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"J'augmente la productivité"
Le passage à la ration sèche s'est traduit par une hausse de production de 5 litres par vache traite.
"La ration sèche, c'est la ration de l'avenir. Et son mode d'emploi est d'une simplicité déconcertante." Laurent Petit, éleveur à Angliers (Charente-Maritime), n'en doute pas: il a opté pour ce système pour trois raisons. Un manque de main-d'oeuvre, des difficultés à récolter suffisamment de stocks fourragers sur des terres séchantes et non irriguées. Mais surtout, une volonté de valoriser le potentiel génétique de ses cinquante-cinq prim'holsteins, afin de faire face à une hausse du quota et à un manque de place.
Pari tenu! Ses laitières sont passées de 9.000 l à 12.000 litres. Avec la ration sèche, une vache ingère 1,5 à 2,5 kg de matière sèche en plus par jour, ce qui se traduit par une hausse de la production laitière de 3 à 5 kg. Mais la marge de progrès varie selon le potentiel de la vache et son niveau de production initial.
Recul du TB
La teneur en matière utile est malmenée. Le TP varie peu, mais le TB chute de 3 à 5 points par dilution. Cette baisse permet d'augmenter les livraisons en volume. Chez Laurent Petit, le TB s'est effondré, passant de 39 à 29 g/kg. Avec les pénalités matière grasse, le prix du lait a reculé de 290 à 240 euros par 1.000 litres. "Economiquement, j'y gagne quand même, précise Laurent. Ma référence est 443.000 litres à 39 de TB. Avec un TB moyen de 30, je peux livrer 132.000 litres en plus."
Témoins: ODILE SCHEFFER et FRANCIS PERSON, éleveurs à Vadelaincourt, dans la Meuse "Nous avons cumulé les problèmes de santé" La hausse de la production, Odile Scheffer et Francis Person l'ont eux aussi constatée, mais ils en paient encore les conséquences. Eleveurs à Vadelaincourt, dans la Meuse, ils sont passés en ration sèche en août 2005 pour alléger le travail. Dès le premier mois, les compteurs explosent: de 2.500 à 3.000 litres en plus par vache. Depuis, ils maintiennent leur moyenne d'étable à 12.000 litres. Mais les mammites et les non-retours en chaleur se sont succédé. Les vaches ont beaucoup maigri. Elles ont souffert de tachycardie et de ruminite. En cause, une transition alimentaire trop courte et une quantité de concentrés trop importante, 22 kg, avec un fractionnement des repas insuffisant. Leur nourrisseur est pourtant réglé au minimum. Ils optent finalement pour une distribution au Dac, afin de rationner les vaches à 17 kg. L'état du troupeau se rétablit. Odile et Francis décident néanmoins d'arrêter les frais et de réimplanter du maïs. Mais le bilan est amer : ils ont dû réformer plusieurs vaches, la trésorerie a souffert. Et surtout, les techniciens les ont "lâchés" en cours de route. |
Eviter l'acidoseLES PRINCIPAUX RISQUES LIÉS À LA RATION SÈCHEL'acidose se manifeste par des anomalies du TB. La solution: très vite faire consommer plus de foin pour faire ruminer et augmenter le taux de cellulose ou de concentrés. Le déficit énergétique se manifeste par une chute de TP, un amaigrissement, de l'infertilité. La solution: enrichir la ration en amidon. Une fréquence accrue des mammites liée à la forte hausse de la production laitière. ASSURER LA SURVEILLANCE "Avec la ration sèche, il s'agit de gagner du temps sur certaines tâches, mais pas de se débarrasser du travail," rappelle Michel Vagneur, vétérinaire. L'éleveur doit observer attentivement ses animaux et réagir vite. PAS LE DROIT À L'ERREURAvec une ration constituée aux trois quarts de concentrés, très acidogène, l'éleveur n'a droit à aucun dérapage. Les apports seront fractionnés à raison de 3 kg par repas. Si l'éleveur utilise un nourrisseur, il le règlera pour que les concentrés soient distribués au compte-gouttes. Un apport de fourrages grossiers (foin de première coupe, paille) est également essentiel pour faire ruminer. Le fourrage doit être bien conservé et appétent. Quant à la longévité d'une laitière ainsi "boostée", le recul est insuffisant. "Mais si le niveau d'ingestion ne suit pas la hausse de production, les vaches piochent dans leurs réserves, avec des conséquences sur leur santé ou leur fertilité", explique Philippe Brunschwig, de l'Institut de l'élevage. |
"Je sécurise l'affouragement"
La ration sèche permet de pallier les déficits fourragers chroniques.
"Sur l'île d'Oléron, il n'est pas possible d'irriguer et le climat est sec, explique Eric Themier, installé à Saint-Gilles (Charente-Maritime). Les maïs sont de qualité irrégulière, avec des rendements très moyens. Et les chantiers d'ensilage, alors que nous ne sommes plus que quelques éleveurs, devenaient difficiles à organiser." Les 30 ha de maïs ont rejoint les 70 ha de cultures de vente (blé, orge et colza). Les surfaces en herbe n'ont pas varié: 10 hectares restent en pâturage pour les 50 prim'holsteins, et 40 hectares sont fauchés. Une seule coupe par an, le climat sec n'autorise rien de plus.
10 kg de foin par vache et par jour
"Ma récolte de foin est un peu juste pour les 50 vaches, qui en consomment 10 kg par jour, remarque Eric. L'an prochain, j'implanterai 5 ha de fétuque en plus sur des terres humides." Il attend également le bilan économique. " A priori , ça passera, estime-t-il. Le système précédent me coûtait très cher également. Nous devions déjà compléter le maïs par des aliments achetés. Dans tous les cas, je ne reviendrai pas à l'ensilage."
Le début de l'intégration
Une conseillère de Poitou-Charentes tire cependant la sonnette d'alarme: "On commence par déléguer l'alimentation et on finit en intégration, comme cela s'est passé pour l'élevage caprin!" Jean-Philippe Dethoor, de l'Union laitière de la Meuse (ULM), remarque pour sa part: "Dans la Meuse, de 60 à 70 % des surfaces sont en prairies. Si on utilise des concentrés, on ne saura plus quoi faire de l'herbe!"
Par ailleurs, la nécessité de distribuer du foin de qualité ne permet plus de valoriser les fourrages de qualité moyenne. D'autant qu'il n'est pas toujours facile de réaliser un bon foin, en particulier dans les régions soumises à une pluviométrie importante.
Témoin: FRANÇOIS DOUSSON, éleveur à Pressignac (Charente) La ration semi-sèche m'a évité d'augmenter mes surfaces de maïs La ration sèche, trop radicale ou trop coûteuse, ne convient pas à tous. Certains utilisent la ration semi-sèche : l'aliment concentré, à raison de 5 à 10 kg par vache et par jour, est en complément unique de la pâture ou de l'ensilage. François Dousson, installé sur 55 ha à Pressignac (Charente), cherchait un système simple pour concilier l'élevage laitier avec la vie de famille. "Je distribue l'aliment ration sèche en concentré unique à mes 50 montbéliardes pendant la saison de pâturage, à raison de 4 à 5 kg par vache. Il m'a évité d'augmenter mes surfaces en maïs lorsque j'ai obtenu une rallonge de quota, et de fermer le silo entre mars et août. J'ai tout intérêt à maximiser l'herbe: sur 55 ha, j'en ai 45 en prairies. Pendant l'hiver, je reste à une ration à base d'ensilage de maïs et d'herbe." Sa coopérative avait réalisé une étude économique pour un passage en ration sèche toute l'année, mais elle ne l'a pas convaincu. "La trésorerie n'aurait pas suivi. Mes charges de structure sont trop élevées. Je m'y pencherai peut-être dans quelques années, pour aller vers une simplification totale du travail." En revanche, la ration sèche convient parfaitement… à ses génisses! "La différence est flagrante, explique-t-il. Elles sont en bien meilleur état, avec plus de gabarit, elles sont moins grasses et présentent moins de descente de mamelle. Et le temps consacré aux élèves a radicalement diminué." |