Pas toujours facile de conduire des veaux dans de vieux bâtiments. Surtout quand on élève chaque année quatre-vingts veaux mâles et femelles nés sur l'exploitation. C'est le cas chez les Lutz. Il y a encore deux ans, les veaux placés dans des niches individuelles durant leurs deux premières semaines se retrouvaient ensuite dans une ancienne étable entravée, logés dans des box collectifs jusqu'à l'âge de cinq, six mois. «Même si le nombre de pneumonies restait très limité, cette nurserie peu aérée ne donnait pas toutes les garanties», explique Christophe Lutz, le fils. Quand est venue l'idée d'investir dans un Dal pour réduire significativement leur temps d'astreinte, les Lutz ont donc tout naturellement préfèré revoir complètement les conditions de logement de leurs veaux. Il n'était pas question pour eux d'installer ce Dal dans un bâtiment peu adapté.

«Je voulais recréer l'ambiance des niches individuelles pour les lots de veaux de plus de quinze jours, explique Christophe. Les igloos m'ont semblé alors la solution la plus adaptée. Ce système offre aux veaux une très bonne protection contre le vent. Lors les périodes ensoleillées de la journée, les veaux disposent aussi d'une aire paillée. Les conditions de logement sont idéales pour maîtriser les maladies respiratoires. Ils ne sont exposés ni au courant d'air, ni à l'humidité ambiante. Sauf lors des brouillards matinaux, mais ces derniers s'estompent généralement rapidement.»

En 2003, Christophe se lance dans son projet et achète quatre niches-igloos. Il décide aussi de couvrir l'aire paillée (quatre box de 36 m²) devant chaque igloo pour ne pas devoir récupérer les jus dans une fosse. Une structure complètement ouverte de 144 m² et de 4 mètres de hauteur voit ainsi le jour. «Je voulais un bâtiment assez haut pour conserver un maximum d'ensoleillement. Le petit inconvénient, selon le sens du vent, est qu'il peut pleuvoir ou neiger dans l'aire paillée. Pour éviter cela, il faudrait rallonger le toit et couvrir également les igloos, mais je perdrais en ensoleillement.» Les veaux semblent d'ailleurs particulièrement apprécier ce plein air. «Même à -20°C en hiver, ils continuent à sortir sur l'aire paillée tant que le soleil brille. En revanche, ils rentrent immédiatement dans l'igloo dès que le vent se lève. Située dans le fond de la vallée, ma nurserie n'est pas tellement exposée au vent. En revanche, un filet brise-vent est nécessaire pour le bâtiment ouvert, construit sur un plateau.» Avec les 4 mètres couverts devant les aires paillées, Christophe apprécie de surcroît de pouvoir travailler à l'abri certains jours. Chaque box est aussi éclairé par quatre néons, un détail qui a son importance quand les jours raccourcissent. Tout ce confort a un coût, sûrement justifié ici vu le nombre d'animaux élevés: 50.000 €, dont 23.000 € pour les igloos, le Dal et les tubulaires et 11.000 € pour le bâtiment. Si les diarrhées restent difficiles à maîtriser totalement, l'ambiance plus saine a permis une nette réduction des maladies respiratoires. «Je déplore beaucoup moins de pneumonies ou de toux, constate Christophe. De plus, les veaux malades réagissent mieux au traitement et guérissent plus rapidement. Dans l'ancien bâtiment, bon nombre de veaux atteints d'une pneumonie rechutaient et restaient chétifs.»

En hiver, la nurserie abrite une cinquantaine de veaux en moyenne. Les lots ne dépassent jamais douze, voire quatorze individus (pour les plus jeunes).

Curage tous les mois en hiver

«J'ai déjà mis dix-sept veaux dans le même enclos pour un seul igloo, mais c'est vraiment trop. Il faut alors pailler et curer beaucoup trop souvent», souligne l'éleveur, qui paille deux fois par semaine en hiver et seulement une fois en été. Le curage a lieu toutes les quatre semaines. Les veaux sont alors bloqués au cornadis et les igloos sont déposés facilement dans la prairie à l'aide d'un télescopique. Le reprise se fait très facilement car le sol est entièrement bétonné. Christophe enlève le fumier uniquement en hiver. En effet, la chaleur associée à la ventilation naturelle (facilitée par le bâtiment ouvert) assèche la litière qui ne dégage alors pratiquement aucune odeur en été.

L'alimentation est assurée par trois Dal (un par box) équipés d'un système de pesée et de l'option distribution de concentrés. Ainsi, les veaux sont sevrés selon leur âge mais aussi en fonction de leur poids. «Les veaux à fort GMQ sont sevrés nettement plus tôt. Ceux réalisant une faible croissance ont encore du lait après deux mois», note Christophe. Dans le quatrième box, sans Dal, sont logés les veaux plus âgés conduits au foin tout en ayant accès à la pâture.

 

 

 

Expert: MARC WITTERSHEIM, ingénieur au BTPL

« Un environnement sain, mais un investissement élevé »

«Techniquement, le système de niches collectives en igloo présente beaucoup d'avantages. L'environnement très sain limite le risque de développement des maladies respiratoires. Economiquement, le prix de ce type de nurserie me paraît élevé. Chez Lutz, ce lourd investissement peut se justifier car tous les veaux nés sur l'exploitation sont élevés. La meilleure ambiance de bâtiment permet ainsi d'améliorer considérablement le GMQ des veaux et d'augmenter notamment la marge réalisée sur le produit "veaux mâles".

En revanche, les éleveurs qui vendent leurs mâles à huit jours n'ont pas d'intérêt économique à investir dans une telle nurserie. La famille Lutz pouvait également se permettre un tel investissement car les bâtiments des vaches laitières et des taurillons sont aujourd'hui amortis, sauf la partie mise aux normes. »