Parmi les différents mesures mises en oeuvre pour réduire la consommation de fongicides sur blé, l'association de variétés apparaît comme une piste prometteuse. Selon Claude Pope de Vallavieille, directrice de recherche à l'Inra de Thiverval-Grignon (Yvelines), la culture monovariétale entraîne une diminution de la diversité génétique, avec pour corollaire une consommation accrue de fongicides. «Les sélectionneurs améliorent la résistance aux maladies grâce à des gènes spécifiques. Or, cultivées à grande échelle, en quatre ou cinq ans, ces variétés voient leur résistance contournée, comme ce fut le cas avec les gènes de résistance à la rouille jaune Yr 17 en 1998 et Yr 32 en 2007, déclare la chercheuse. Selon nous, les gènes ne sont pas en cause. C'est leur gestion qui est inadaptée.»

Variétés compatibles

La diversité génétique capable d'assurer la durée d'efficacité d'une résistance à une ou plusieurs maladies passe par l'association intime, dans une même parcelle, de plusieurs variétés. Au champ, les champignons responsables des rouilles, oïdium et septorioses libèrent des spores qui propagent la maladie en infectant les plantes voisines. «Avec une association variétale, la propagation des spores est diminuée en raison d'une proportion de plantes résistantes, explique Claude Pope de Valavieille. Celles-ci forment une barrière entre les plantes sensibles.

Le seul risque de cette pratique serait de sélectionner des races capables de surmonter la résistance de toutes les variétés, mais il est facile de modifier la composition du mélange au fil des annnées.» Complémentaire vis-à-vis des maladies, le mélange doit également mêler des variétés assez homogènes agronomiquement (hauteur, résistance à la verse, précocité) et de qualité technologique équivalente, notamment pour les débouchés en panification. En 2001 et 2002, l'association Malaka, Somme, Apache, et Virtuose, testée par l'Inra chez des agriculteurs de cinq départements sur 190 hectares, a prouvé son intérêt par un gain moyen de 3,2 q/ha par rapport aux variétés pures et, surtout, de 0,54% de protéines. «Nous expliquons ces bonnes performances par un bon état sanitaire des plantes (-6% de septoriose), qui favorise un meilleur transfert de l'azote vers le grain, avance Claude Pope de Valavieille. Autre atout, le rendement des associations est plus stable dans le temps, en raison d'un meilleur comportement vis-à-vis des stress.»

Le constat fait en 2007 par les chambres d'agriculture de la Bretagne est similaire avec l'association Mendel + Instinct, testée à la station de Bignan (Morbihan). «Alors qu'en variétés pures, Instinct était très nécrosé par la septoriose (note de 7 sur 10 à la fin de juin) et Mendel peu (2 sur 10) le mélange se situait à 3 sur 10, donc mieux que la moyenne des deux», se félicite Jean de Rouvre, ingénieur en recherche appliquée.

 

Un seul fongicide en 2007

Des petits groupes d'agriculteurs incités par des meuniers et qui avaient connaissance de ces travaux cultivent des mélanges depuis plusieurs années. C'est le cas de Pascal Verberke installé à Hetomesnil (Oise) qui fait partie du groupe Graine de pain. «Depuis 2002, nous cultivons des mélanges de trois variétés. L'an passé, Apache, Orvantis, Caphorn avec 95 q/ha nous a donné entière satisfaction. Avec une grosse pression de rouille jaune, nous n'avons traité qu'une fois, alors qu'Orvantis en variété pure a reçu une seconde application spécifique. De plus, le programme régulateur est nettement allégé avec un seul C5.» L'agriculteur, qui récolte ses variétés pures l'année N-1, effectue le mélange lors du triage avant le traitement de semences. D'autres, comme Jean-Pierre Courlivant, dans la Vienne, sèment côte à côte les blés de la future association et les mélangent lors de la récolte.

 

 

Ailleurs, des surfaces significatives

Le blé est cultivé en association aux Etats-Unis (plus de 100.000 ha au Kansas), en Pologne (22% des surfaces 2007) et au Danemark (11%). D'autres espèces le sont également. Ainsi, pour lutter contre l'oïdium, 10% des orges danoises de printemps (et 4% d'hiver) sont des mélanges. A la fin des années 1990, l'ex-RDA avait généralisé cette pratique.