L'EXPLOITATION

- Elevage individuel

- 285 000 l de quota

- 40 prim'holsteins et brunes

- 9.000 litres de lait à 42,5 de TB et 34,5 de TP

- De 75 à 80% de réussite en première IA

 

«Mon objectif est de ne pas descendre en dessous de 75% de réussite en première insémination. J'y arrive régulièrement depuis plusieurs années», témoigne Marcel Léauté, éleveur dans les Côtes-d'Armor. Pourtant, le niveau de production de son troupeau, composé de brunes et de holsteins en nombre égal, est stabilisé autour de 9.000 kg. Cette productivité laitière n'est a priori pas favorable à la reproduction. En outre, l'élevage a accumulé les problèmes sanitaires depuis quelques années: BVD en 2001, fièvre Q en 2004. Même durant ces épisodes, les résultats sont restés supérieurs à 60%. Marcel a une vision pragmatique des choses et pense avant tout au résultat économique. Pour lui, tout ce qui relève de la conduite technique du troupeau s'inscrit pleinement dans son travail d'éleveur. Il n'est pas question de déléguer. En revanche, il estime qu'il n'est pas suffisamment compétent pour maîtriser le suivi sanitaire. Il se repose donc son vétérinaire conseil, Catherine Journel.

Les vaches vêlent de la fin d'août à la fin d'avril. Les primipares arrivent dans le troupeau à l'âge de 24-26 mois. Pour la campagne en cours, le taux de réussite en première IA est de 72 ou 73%, sur la base des gestations confirmées. Il était de 81% l'an dernier et 75% en 2005. Durant cette période, la moyenne laitière tournait autour de 9.000 litres. L'intervalle entre deux vêlages varie entre 360 et 370 jours.

«Je calcule ma ration»

 

«La maîtrise de la reproduction passe d'abord par une ration équilibrée pour les vaches en production. Je fais attention aussi au tarissement et à l'alimentation des taries», précise l'éleveur. Marcel élabore lui-même la ration de ses laitières. Il fait analyser son maïs chaque année et s'appuie sur les tables Inra pour calculer la complémentation. Il n'a conservé que le service minimal au contrôle laitier, afin de disposer de chiffres officiels quand il vend des animaux. Les vaches consomment du maïs toute l'année, mais jamais en plat unique. Limiter les transitions alimentaires favorise la reproduction. « Je tiens à toujours fournir un aliment frais en plus», précise l'éleveur. En été, les vaches pâturent. En hiver, il s'agit de colza fourrager récolté vert et distribué au râtelier. Elles en ingèrent environ 4 kg de MS/vache/jour. Le maïs est disponible en libre-service. Et les vaches ont toujours du foin à disposition. De cette manière, elles ont le choix et disposent d'un espace suffisant pour manger toutes en même temps. Depuis qu'il a adopté ce régime, Marcel a abandonné la cure d'hépatoprotecteurs en hiver et il ne rencontre pas de problèmes métaboliques. Il est resté fidèle à la complémentation individuelle grâce au Dac. Le concentré se compose d'un correcteur azoté et d'un aliment de production. Les vaches en lactation consomment du minéral 5-25-15 toute l'année, à raison de 200 à 300 g/jour selon les périodes. S'y ajoutent des vitamines protégées. «Le colza apporte du calcium. Par rapport aux recommandations, ma ration fournit trop peu de phosphore. Mais je pense qu'un excédent pénalise plus la reproduction qu'un léger manque», analyse l'éleveur.

 

Eviter d'engraisser les taries

Les génisses reçoivent la même ration que les vaches en production, mais avec des vitamines classiques. Pour les taries, le maïs est rationné à 5 kg de MS/jour. Une quantité suffisante pour limiter les risques liés aux transitions alimentaires. Le minéral est du 10-0-10, consommé facilement avec le maïs. «Si elles pâturent, je les mets dans une parcelle sans trèfle pour éviter l'excès de calcium. Le maïs est alors limité à 3-4 kg de MS/vache/jour», souligne Marcel. Il n'y a eu que deux fièvres de lait dans les cinq dernières années. Auparavant, pour simplifier le travail, l'éleveur gardait les taries dans le troupeau. Elles recevaient alors la même ration que les vaches en production. Un régime trop riche qui a entraîné plusieurs problèmes en raison d'un état d'engraissement excessif au vêlage.

Observer les animaux

La mise à la reproduction ne se fait jamais avant soixante jours. Pour les vaches démarrant la lactation à plus de 50 kg de lait, il attend quatre-vingt-dix à cent jours. Si aucune chaleur n'a été vue dans les deux mois suivant le vêlage, l'éleveur administre des prostaglandines. En hiver, la surveillance des chaleurs est facile dans le bâtiment. Les vaches sont sur une aire paillée. Mais même en saison de pâturage, elles passent trois à quatre heures chaque jour à l'intérieur. Marcel les observe aussi quand il amène le tonneau d'eau. Il note toutes les chaleurs repérées. A un planning de reproduction, il préfère utiliser un simple calendrier. Il a établi un code de couleurs bien à lui grâce auquel il visualise les cycles.

Marcel ne mise pas sur la sélection pour améliorer la reproduction. Certes, il élimine les mâles très négatifs en fertilité, mais il met d'abord l'accent sur la morphologie. Quand il suspecte un problème sanitaire, il fait intervenir la vétérinaire très vite. «Je m'appuie sur elle dès que j'ai un doute, avant de perdre le contrôle de la situation.» Pour réduire les risques, il mise aussi sur la prévention. C'est systématiquement le cas pour les coccidioses, les diarrhées néonatales ou la BVD. Malgré tout, les frais vétérinaires sont contenus: 65 €/vache pour les produits et 21 €/vache en honoraires.

Ce suivi méticuleux est payant. Ici, les vaches ne sont jamais réformées pour des problèmes de reproduction. Elles vieillissent. Actuellement, le troupeau compte neuf vaches en cinquième lactation ou plus. «Elles reproduisent un peu moins bien que les jeunes, surtout les prim'holsteins», note Marcel. Le taux de renouvellement tourne autour de 15 à 20%. Avec ce troupeau sain, l'éleveur a plaisir à travailler. Mais il s'y retrouve aussi sur le plan économique. Chaque année, il vend sept à huit vaches. Et entre le quart et le tiers des inséminations est réalisé en croisement industriel. Il a choisi la race blanc bleu belge, qui permet des vêlages faciles et offre une bonne valorisation des veaux. Les femelles se négocient entre 380 et 400 €. Les mâles partent à 450 €.

 

Enquête: les clés de la réussite

A la demande d'Unicopa, un élève ingénieur a enquêté chez vingt et un éleveurs qui obtiennent régulièrement plus de 60% de réussite en première IA avec des troupeaux à plus de 9.000 kg de lait. Chez eux, la mise à la reproduction est assez tardive, 86 jours en moyenne. Elle est ajustée en fonction de l'état corporel (2,5 au minimum) et du niveau de production. Ces éleveurs suivent de près les chaleurs et les notent. Ils apportent une complémentation adaptée en début de lactation mais sont également vigilants sur le tarissement. Enfin, ils surveillent les vêlages.

 

 

 

Avis de CATHERINE JOURNEL, vétérinaire conseil

 

«Anticiper le moindre problème»

«Ce qui me frappe chez cet éleveur, c'est sa capacité à observer ses animaux et à repérer le moindre signe de dysfonctionnement. Quand il commence à voir des cas de diarrhée, par exemple, il n'attend pas d'avoir perdu cinq ou six veaux pour réagir. Il m'appelle et on identifie la cause du problème avant même qu'il se soit vraiment installé. C'est un économiste qui sait très bien ce que lui coûte un veau perdu. Chez lui, la fièvre Q et la BVD n'ont eu qu'un impact limité, parce qu'il s'est rendu compte très vite que quelque chose n'allait pas. Dans ces cas-là, il ne rechigne pas à payer des analyses parce qu'il estime que ça lui coûte moins cher que de laisser les choses s'aggraver. De la même manière, il réagit très vite pour traiter quand c'est nécessaire. Et il respecte scrupuleusement les prescriptions. Il est très curieux en pathologie, très bien informé aussi. Il utilise ses connaissances pour observer ses animaux et on peut travailler en confiance. On peut aussi faire des bilans des actions engagées, ce qui est très utile pour mesurer leur efficacité. Cette attention permanente qu'il porte à ses animaux est bien évidemment très favorable à l'obtention de bons résultats de reproduction.»