Se constituer un capital supérieur à 100.000 euros en épargnant chaque année 2.000 euros pendant 20 ans, telles ont été les performances de la dernière tontine close en 2001. Inventée par Lorenzo Tonti, banquier italien en 1653, la tontine est d'abord un produit financier collectif. Au premier janvier de chaque année, plusieurs milliers d'épargnants réunis en association s'engagent à épargner ensemble pendant vingt ans. Chaque adhérent fixe à la signature de son contrat le montant et la périodicité (trimestre, semestre, année) des cotisations qu'il souhaite verser (par exemple, 2.000 euros par an) en sachant que l'argent épargné est indisponible pendant toute la durée de la tontine. Le choix d'un versement unique est aussi possible. De plus, l'adhérent désigne les bénéficiaires, c'est-à-dire les personnes qui toucheront le capital au terme de l'adhésion. Comme tous les cas de figure existent, rien n'empêche l'adhérent de souscrire pour lui, pour ses enfants ou même ses petits-enfants (voir l'exemple de René et de Denise Seingier).
Les cotisations versées font d'emblée l'objet d'un prélèvement de 18,5%, mais le capital en cours de constitution n'est ensuite soumis à aucun frais de gestion. Ce taux paraît élevé mais il faut le comparer à l'ensemble des prélèvements opérés par les organismes financiers qui proposent des produits de placements du type du contrat d'assurance vie. Les frais de ces contrats déduits peuvent en effet représenter en 20 ans jusqu'à 45% du total des apports pour un rendement moyen brut de 8% par an. Mais comme le capital investi en tontine à été multiplié entre temps par 4,5... les prélèvements opérés paraissent indolores!
Faire confiance au temps
Les cotisations des tontines nouvellement constituées sont investies dans des actions à fort potentiel de rendement. Celles versées à partir de la dixième année sont progressivement investies dans des obligations et des sicav monétaires. Entretemps, les gestionnaires auront vendu les actions et auront protégé les plus-values dégagées en réinvestissant les fonds dans des produits financiers qui garantissent le montant du capital tout en leur assurant des rendements supplémentaires. On comprend dans ces conditions pourquoi le portefeuille d'une tontine nouvellement créée est essentiellement composé d'actions tandis que celui d'une tontine de plus de dix ans comprend en majorité des obligations et des sicav monétaires.
«La durée est le principal allié de nos gestionnaires de tontines et par conséquent une garantie de résultats», explique Karim Karbache, directeur de la communication du groupe «Le Conservateur».
La baisse des cours des actions constitue pour les tontines nouvellement créées de réelles opportunités pour investir les nouvelles cotisations et dégager des plus-values futures. Elle pourra aussi compenser les prix d'achat élevés auxquels les premières actions ont pu être achetées les années précédentes. Mais pour les tontines en fin de vie, la composition de leur portefeuille les protège des aléas des marchés financiers. Si l'ayant droit décède avant l'échéance fixée, les cotisations seront alors intégralement remboursées à ses héritiers à condition qu'une contre-assurance décès ait été contractée (voir l'encadré).
Casser la tirelire
Au bout des 20 ans, on casse la tirelire et on répartit les gains entre les investisseurs survivants proportionnellement à la durée de leurs versements. La dernière association a été dissoute le 31 décembre 2001 et le taux de rendement annuel moyen d'une adhésion effectuée le 1er janvier 1982 à l'âge de 45 ans est de 8,15% net d'impôts (1). Après inflation, ce taux est de 5%, prélèvements de 18,5% déduits puisque le coût de la vie a augmenté de 3,15% par an entre 1982 et 2002. Cette performance progresse depuis quinze ans car les années de forte inflation pèsent de moins en moins sur la rentabilité des placements effectués.
Les épargnants devront ces résultats aux plus-values financières qui seront réalisées mais aussi aux «bénéfices de mutualité» propres au fonctionnement de la tontine. Il s'agit des avantages que procure l'absence de frais de gestion mais aussi de la mise au «pot commun» des placements des épargnants décédés au cours des 20 dernières années (2), sans compter le bonus accordé aux investisseurs les plus âgés. Au total, la tontine assurerait des gains supérieurs de 2% en moyenne à ceux des autres catégories de placements.
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Pour en savoir plus, centre d'accueil téléphonique 0825.31.20.00 ou www.conservateur.fr .
(1) Pour les contrats conclus après 1998, voir l'encadré «Fiscalité».
(2) Mais comme nous l'avons écrit précédemment, les cotisations versées sont intégralement remboursées aux héritiers si l'adhérent a souscrit une contre-assurance.
Témoignage: famille SEINGIER, dans l'Oise «A chaque génération son contrat»«Quand un système marche, pourquoi en changer.» René et Denise Seingier, éleveurs laitiers en retraite, en sont à leur troisième tontine. Prévoyants, ils ont souscrit leur premier contrat en 1968, quelques années après leur installation. «A l'époque, ils versaient 1.000 francs par an. En 1988, ils ont réinvesti le capital qu'ils se sont constitué (environ 57.000 F) dans une seconde tontine et ont renouvelé leur opération il y a cinq ans avec une troisième tontine, explique Joseph Maakaroun du groupe "Le Conservateur"». Pour René, «la tontine est un système d'épargne simple, sûr et rentable. On reste maître de son argent et les héritiers ne paient pas de droits de succession. De plus les cotisations sont versées dans des valeurs agréées par le code des assurances. Enfin, la tontine est un placement intéressant car les frais de gestion sont limités et le taux de rendement de la dernière tontine est supérieur de 5% en moyenne au taux d'inflation en vigueur au cours des vingt dernières années.» En 1968, René et Denise voulaient se constituer un capital retraite afin de disposer de revenus plus élevés. Mais ils ont trouvé au fil du temps d'autres vertus à la tontine. Avec la conjoncture actuelle, il devenait urgent que leur fils Michel, qui a repris la ferme familiale, adhère aussi à une tontine. «Aujourd'hui on ne gagne plus rien en agriculture, explique Michel. Comme notre fils paie le minimum de cotisation, il n'aura pas de retraite. En versant 2.000 € par an, il disposera dans 20 ans d'un capital de 100.000 euros. Je veux en effet qu'il ait le même niveau de retraite que ses frères et soeurs qui n'ont pas repris la ferme. La tontine peut l'y aider», explique l'agriculteur en retraite. René et sa femme ont aussi souscrit pour chacun de leurs petits-enfants une tontine. «Quand ils s'installeront, ils auront besoin de cet argent.» |
Fiscalité: plus-values exonérées Les plus-values des tontines sont toutes soumises à la CSG-CRDS de 10%. Si l'adhésion est effectuée dans le cadre du Pep (plan d'épargne populaire), il n'y aura pas d'autres prélèvements à la dissolution de l'association. Mais dans le cas d'un produit assurance-vie souscrit depuis 1998, l'imposition des intérêts serait de 7,5% au-delà de 4 600 € de plus-values pour un célibataire (9.200 euros pour un couple). Par ailleurs, les adhérents à une tontine peuvent déduire de leur patrimoine taxable à l'impôt solidarité sur la fortune les sommes investies avant l'âge de 70 ans. En versant 50.000 euros sur une tontine, un agriculteur qui possède un patrimoine d'une valeur de 720.000 euros n'est plus soumis à l'ISF. |
Capital: les souplesses apportées au produit d'épargneLa souscription d'une contre-assurance (sans questionnaire de santé) protège individuellement le capital de chaque épargnant en cas d'invalidité ou de décès sans remettre en cause, pour les autres assurés, le «bénéfice de mutualité». Le capital est remboursé par la compagnie d'assurance aux bénéficiaires désignés au moment de l'adhésion si l'assuré décède ou devient invalide. «Cette garantie est systématiquement proposée dans le cadre des adhésions à cotisations périodiques», affirme Karim Karbache. Par ailleurs, les adhérents peuvent rejoindre une association déjà créée s'ils veulent que la durée de leur tontine soit plus courte. Mais la durée minimale à respecter est de 10 ans. Enfin, les contraintes de «l'épargne tunnel» qui obligent les investisseurs à immobiliser leur argent jusqu'au terme de la tontine peuvent être levées par des avances de trésorerie. |