«Les utilisations injustifiées de pyréthrinoïdes à l'automne ne sont pas seulement inutiles, elles sont aussi néfastes.» Dixit Yannick Ballanger, spécialiste ravageurs du Centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains (Cetiom).
Ces traitements abusifs, en faisant place nette, laissent le champ libre aux pucerons résistants à cette famille de molécules. Alors que, contrairement à certaines maladies, «les insectes ne nécessitent pas d'anticiper», précise Alain Faure, du service de la protection des végétaux (PV).
1. Observer avant de traiter
Tir à vue, donc, en s'étant préalablement assuré que le seuil de nuisance est atteint quand la culture est encore à un stade sensible (voir tableau). Pour repérer l'arrivée des insectes, la cuvette jaune (lire encadré) apporte un premier indice, sans vraiment renseigner sur le nombre.
« La cuvette fonctionne comme un avertissement de début de présence », confirme Alain Faure, mais ne dispense pas d'observer les plantes pour vérifier si les seuils sont dépassés. Les avertissements régionaux complètent utilement le piège jaune, parfois insuffisant pour détecter des colonies localisées.
2. Une stratégie par ravageur
La décision d'intervenir se gère au cas par cas. La vigilance doit se porter dès la levée sur les petites altises, dont les attaques sont en recrudescence, favorisées par des semis de plus en plus précoces. Elles prennent parfois la forme d'un « nuage capable de détruire une parcelle », comme l'a déjà observé Lucien Saumur, de la PV de Poitiers. Le traitement vise alors les adultes (ou imagos) qui trahissent leur présence par des feuilles complètement criblées.
Ce sont aussi les adultes que l'on cherche à détruire quand débarque la grosse altise ou le charançon du bourgeon terminal mais, cette fois, dans l'objectif d'empêcher les pontes. Les larves, et non les imagos, mettent en danger la culture en compromettant la croissance des pieds. Et une fois installées dans les tiges, les chenilles ont peu de chose à craindre des produits, à l'efficacité souvent insuffisante. Les adultes, eux, arrivent souvent trop tard pour que le colza souffre des morsures que ces petits insectes ailés infligent aux feuilles.
Cette stratégie diffère du plan de bataille dressé contre la tenthrède, qui repose sur le traitement de ses larves défoliatrices. Les adultes colonisent les parcelles entre septembre et octobre pour pondre dans l'épaisseur des feuilles. Une fois sorties, les larves de couleur sombre s'en prennent aux feuilles. Lorsque la population est très importante, seules les nervures subsistent. Le traitement se justifie dès leur apparition, environ un mois après les premières détections d'adultes.
3. Prendre en compte la rémanence
«Il est parfois inutile de traiter à l'automne, mais on n'est jamais à l'abri d'un accident avec un insecte», estime Yannick Ballanger. La surveillance est donc indispensable.
Si plusieurs ravageurs se font pressants la même année, le nombre de traitements dépendra de l'espacement entre ces différentes vagues. La rémanence des pyréthrinoïdes est estimée à une dizaine de jours. Une intervention contre la grosse altise, à positionner environ vingt jours après les premières captures, survient souvent au bon moment pour lutter contre la tenthrède si celle-ci est présente. Les larves rescapées sont généralement contrôlées par les auxiliaires. Mais vu le décalage des cycles, des attaques de petites altises ou de charançons du bourgeon terminal justifient des traitements distincts.
Quant aux pucerons, ils ne pourront être maîtrisés qu'à l'aide d'un aphicide spécifique. Seule une gestion parcimonieuse des pyréthrinoïdes préservera l'utilisation de cette famille sur les autres insectes.
Bien placer la cuvette jauneLa cuvette jaune est installée dès la levée. Elle est placée sous les vents dominants, sur des parcelles situées à proximité de repousses ou de champs précédemment occupés par du colza. Ces parcelles sont souvent source de contamination ou de relais pour les insectes, tout comme les cultures intermédiaires de la famille des crucifères. D'abord enfoncée dans le sol, la cuvette est ensuite relevée au rythme de la croissance de la culture, car le piège doit toujours rester visible pour être attractif. Le Cetiom recommande de positionner le fond de la cuvette au sommet de la végétation. |