Minisommaire

- Le métier les a choisies

- Institutrice et femme d'agriculteur

- Evaluer le travail à sa juste valeur

- Moins d'aides pour les couples

- Deux installations aidées sur dix

- Les élues se font rares

 

 

Le métier les a choisies

Devenues agricultrices par amour ou par accident, elles ont découvert le métier de leur vie.

Les fermes de Catherine Thomazo et Véronique Le Moullec à Bubry (Morbihan) se touchent. Une chance pour ces deux amies du GVA de Plouay. Catherine est installée avec le frère de son mari, Véronique avec son père et sa mère. Dans le partage des tâches elles ont choisi les mêmes attributions : le troupeau de laitières et la partie administrative de leur Gaec.

Séduites par l'élevage

Ni l'une ni l'autre ne se destinait à l'agriculture. Catherine Thomazo était comptable à Paris: «J'ai rencontré mon mari en venant en vacances dans le Morbihan avec mes parents. Quand je me suis mariée, je suis restée à Bubry. J'ai suivi un tas de formations mais jamais je n'ai retrouvé d'emploi. Ma belle-mère partant en retraite, l'idée de prendre la suite a fait tilt. Le métier m'a plu tout de suite: le cadre de vie est superbe, je peux élever mes trois enfants tout en travaillant. Mon mari, enseignant au lycée agricole de Pontivy m'aide les jours de corvées.»

Véronique Le Moullec vivait, elle aussi, en région parisienne. Elle est revenue sur la ferme de ses parents suite au décès de son frère: «J'ai appris à traire pour soulager mes parents. Et une nuit j'ai aidé seule une génisse qui vêlait. J'étais contente de moi.» Elle quitte Paris avec sa fille. «Après une formation, je me suis installée. Avec une vache laitière, j'ai gagné un premier prix au comice: c'est une sensation que je n'avais jamais ressentie.» Son nouveau compagnon va rejoindre l'exploitation.

Nadine Julé, elle aussi fille d'agriculteur et adhérente du GVA, est en EARL avec son mari. Ils exploitent trois poulaillers. Elle non plus n'avait pas prévu de s'isntaller sur la ferme de ses parents. Elle s'est formée grâce au programme mis au point à la demande des groupes féminins du Morbihan, un brevet professionnel agricultrice qui permet de valider sur plusieurs années les savoir-faire acquis par les femmes. «Il y a de moins en moins de couples d'agriculteurs. On se sent parfois démodé. Nous nous soutenons surtout quand il y a des galères.»

Un travail de secours

Ce sont précisément les galères qui ont poussé Louise (39 ans) hors de l'exploitation: «J'ai épousé mon mari et son métier. J'ai tout fait pour être une vraie agricultrice: des formations techniques, des formations à la gestion en groupe féminin.» Des ennuis sanitaires sur le troupeau laitier les mènent jusqu'à un règlement amiable devant le tribunal de Lorient: «Cela a été dur surtout avec les banquiers. Mais nous avons respecté le plan de redressement.» Pour faire face, Louise a accepté un travail qui lui plaît à 1 kilomètre de chez elle: «Aujourd'hui, ma famille va mieux. Je travaille trois heures, pas plus. Je ne veux pas décrocher de l'exploitation. Je vais aux réunions du GVA dès que je peux. Les agricultrices, en ces temps difficiles, ont besoin d'une écoute de qualité, celle des conseillères agricoles.»

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Institutrice et femme d'agriculteur

A l'image de 60% des épouses de jeunes agriculteurs (1), Sylvie Couvert exerce un métier hors agriculture.

A 32 ans, Sylvie Couvert est institutrice à Le Verger (Ille-et-Vilaine) une petite commune rurale à 8 km de l'exploitation de son mari. Sylvie a toujours souhaité exercer ce métier. Vincent, son mari, a lui toujours voulu être éleveur laitier. Chacun a réalisé son projet. Aujourd'hui, elle y voit un double avantage. «Dans le contexte agricole actuel, mon travail à l'extérieur est une garantie financière.» C'est également une stabilité morale pour le couple. «Ne pas baigner dans le même milieu, cela permet de relativiser en cas de difficultés.»

Des métiers complémentaires

La contrepartie négative, c'est le manque de temps. « Nos métiers sont passionnants mais prenants. » Aussi, à la naissance de sa deuxième fille, Sylvie a préféré travailler à mi-temps. Pour une meilleure qualité de vie, ils vivent sur l'exploitation depuis l'installation de Vincent. «Les filles voient leur père tous les jours. Même occupé, il est présent. Il emmène les filles à l'école et chez la nourrice deux matins par semaine. Je suis disponible pendant les vacances. Nous avons des métiers très complémentaires.»

Si Sylvie ne s'implique pas dans le travail de l'exploitation, cette fille d'agriculteurs veille cependant à communiquer sur le métier. «J'envisage un projet ferme pour mes élèves l'an prochain.»

(1) Etude du Scees. Agreste juillet 2002.

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Evaluer le travail à sa juste valeur

Plus d'une femme sur deux a quitté l'agriculture morbihannaise entre le recensement de 1989 et celui de 2000. Les femmes des GVA font des propositions pour retenir celles qui restent.

«La baisse de 61% du nombre d'agricultrices entre les deux recensements nous a fait un sacré choc. 35 % des actifs agricoles du département sont des femmes. Dans huit cas sur dix, elles ont plus de 40 ans. Nous voulons encourager l'installation des jeunes, mais surtout retenir celles qui sont là», explique Maryvonne Helluard, vice-présidente de l'union des Groupements de vulgarisation (GVA) du Morbihan. Elles ont recensé 85 % des exploitations morbihannaises.

Selon l'étude approfondie de huit cantons, une jeune femme sur deux travaille à l'extérieur. «Là où il y a des emplois extérieurs comme à La Gacilly avec Yves Rocher, cela monte à deux sur trois», explique Nicole Josse, présidente de groupes féminins du Morbihan. Il y a celles qui ne viennent plus mais aussi celles qui partent. «En cas de problème de trésorerie, la femme part la première. En volailles, certaines ont demandé la prime de cessation et ont retrouvé tout de suite du travail dans l'agroalimentaire. Le porc a suivi et maintenant on commence à voir des cas en lait. » Pas question pour ces agricultrices engagées de laisser faire. «Les GVA ont proposé une formation « dire son projet » avec trois axes : se resituer dans l'exploitation, développer une nouvelle activité ou se tourner vers l'extérieur. Quatre-vingt-sept personnes sont venues. » Selon la MSA du Morbihan entre 1999 et 2002 le nombre de femmes chefs d'exploitation est passé de 3042 à 2931, celui de conjoints-collaborateurs ou participants a chuté de 1885 à 1598. Le département a relevé les seuils d'attribution laitière. Ils sont variables selon les statuts.

«Avant, seules les femmes chefs d'exploitation obtenaient une rallonge laitière. Or, quel que soit le statut, une femme vaut un actif », estime Marie-Odile Goudy, conjointe-collaboratrice. Autre cheval de bataille de ces femmes, la reconnaissance des savoir-faire apportés par les femmes. « La réorganisation administrative et le suivi de gestion des agricultrices représentent un mi-temps. Cet apport des jeunes installées doit être considéré comme une modification de consistance et participer à l'obtention des aides », explique Nicole Josse. Elle insiste aussi pour que la conception de la diversification soit élargie. Laurence Annic souhaiterait accueillir des personnes handicapées sur l'exploitation laitière de son mari et de son beau-frère. Elle s'interroge : « Mon activité n'est pas de la production agricole, mais elle ne peut pas exister sans elle. Je ne m'installerai qu'avec un statut complet. » Pour obtenir les mêmes aides que les hommes, on demande parfois aux agricultrices d'accroître leur activité. Les agricultrices du Morbihan demandent simplement que leur travail réel soit évalué à sa juste valeur économique.

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Moins d'aides pour les couples

Brigitte s'est installée dans le Cantal, un département où un tiers des jeunes aidés sont des femmes.

Franche et déterminée, Brigitte Troucellier (27 ans) reconnaît que son parcours à l'installation n'a pas été un long fleuve tranquille. « Il faut du temps, de la patience et de la ténacité. Comme j'entrais dans le Gaec familial de mon compagnon, cela m'a privée d'une attribution de PMTVA (1), d'un statut de hors cadre familial. Le père de mon ami n'a pas été considéré comme cédant à un jeune agriculteur. Chaque département définit ses priorités. En revanche, j'ai démarré dans le métier en étant reconnue. La mère de mon ami a attendu 1995 pour avoir un statut personnel. » Brigitte obtient sans difficultés son BPREA (brevet professionnel de responsable d'exploitation agricole).

Participation à tous les travaux

Avec l'acquisition de 24 ha, son installation a conforté l'extensification d'un système allaitant avec 85 vaches salers conduites en race pure et sélectionnées. La jeune femme participe à tous les travaux, depuis les soins aux animaux jusqu'aux travaux mécanisés des cultures. « Même en étant devenue maman, je n'ai pas l'intention de me cantonner à la maison et à la comptabilité, précise la jeune mère de famille. Son compagnon, Lionel Duffayet et ses beaux-parents la soutiennent dans ses choix. « Mes parents tenaient une brasserie parisienne. Ma famille, bien que citadine, m'a aidée et encouragée », précise Brigitte. « Ma formation initiale (bac STT, BTS compta-gestion) et mes expériences professionnelles précédentes (un poste de responsable en télémarketing et un travail de commerciale en laboratoire pharmaceutique) m'ont bien aidée », observe Brigitte.

(1) Prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes.

 

Le Cantal et le Lot étudient leur cas

Pour cerner les implications économiques et sociales de l'installation des femmes dans l'agriculture entre 1988 et 1999, les Adasea (1) du Cantal et du Lot ont travaillé à partir d'un questionnaire envoyé à 800 agricultrices des deux départements. Les installations en forme sociétaire dominent. Qu'elles soient chef d'exploitation individuel ou chef d'exploitation en société, les agricultrices s'inscrivent dans un groupe de travail familial. Celles qui se sont installées entre 1988 et 1999, ont une expérience professionnelle agricole avant leur installation. 27 % d'entre elles ne sont pas issues du milieu agricole. L'installation est réalisée sur l'exploitation des parents ou des beaux-parents pour 38 % des agricultrices du Lot et pour 29% dans le Cantal. Une agricultrice sur quatre a déclaré avoir été motivée par un projet professionnel personnel, 37% se seraient même installées sans les aides dans le Lot contre 18% dans le Cantal.

(1) Association départementale d'aménagement des structures des exploitations agricoles.

 

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Deux installations aidées sur dix

La part des femmes dans le nombre de DJA s'est stabilisée à 21,7 % en 2002 dans un contexte de baisse d'installations généralisée.

Selon le Cnasea (1), les femmes ont représenté 1 767 installations aidées sur 8 751 en 1997 et 1 270 sur 5 828 en 2002. Elles s'installent plus volontiers en EARL que les hommes: 41% contre 12 %. Ce sont La Mayenne, les Côtes-d'Armor, l'Ille-et-Vilaine, l'Aveyron et le Cantal qui ont connu le plus grand nombre d'installations d'agricultrices à l'opposé de la Nièvre, du Loiret et du Var. Elles ont un niveau de formation agricole moins élevé que les hommes: 8% ont le BTA contre 18% des hommes. Selon les statistiques d'Agreste sur l'ensemble de la population agricole, en dessous de 40 ans, moins d'une femme sur deux a reçu une formation agricole contre trois quarts des jeunes hommes. En revanche leur niveau de formation générale est plus élevé: 40% d'entre elles ont au moins le niveau bac contre 20% pour les hommes du même âge.

(1) Centre national d'aménagement des structures d'exploitations agricoles.

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Les élues se font rares

Responsables dans des organisations nationales, elles se battent pour améliorer le sort des agricultrices.

Jeannette Gros, présidente de la MSA et agricultrice dans le Doubs a longtemps trait les vaches: «Jusqu'en 1997 j'ai tenu à la traite du matin et du soir pour garder les pieds sur terre », explique cette responsable professionnelle, une des rares femmes à présider une organisation agricole. Depuis un mois, elle a pris sa retraite mais garde ses responsabilités nationales: «Les femmes doivent avoir un statut », martèle Jeannette Gros qui ne comprend pas pourquoi certaines régions en particulier le Midi, résistent encore. « Dans les exploitations au forfait un statut de conjoint collaborateur ne coûte pas si cher. C'est un regret terrible de voir que certaines femmes restent au bord du chemin. Certains maris sont sensibilisés trop tard quand ils arrivent à la retraite.» Les concubines sont particulièrement exposées: «En cas de décès ou de séparation il ne leur reste rien. On revient parfois 50 ans en arrière. Je donne ce conseil aux jeunes femmes: si vous n'avez pas de statut, si vous avez une interruption dans votre carrière, vous êtes dans une zone de fragilité. Gardez un filet de sécurité.» Une carrière incomplète pénalise vite la retraite. Selon une étude de la MSA en 2001, 266 000 femmes ont un statut lié à l'activité agricole: 53% sont chefs d'exploitation, 31 % conjoints collaborateurs (statut créé en 1999), 6 % sont conjoints participants (ancien statut). Enfin 10% sont salariées agricoles.

Pour la transparence des droits

Brigitte Allain, nouvelle porte-parole de la Confédération paysanne, souligne les limites du statut de conjoint-collaborateur créé en 1999: «L'accord du conjoint est nécessaire et les points retraite limités. Lors de l'installation, la route des femmes est une course à handicaps: pourquoi y aurait-il des petits et des grands projets? S'il y a installation agricole, il doit y avoir aides. Dans mon département, la Dordogne, la moitié des installations sont dites «hors norme» et cela touche en particulier les femmes. Et quand il y a installation aidée, pourquoi les aides apportées à un couple sont-elles différentes d'une installation entre deux frères? Nous aimerions que s'applique le principe de transparence des droits».

 

NICOLE MOZIZUR, présidente de Cogedis

«Il me faut une organisation sans faille»

L'engagement professionnel et social fait partie du patrimoine familial de Nicole Morizur. Juriste, elle a suivi une formation 200 heures pour s'installer en 1978 avec son mari à Loc-Eguiner (Finistère). Elle passera par le syndicalisme jeune avant d'être élue à la tête de Cogedis en 1993: «J'étais responsable du secteur maternité dans notre élevage de porcs. Aujourd'hui je garde un mi-temps sur l'exploitation. J'assure le suivi administratif, la gestion technique et économique. Je tiens à être très réactive.» L'exploitation de 500 reproducteurs qui compte quatre salariés, est en SCEA depuis 1994. «Il me faut une organisation sans faille, de la rigueur et de la disponibilité. La période des assemblées générales est la plus dure mais je peux compter sur mon équipe. Actuellement nous devons accompagner nos adhérents et mesurer très vite les incidences des réformes sur le revenu. L'approche prévisionnelle est capitale. » Nicole Morizur s'est beaucoup battue pour l'amélioration du statut des femmes: «La reconnaissance professionnelle a abouti. Mais en ces périodes d'incertitude sur les revenus, j'ai le sentiment qu'il y a moins de femmes dans les réunions professionnelles.» Nicole Morizur souligne l'importance de l'engagement: «Mon mari a des responsabilités professionnelles. Je suis adjointe dans ma commune. Parce que l'engagement fait partie de nos valeurs et parce que les agriculteurs doivent être présents.»

 

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