Un homme s'active dans une cuisine: «Je suis homme d'agricultrice. Ma femme est toujours en réunion»... Une femme entre. «Bonjour ma chérie. Ta réunion s'est-elle bien passée? J'ai fini de semer le maïs, la vache a vêlé, Michel est à sa leçon de judo. J'ai étendu deux lessives et ton repas est prêt.» La femme se laisse tomber sur une chaise: «Je suis épuisée. Je n'ai pas réussi à faire passer mon message pendant la réunion.»

Ce jour-là, à Paris, l'ambiance était à la bonne humeur. Résolument. Les groupe féminins fêtent leurs vingt ans. En inversant les rôles de l'homme et de la femme dans leurs saynètes, elles racontent leur quotidien et soulignent la distance qu'il reste encore à parcourir pour que demain les jeunes femmes embrassent avec plaisir leur métier. Ne demandez à aucune de ces femmes si les groupes féminins servent encore à quelque chose. «Poseriez-vous cette question aux autres groupes de développement?»

Depuis vingt ans, les femmes des groupes féminins ont débattu des problèmes de comptabilité et de gestion, puis du statut des femmes, de l'alimentation de vaches laitières, de la vente directe ou encore de réforme de la Pac. Cela ne les empêche pas d'assister aux réunions mixtes, mais elles apprécient la convivialité de ces discutions entre elles, qui leur permet d'oser aller plus loin. Depuis longtemps, elles n'hésitent plus à déborder le cadre de l'agriculture. Les trois thèmes retenus pour l'an 2000 en témoignent: construire son projet personnel en groupe, s'investir dans les territoires ruraux et périurbain et, enfin, la santé, l'alimentation et la qualité des produits. On est loin du club tricot. « Nous nous ouvrons aux autres femmes de la campagne, sinon, comme il y a de moins en moins d'agricultrices, nous serions isolées dans nos exploitations», explique Marie Rabolin, présidente de l'intergroupe féminin et agricultrice dans le Doubs. Tout n'est pas rose. Le nombre des agricultrices en groupe baisse, elles ne sont plus que 1.500. «Mais là où il y a des animatrices, il y a des groupes», s'exclame Christine Nadreau agricultrice à l'Ile-d'Oléron. «En Charente-Maritime, il y a cinq animatrices et vingt groupes. La Vienne n'a ni animatrice ni groupe féminin.» Les conseillères qui partent ne sont pas souvent remplacées. «Nous refusons de pleurer et de faire fuir encore plus les jeunes femmes. A nous également de défendre nos projets qui justifient ces conseillères. Parfois, il faut mourir pour vivre. Si nous avons fait la preuve de notre utilité, cela reviendra», commente Marie Rabolin. En écho, les femmes concluaient en chanson sur l'air de Cadet Roussel: «Ha, ha, ha, oui, ma foi, l'agriculture, on ne la lâche pas.»