« Lors d'une mutation foncière, qu'elle soit en propriété ou en jouissance, il faut se demander si elle s'accompagne d'un transfert des DPU (droits à paiement unique), souligne Jean-Pierre Gilles, notaire.

Les ventes, les baux sont concernés, mais également les opérations à caractère familial: les successions, les donations ou encore les divorces. »

Subrogation automatique

En principe, le transfert de DPU suppose que l'exploitant qui a bénéficié des aides en 2000, 2001 et 2002 poursuive l'exploitation d'au moins 30 ares jusqu'en 2006.

Que se passe-t-il si l'exploitant « historique » décède ? Ou encore s'il donne l'exploitation à ses enfants ?

« Les textes communautaires ont prévu un transfert automatique des DPU en cas de transmission "par héritage ou héritage anticipé", explique Jean-Pierre Gilles. Le nouvel exploitant a alors accès aux DPU dans les mêmes conditions que son prédécesseur. »

Pour l'application de cette disposition, les termes « héritage » et « héritage anticipé » doivent être compris dans le sens prévu par la législation nationale.

« Dès lors qu'un agriculteur aura reçu, avant le 15 mai 2006, tout ou partie d'une exploitation par succession, donation-partage ou donation simple, il pourra revendiquer les DPU acquis par l'exploitant historique », précise le notaire.

Il estime également que rien ne s'oppose à ce qu'un exploitant «historique» dispose des DPU dans un testament.

Le successeur devra demander au 15 mai 2006 l'établissement en son nom des DPU dans lesquels il a été subrogé. A cette date, il devra être considéré comme « agriculteur » et donc mettre en valeur une superficie minimale de 30 ares.

Cette règle pose des difficultés lorsque des héritiers ne sont pas agriculteurs. « Au décès de l'exploitant, ils sont réunis au sein d'une indivision successorale. Ils peuvent rester en indivision ou demander le partage.

Comment faire lorsqu'aucun indivisaire n'est exploitant ? Qui doit conserver 30 ares ? Une indivision composée d'héritiers exploitants et non exploitants peut-elle être considérée comme une entité juridique susceptible de demander des DPU ? », interroge le notaire.

La solution semble plus claire en cas de partage. « Le partage a un effet déclaratif. Autrement dit, l'héritier est censé être propriétaire du bien au jour du décès. A priori, l'effet déclaratif du partage permet à l'héritier exploitant de revendiquer les DPU, même s'il y a eu indivision entre-temps. »

Valeur patrimoniale

Le transfert automatique des DPU est également prévu par les textes européens en cas de « scission » d'une exploitation en plusieurs ou de « fusion » de plusieurs exploitations en une seule.

« En cas de divorce, de changement ou de modification du régime matrimonial, l'exploitation change parfois de mains. La transmission des DPU se passera sans problème quand une "scission" ou une "fusion", au sens communautaire du terme, sera reconnue et que la subrogation jouera. Dans le cas contraire, elle sera contractuelle et fera l'objet de prélèvements », analyse Jean-Pierre Gilles.

Quand et à quelle valeur faudra-t-il comptabiliser les DPU dans une déclaration de succession, une donation ou un divorce ? « Aujourd'hui, on ne peut pas déclarer une valeur patrimoniale que personne ne connaît », estime le notaire, qui attend avec impatience les textes nationaux d'application de la réforme de la Pac.

A confirmer: transmission du bail

Selon les textes européens est assimilée à une situation de subrogation automatique « la succession par voie de cession de bail ».

En France, deux opérations pourraient être concernées : la continuation du bail rural après le décès du preneur au profit du conjoint, des parents ou des descendants (article L. 411-34 du code rural) et la cession du bail à un descendant ou au conjoint du preneur (article L. 411-35 du code rural).

Prévoir des clauses malgré tout

A la différence d'une cession de DPU par clause, celle qui relève de la subrogation automatique ne subit aucun prélèvement (à l'exception du prélèvement linéaire de 3 % au maximum au profit de la réserve nationale).

Aujourd'hui, il est parfois difficile d'assurer que l'on se situe dans une hypothèse de subrogation automatique. En l'état des incertitudes, les notaires conseillent d'aménager une clause arrêtant le principe du transfert des DPU par subrogation ou à défaut par cession contractuelle.