début de campagne, je fais mes calculs de prévision de marge pour chaque culture, en fonction des prix de vente que je peux espérer, mais aussi des charges. Je tiens ensuite compte de ces résultats dans le choix de mon assolement.» En fonction de la rentabilité de la culture, l'assolement de l'exploitation peut être amené à évoluer. «Nous avons l'avantage, dans cette région, de pouvoir irriguer, si bien que je peux facilement jongler entre les différentes têtes de rotation.» Cependant, avec les fluctuations du marché depuis 2007, ce type d'opération est devenu plus compliqué, «car les ratios entre les cultures peuvent évoluer fortement tout au long de la campagne», se rend compte l'agriculteur.

 

 

«J'utilise le marché à terme pour me garantir un revenu»

Quand Patrick Guignier vend sa production à un organisme stockeur, son prix réel est déjà calé sur le marché à terme.

 

Patrick Guignier est exploitant à Senots, dans l'Oise. Il cultive 320 ha essentiellement de colza, de blé et d'orge en rotation classique. L'agriculteur est, de longue date, le seul décisionnaire de la mise sur le marché de ses céréales: «Je n'ai toujours travaillé qu'en prix fermes, avec une autonomie de stockage à 100% de ma production», témoigne-t-il. Il vend chaque année une partie de ses récoltes de blé et d'orge à un meunier, et l'autre partie, auprès d'organismes stockeurs.

 

En 2005, il s'est ouvert un compte sur le marché à terme: «Depuis, j'engage quasi 100% de ma récolte en blé sur ce marché», expose l'agriculteur. Il utilise ce système comme un réel outil de garantie du prix. Sa stratégie consiste à vendre, sur le Matif (marché à terme international de France), une partie de sa récolte dès lors que les prix lui semblent rémunérateurs. «Cette année, j'ai déjà vendu une partie de la récolte de 2009, car les niveaux de prix me semblaient satisfaisants, et je pense que le potentiel de hausse du marché est limité. De même, en avril 2008, j'avais engagé 35% de ma récolte vu la bonne tenue des cours», explique Patrick Guignier.

Jouer la prudence

Selon lui, tous les repères ont été balayés avec la volatilité qui s'est installée en 2007. Dès lors, il apparaît illusoire de chercher à réaliser des coups lorsque le marché est au plus haut. En outre, il faut se concentrer sur ses marges de production. «Avant 2007, nous avions tous en tête le repère de 160 €/t, qui était le maximum que le marché avait atteint en 2003», se souvient-il. Aujourd'hui, l'exploitant pense qu'il faut aborder les marchés avec plus d'humilité, sachant que personne ne peut vraiment prévoir les niveaux du marché dans le futur.

Dans cette logique de se garantir un revenu, Patrick Guignier se fixe lui-même certaines règles. En effet, «cela devient vite très tentant de spéculer», admet-il. Cependant, il garde toujours à l'esprit combien une telle attitude aurait été catastrophique en 2007: «Alors que la plaine était magnifique au mois de mars et que les prix étaient déjà bons, beaucoup pouvaient être tentés de spéculer en prévision d'une baisse des cours du blé.» Ainsi, l'exploitant n'engage jamais plus que sa propre production, et il déboucle sa position sur le marché à terme, dès lors que la marchandise est vendue. Patrick Guigner explique: «De cette manière, mon prix de vente réel est bien celui du jour auquel je me suis sécurisé sur le Matif.»

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SON EXPLOITATION - Lieu: Oise. - Surface: 320 ha. - Cultures: colza, blé, orge. - Stockage: 100% de la récolte. - Mise sur le marché: meunerie et organisme stockeur.

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Trop d'informations tue l'informatrion

Aujourd'hui, les agriculteurs peuvent se tenir informés très rapidement de l'évolution des marchés. «C'est positif, puisque cela nous permet d'avoir une bonne connaissance du marché lors d'une transaction», souligne Patrick Guignier. Mais, d'un autre côté, avec la volatilité, les cours évoluent parfois de plusieurs euros en quelques minutes. Si allumer son ordinateur tous les matins est devenu pour lui une habitude, il se refuse néanmoins à suivre minute par minute l'évolution des cours. Pour être tenu informé des nouvelles urgentes, «je suis abonné au service de conseil Agritel et je reçois sur mon téléphone mobile des SMS d'alerte lorsque le marché bouge fortement», signale Patrick Guignier.

 

 

Les coopératives font évoluer leurs offres

Face à des adhérents tentés par les prix fermes, les coopératives rénovent le prix moyen et étoffent leur formule «au cours du jour».

Un peu plus d'un an après l'euphorie de la hausse des cours, les coopératives ont quasi toutes constaté une baisse des volumes en prix moyens et une augmentation des ventes à prix fermes. Ainsi, pour la campagne de 2007-2008, chez ValFrance, le prix moyenne campagne est passé à 45% du volume total, contre 75% les années précédentes. Champagne céréales perd aussi environ 30% des volumes en système prix moyen, qui chutent à 50% des quantités totales. Même constat du côté d'Agralys.

Même s'il est vrai que la campagne en cours (2008-2009) marque un certain retour du prix «moyenne campagne», les coopératives tentent de regagner la confiance des adhérents pour cette forme de commercialisation, «qui permet à l'agriculteur de mutualiser le risque prix et de bénéficier des services de professionnels des marchés pour la vente de leur production», explique Joël Mizeroux, directeur adjoint de la coopérative EMC2. Par ailleurs, la vente par les producteurs au «cours du jour» peut être difficile à gérer pour les coopératives. Pour Bernard PechBerty, directeur de Sudépis, «c'est un vrai casse-tête de ne pas savoir quand nous aurons la marchandise pour approvisionner les marchés».

Incitations au prix moyen

Pour inciter les coopérateurs à choisir cette forme de fixation du prix, certains organismes stockeurs (OS) proposent des primes pour les volumes engagés en prix moyen. Chez ValFrance, en plus de cette prime, «nous donnons cette année un signe fort à nos sociétaires engagés en prix de campagne, en leur assurant un prix garanti de 200 €/t pour 2 tonnes par hectare de blé engagé», explique Christophe Michel, directeur commercial. Du côté de Champagne céréales, «nous utilisons les outils de gestion du risque de prix pour assurer à nos adhérents un prix moyen qui, compte tenu de la volatilité croissante des cours, reste supérieur à la moyenne des cours de la campagne», explique Damien Hanus, responsable animation des marchés.

Cependant, malgré les efforts des coopératives pour démontrer l'intérêt du prix moyen, la vente à prix ferme ou «au cours du jour» séduit de nombreux producteurs, qui sont tentés de faire mieux que la moyenne des ventes de l'OS. Selon l'organisme, les possibilités de poser des prix fermes sont plus ou moins étoffées. A titre d'exemple, certaines coopératives mettent en place des systèmes de bourse aux grains, par lesquels les agriculteurs peuvent vendre une certaine quantité, à un prix donné, à un moment donné. D'autres systèmes permettent aux producteurs de se positionner sur le marché à terme.

Former et informer les adhérents

Le principal désavantage de ces formules, c'est qu'elles laissent souvent l'agriculteur seul face à la complexité du marché. Fabien Bova, directeur général de l'OniGC (Office national interprofessionnel des grandes cultures), met ainsi en relief un des faits marquants de la campagne de 2007-2008: «Le centre de décision s'est déplacé des organisations vers les agriculteurs, mais pas l'information.» Dès lors, certaines coopératives réfléchissent à mieux accompagner les agriculteurs qui souhaitent s'investir pleinement dans la gestion de leur risque commercial. «Notre ambition est de répondre à l'ensemble de leurs attentes», poursuit Damien Hanus.

Il reste à savoir quelles seront les tendances pour la mise sur le marché dans les années à venir. Certains OS pensent que les producteurs se positionneront plus durablement dans un système de fixation des prix, lassés de jongler entre les différentes formules. Au contraire, Joël Mizeroux pense «qu'il y aura de plus en plus d'adhérents qui vont à la fois sécuriser une partie de leur récolte dans le système de prix moyen et arbitrer le reste de leur production par des prix fermes, pour profiter des phases de hausse du marché».

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De nouveaux contrats pour le blé dur

En 2007-2008, les cours du blé dur sont passés en quelques mois de 180 €/t à 480 €/t, pour redescendre ensuite à 300 €/t. En 2008-2009, pour mieux coller aux variations du marché, deux groupes coopératifs du Sud ont proposé à leurs adhérents une nouvelle formule de paiement.

Sud céréales, dans son contrat sécurisé pour le blé dur, verse un acompte à la récolte suivi de quatre compléments de prix trimestriels. Ce mode de paiement remplace le système classique avec acompte et complément en fin de campagne. Pour 2008-2009, l'acompte s'élève à 200 €/t et le premier complément à 60 €/t. Les adhérents bénéficient d'apports de trésorerie plus réguliers et peuvent suivre concrètement l'évolution des prix de vente de leur coopérative.

Oxalliance, dans son contrat «4 quarts», rémunère les adhérents en quatre versements correspondant chacun à un quart du volume de leurs apports. Le prix moyen pour chaque quart est calculé sur les ventes réalisées par la coopérative durant le trimestre écoulé. Il n'y a pas d'acompte à la récolte. Pour le premier quart de 2008-2009, le prix s'élève à 270 €/t. «Nous avons demandé à nos adhérents de s'engager dès avril 2008. Près de 20% d'entre eux ont opté pour cette formule», souligne Guillaume Duboin, directeur d'Oxalliance. La coopérative a ainsi réussi à freiner la hausse des volumes mis en dépôt. «Les agriculteurs sont libres de jouer sur les marchés, mais ils doivent être conscients des risques. Pour le blé dur, il n'y a pas de marché à terme. En janvier 2008, nous avons perdu des ventes car nous ne pouvions pas disposer de la marchandise que nous avions dans nos silos. Les adhérents qui avaient opté pour la mise en dépôt espéraient que les prix allaient encore monter et ne voulaient pas vendre.» Avec le contrat «4 quarts», la coopérative regagne de la souplesse commerciale et sécurise ses clients en leur assurant une meilleure disponibilité des lots. Et elle sécurise également ses adhérents.

 

Spéculation. Il n'existe pas de marché à terme en blé dur. Les opérateurs doivent trouver d'autres solutions pour se prémunir du risque prix.

 

 

 

Les aléas de la vente directe et du stockage

Alors que les marchés sont devenus très volatiles, les plus-values qui pouvaient être gagnées par le stockage ou la vente directe apparaissent moins profitables. Selon un céréalier de la région Centre, qui livre son blé directement à Rouen, «les 3 €/t gagnés par le système en vente directe sont devenus moins intéressants lorsque les prix peuvent varier de 10 €/t pendant la journée». Il en va de même du stockage: «Avant, lorsque je stockais, j'étais à peu près sûr de faire un bénéfice en vendant le blé en deuxième partie de campagne. L'an passé, celui qui a vendu tard n'a pas fait de meilleures affaires que celui qui a vendu tôt», signale un autre producteur.