«Depuis que j'ai adopté le semis direct, j'ai modifié mon calendrier. J'ai avancé les semis à l'automne, car les plantes démarrent plus lentement. Au printemps, je les ai retardés, car les sols se réchauffent moins vite. J'ai aussi allongé la rotation. De ce fait, j'ai plus de cultures à semer. Mais avec des temps d'implantation divisés par deux, cela ne pose pas de problème.», constate Sandrine Gallon, agricultrice à Beaucaire, dans le Gard.

Avec son compagnon, Alain Coudrillier, elle cultive en fermage 140 hectares situés sur des alluvions du Rhône. Les sols, très battants, se compactent facilement. «Pour réduire les temps de travaux et essayer d'améliorer la structure, nous avons arrêté de labourer dès 1998», raconte t-elle. Dans un premier temps, le labour a été remplacé par un passage de chisel suivi d'une herse rotative. «Nous réalisions la préparation et le semis en un passage, avec un tracteur de 235 ch. C'était plus rapide, mais avec le poids du tracteur et des outils, nous avions toujours des problèmes de compactage», précise Sandrine. «A 1,3 mètre de profondeur, il y a une zone humide alimentée par les résurgences du Rhône. Mais les racines des plantes ne pouvaient pas y accéder à cause de cet horizon compacté», ajoute Alain.

En 2004, ils se sont intéressés au semis direct. Après avoir réalisé un essai sur du maïs, ils ont investi 29.000 euros dans un Semeato de 3 mètres de large. En 2005-2006 et 2006-2007, toutes leurs cultures ont été implantées avec cet outil, qui nécessite seulement un tracteur de 115 ch. Pour ameublir le sol en profondeur, Sandrine et Alain ont mis en place des couverts entre les cultures. «Nous cherchons quelle est la meilleure association d'espèces. Pour l'instant, il y a toujours du compactage en profondeur, mais les passages de racines se multiplient et la faune se développe.»

L'assolement s'est diversifié. « Au départ, nous misions surtout sur le maïs et le riz, qui donnaient les meilleures marges. En 2002, les prix du riz ont chuté, nous avons arrêté d'en faire. Avec l'arrivée des DPU et du découplage, nous avons pu raisonner plus facilement la rentabilité dans la rotation, et nous avons introduit de nouvelles cultures», souligne Alain. Le maïs a reculé au profit du sorgho, plus rustique et moins exigeant en eau. Le blé dur a progressé. «Pour étaler les travaux, nous implantons aussi de l'orge et du pois, qui laisse de l'azote pour la culture suivante.»

 

 

Semis de blé avancés

En 2006-2007, l'assolement était constitué de 57 hectares de blé dur, 35 hectares d'orge, 11 hectares de pois, 20 hectares de sorgho, 6 ha de maïs et 11 hectares de jachère.

A l'automne, Sandrine et Alain ont dû avancer les semis de deux, trois semaines. «Elles doivent s'implanter au milieu des débris végétaux et elles trouvent moins d'azote disponible, car le fait de ne pas travailler le sol ralentit la minéralisation», explique Alain. «Mais elles prennent le temps de bien s'enraciner et résistent mieux au stress hydrique si le printemps est sec, ce qui devient de plus en plus fréquent», ajoute t-il.

Le changement de date a été progressif. «Mon père m'a toujours dit qu'il ne fallait pas semer les blés avant la Toussaint. En 2005, nous avons commencé le 31 octobre. Juste après, il y a eu de grosses pluies et nous avons fini seulement en décembre», raconte Sandrine. Entre les premiers et les derniers semis de blé dur, ils ont perdu 15 q/ha. En 2006, ils ont commencé dès le 6 octobre et fini le 8 novembre. La réduction des surfaces de maïs au profit du sorgho a facilité ce changement. «Avant, nous étions mobilisés en octobre pour récolter le maïs au bon taux d'humidité. Nous attendions d'avoir fini pour commencer les semis de blé dur et à ce moment-là, nous étions souvent gênés par les pluies. Le sorgho se moissonne plus tôt, dès la mi-septembre. De ce fait, nous sommes plus disponibles en octobre.»

De meilleurs rendements

Cet automne, ils ont prévu un traitement de semences, car les blés semés tôt sont plus sensibles aux pucerons. «En 2006, nous nous sommes fait surprendre, et en décembre nous avons dû traiter certaines parcelles avec un Pirimor G.», ajoute Sandrine. Avec un hiver très doux, les blés avaient pratiquement un mois d'avance en mars. Les pluies de mai ont ralenti la maturité et finalement la moisson s'est faite avec seulement une semaine d'avance. Les plantes ont conservé un bon état sanitaire et les rendements ont progressé. «En semis direct, il y a moins de différences entre les petites terres et les autres. Avec Orlu, nous avons obtenu 62 q/ha de moyenne et avec Dakter 72 q/ha. La moyenne se situe à 65 q/ha, avec des PS entre 78 et 81. Avant, nous étions plutôt entre 50 et 60 q/ha», constate Alain.

 

Des reliquats azotés suivis de près

 

Avant de semer, Sandrine et Alain mesurent les reliquats azotés. Avec une tarière, ils prélèvent une dizaine d'échantillons de terre dans chaque parcelle. Ils mesurent ensuite l'azote grâce au système de bandelettes Nitrachek. Pour le blé dur, ils refont ensuite des mesures chaque mois. «Cela nous prend une demi-journée. Nous pouvons le faire parce que nous avons gagné du temps avec le semis direct.» Pour ajuster le dernier apport en avril, ils estiment le potentiel de rendement en comptant le nombre d'épis au mètre carré. «En 2006-2007, nous avons apporté de 180 à 250 u/ha en quatre ou cinq fois. Cet azote a été bien utilisé. Avec un rendement moyen de 65 q/ha, nous avons obtenu un taux de protéines entre 14 et 16%.»