François Fillon a annoncé, au Space, le 9 septembre à Rennes, la mise en place d'«un véritable filet de sécurité qui garantira un montant minimum de retraite» pour tous les non-salariés agricoles à carrière complète. Il a honoré la promesse faite l'an passé par Nicolas Sarkozy, lors de ce même salon. Depuis 1994, les plans de revalorisation des petites retraites se succèdent. Une majorité d'anciens agriculteurs, et surtout d'agricultrices, perçoivent une très faible pension. Selon les statistiques de la MSA, au 30 juin 2007, 91% des veuves sans droits propres avaient une pension de moins de 400 euros. Le gouvernement a ciblé les mesures pour «réduire les poches de pauvreté». Il a porté son effort sur les situations les plus difficiles, notamment celles des femmes exclues des précédentes revalorisations.

Un montant minimal de retraite sera mis en oeuvre en 2009. Il sera aligné sur la base du minimum vieillesse du régime général, soit 633 euros mensuels pour les agriculteurs et les veuves, et 506 euros pour les conjoints, dans le cas d'une carrière complète. Il sera proportionnel à la durée de cotisations pour les carrières incomplètes. «On est bien loin du seuil de pauvreté d'environ 800 euros par mois, regrette Henri Drapeyroux, président de l'ANRAF (1). Et encore une fois, la parité homme-femme n'est pas assurée.» La logique des précédents plans de revalorisation a prévalu. Ceux-ci avaient pour objectif de porter au niveau du minimum vieillesse les pensions des agriculteurs à l'issue d'une carrière complète en agriculture. C'est cette continuité qui fait dire à Jo Bourgeais, de la Confédération paysanne, qu'il s'agit «d'annonces en trompe l'oeil»: «L'alignement sur le minimum vieillesse existe depuis la revalorisation de 1998 à 2002. Les minima annoncés comme des nouveautés sont des acquis depuis dix ans! Nous espérions des avancées plus significatives.»

Minorations supprimées

Avec ce filet de sécurité, «le mode de calcul est nouveau et plus lisible», soutient-on au ministère de l'Agriculture. «C'est une mesure d'équité qui offre les mêmes droits à ceux qui ont pris leur retraite avant 2002 et qui améliore en priorité le niveau de vie des veuves», a déclaré Michel Barnier, ministre de l'Agriculture.

L'avancée majeure est l'abaissement des seuils d'accès aux revalorisations. Celui-ci entrera en vigueur en deux étapes: en 2009, la mesure concernera les exploitants et les veuves ayant 22,5 ans d'activité non salariée agricole, puis en 2011, ce seuil sera abaissé à 17,5 ans pour tous. Les veuves pourront voir leur sort s'améliorer. Jusqu'à présent, elles avaient été exclues des mesures de revalorisation en raison de leurs seuils d'accès très élevés (32,5 ans de cotisations).

Deuxième bonne nouvelle: la suppression des minorations sur les revalorisations. Ce taux de pénalité par année de carrière agricole manquante ne concernait que les retraités d'avant 2002. Fortement critiqué, il avait été progressivement abaissé pour atteindre 4% en 2008. Le gouvernement fixe une condition d'entrée à son minimum retraite: seuls ceux dont les pensions, tous régimes confondus, ne dépassent pas 750 euros par mois, pourront y accéder. Aucune condition relative aux revenus du patrimoine, pourtant un moment exigé par Bercy, n'a été retenue. La majoration de la pension sera calculée après une double comparaison. Le montant de la retraite perçue sera comparé à celui du minimum retraite (633 €, 506 € ou un prorata en cas de carrière incomplète). S'il est inférieur, le droit à la majoration sera ouvert. Le montant de la majoration sera ensuite comparé à celui de la totalité des pensions perçues. Si ce dernier montant est inférieur à 750 € par mois, la majoration sera attribuée. S'il est supérieur, la majoration sera réduite à due concurrence. Sur le principe, l'instauration d'un plafond de ressources n'a pas soulevé de protestations. En revanche, son montant de 750 € suscite des réactions.

Pour la Confédération paysanne, il aurait fallu se caler sur 85% du Smic net, le minimum de retraite prévu pour les salariés à carrière complète, soit environ 880 € mensuels. Une référence également défendue par la MSA: «La mesure est satisfaisante, mais on n'est pas allé jusqu'au bout », regrette Gérard Pelhate, président de la caisse centrale de MSA (CCMSA).

116 millions d'euros en 2009

Autre sujet sensible: l'évolution du minimum garanti aux agriculteurs. Si son montant est aligné sur le minimum vieillesse, rien n'atteste que le relèvement de ce dernier de 25% d'ici à 2012 sera répercuté.Le ministère de l'Agriculture estime le coût de la mesure à 155 millions, dont 116 millions en 2009. Près de 233.000 personnes devraient bénéficier d'une amélioration de leur retraite, dont 196.000 dès 2009. 70% des bénéficiaires seront des veuves. Ces dernières sont également concernées par la deuxième annonce gouvernementale (voir l'encadré). Il reste à résoudre le financement de ces mesures alors que le déficit du régime social des exploitants agricoles (Ffipsa) devrait atteindre 2,7 milliards d'euros cette année. «Nous assumerons leur financement dans le cadre du rééquilibrage du Ffipsa que préparent Eric Woerth (NDLR: ministre du Budget) et Michel Barnier», a assuré François Fillon. «Il n'est pas fait mention de cotisations supplémentaires», assure-t-on du côté du ministère de l'Agriculture.

Après les effets d'annonce, les retraités attendent le détail. «Nous serons attentifs à ce qu'un maximum de retraités puisse en bénéficier», déclare Claude Berger, président de la section nationale des anciens exploitants (SNAE) de la FNSEA. A la SNAE, si on se réjouit que «la solidarité nationale bénéficie enfin aux agricultrices», des combats restent à mener. «Nous voulons renouer avec l'objectif de 75% du Smic à la liquidation de la pension, revendique Claude Berger. Depuis quelques années, nous observons un décrochage en raison de l'indexation des pensions sur l'inflation et non pas sur le Smic.» Au 1er janvier 2008, le montant minimal de retraite pour une carrière complète (en y intégrant la complémentaire obligatoire) ne représentait plus que 72,9% du Smic. L'ANRAF et la Confédération paysanne vont plus loin et réclament des retraites égales à 85% du Smic net pour «être en phase avec le régime général».

A n'en pas douter, les retraités mettront à profit leur pugnacité légendaire pour poursuivre la pression. Mais pour les pouvoirs publics, l'appel à la solidarité nationale doit être réservé aux situations de pauvreté. Les autres cas nécessitent une réflexion sur l'assiette et le taux des cotisations. Autrement dit, chaque nouvelle mesure devra garantir son financement.

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(1) Association nationale des retraités agricoles de France. Lire également les conséquences du passage à 41 ans de cotisations pour bénéficier d'une retraite à taux plein .

 

Complémentaire: réversion despoints gratuitspour les veuves

Le Premier ministre a garanti que «les veuves obtiendront désormais la réversion de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) acquise à titre gratuit par leur conjoint». La réversion n'est aujourd'hui possible que sur les points de RCO cotisés (à compter de 2003). Les veuves des agriculteurs ayant pris leur retraite avant le 1er janvier 2003 pourront dorénavant bénéficier de la RCO acquise à titre gratuit. Selon le ministère de l'Agriculture, plus de 100.000 veuves vivent de leur seule pension de réversion et cette mesure concernera 64.000 d'entre elles dès 2010, pour un coût de 40 millions d'euros.