Paradoxalement, pour l'assurance récolte ce n'est pas le cas; tout au moins si l'on sort de l'apparence et si l'on se place dans une perspective durable.

Le principal gagnant de l'affrontement des deux structures mutualistes issues du monde agricole pourrait bien être le ministère de l'Economie et des Finances. Les technocrates de la forteresse financière française ont habilement profité de la rivalité entre les deux banquiers-assureurs pour pousser leur avantage dans la négociation sur la garantie des risques liés aux accidents climatiques.

Le Crédit agricole pour embarrasser son concurrent a claironné qu'il n'avait pas besoin de réassurance publique. Par ailleurs, le montant des aides de l'Etat est demeuré une préoccupation mineure.

Cette position ne pouvait que satisfaire ceux qui tiennent les cordons de la bourse à Bercy. Le soutien de l'Etat est pourtant indispensable comme le montrent très bien les expériences espagnoles et américaines. Groupama, gêné par son challenger, est resté très longtemps dans une attitude circonspecte.

Son expérience et sa large clientèle dans le secteur agricole l'ont amené à demeurer prudent face au risque d'une catastrophe climatique majeure. L'offensive commerciale de Pacifica (Crédit agricole) chez les meilleurs sociétaires de Groupama a pourtant conduit ce dernier à sortir du bois. Offrir l'assurance récolte (voir l'article intitulé "Coup de théâtre: Groupama offre l'assurance récolte à ses clients garantis contre la grêle" ) à ses clients céréaliers peut apparaître comme une manoeuvre habile.

C'est en réalité une mauvaise nouvelle, car les risques assurables sortiront, de manière précipitée, du Fonds des calamités si l'expérimentation en cours est jugée positive par les technocrates de Bercy. Ce qui pourrait être le cas, même si les dés sont pipés par la rivalité commerciale.

Cette situation peut conduire à un désengagement de l'Etat ou à une frilosité accrue dans le lancement de l'assurance récolte.

La FNSEA, qui tenait son congrès cette semaine, a écrit dans son rapport d'orientation à propos du Fonds des calamités qu'il ne faut pas «abandonner la proie pour l'ombre» même si, dans le même temps, il convient «d'explorer d'autres voies» tout en constatant que le gouvernement «affiche une volonté déterminée en faveur de l'assurance récolte, mais lui accorde un soutien financier mesuré».

Nul doute que le contexte actuel doit conduire les agriculteurs à monter au créneau pour, par exemple, «exiger des comptes» dans les structures locales où se prononcent les sociétaires agriculteurs de Groupama et du Crédit agricole.